En images: un petit coin de paradis, perché sur le toit d’un appartement lumineux
Non, la vie en ville n’est pas (forcément) oppressante. La preuve avec l’appartement de Tom et Anne, son jardin sur le toit, sa luminosité optimale, ses illusions d’optique et ses couleurs ludiques. On s’y sent en vacances, alors qu’on est au coeur d’Anvers.
« Vous aimez la verveine? », demande Tom en coupant quelques brins pour les plonger dans un thé. Nous sommes sur son toit anversois, transformé en potager. De la rue, ce jardin se remarque peu, mais une fois arrivé à l’étage, on se croirait dans un parc verdoyant, avec herbes, fleurs et arbres, et sa vue de carte postale sur la cathédrale Notre-Dame, l’église Saint-Charles-Borromée et la Boerentoren, ou la magnifique Handelsbeurs. Ces bâtiments environnants ont des teintes chaudes, et prennent un éclat doré en soirée. Même l’aluminium de la cuisine devient presque rose lorsque le soleil se couche. « Le soir, quand je rentre à la maison en vélo, l’obscurité de la rue me pèse, nous confie Tom. Mais une fois à l’intérieur, l’atmosphère change complètement. Il y règne une légèreté dont je ne pourrais plus me passer. »
Voir la vie en rose
Il y a environ quatre ans, l’architecte Tom Hindryckx et la créatrice de chaussures Anne Poesen ont acheté le dernier étage d’une ancienne banque dans le centre d’Anvers. Ils ont placé sur le toit un nouveau volume qui comprend désormais un salon et une salle à manger avec cuisine ouverte, le bureau d’Anne ainsi que deux terrasses. Le couple voulait recréer l’ambiance d’une maison de vacances, avec une attention particulière portée à la luminosité et à l’aspect ludique. Le résultat? Un sol « mortadelle », par exemple. C’est ainsi que Tom décrit le terrazzo qu’ils ont posé. Quand les ouvriers sont venus l’installer, l’étage tout entier s’est teinté de rose. Ce n’est que lorsque la roue diamantée a rendu les granulés blancs visibles que la couleur s’est estompée et que le couple a pu souffler. « Un tel sol traverse les époques, même rose, souligne Tom. Lorsque j’étais à Venise pour la Biennale, j’ai vu un atelier où l’on traitait un sol en terrazzo. A l’aide d’une petite machine à polir, ils ont fait renaître l’éclat et la beauté de ce revêtement vieux de 500 ans. C’était magnifique. J’aime chercher de tels matériaux. »
Dans cette maison, l’esthétique prend souvent le pas sur le pratique. Comme avec ce choix d’une cuisine en aluminium, un matériau plus doux que l’acier inoxydable. « Cela confère un aspect brumeux, frais, comme dans un rêve, à la cuisine. Chez nous, l’esthétique prime sur la résistance des matériaux. Les choses s’usent et se rayent, des accidents arrivent, mais cela ne nous empêche pas de dormir », s’amuse Anne.
Tom et elle se sont rencontrés pendant leurs études d’architecture. Tom a créé le bureau LOW architecten avec Stijn Cockx, Anne a choisi de se consacrer à son autre amour, les chaussures. Le projet de la maison a pris forme après de nombreuses heures de négociations. Un processus créatif plutôt lent, durant lequel ils ont laissé beaucoup de place à la réflexion. La table à manger en est un bel exemple. « Nous voulions une grande table ovale avec un effet terrazzo pour rappeler le sol, nous explique Anne. Je travaille tous les jours avec des accords de tons, donc un projet comme celui-ci me convient. J’aime jouer avec les couleurs. Un client peut parfois avoir du mal à différencier le rouge de deux paires de chaussures, mais pour moi une petite nuance fait toute la différence. » La table n’est arrivée qu’après deux ans et quatre tentatives pour égaliser l’acrylique coulé et obtenir une seule pièce. « Ce n’est qu’un prototype, car elle est lourde et comporte de nombreux défauts, concède la propriétaire. Mais encore une fois, on se dit tous les jours: quelle belle table! On ne voit pas trop les imperfections. »
Classique chic
A l’étage inférieur, où se trouvent les chambres et les salles de bains, l’atmosphère est plus douce. Une ambiance « classico-piano », selon Tom. Afin de conserver le caractère majestueux de la maison de maître, il a choisi un parquet à chevrons, des radiateurs classiques, des lavabos et des appuis de fenêtre en marbre. Les portes se distinguent également: hautes et larges, à panneaux, elles dégagent de la magnificence sans avoir les boucles et les franges typiques de ces immeubles anciens. Mais à cet étage-ci aussi, les teintes rafraîchissantes s’invitent: une salle de bains rose bubble-gum, des toilettes au sol jaune… En outre, l’architecte a accordé une importance maximale aux lignes de vue et aux espaces. « Notre habitation n’est pas petite, mais ça reste un appartement de ville, explique-t-il. Partout où l’oeil se pose, il doit trouver un élément intéressant, les murs et portes ne doivent pas occuper tout le champ de vision. Les illusions d’optique permettent d’agrandir les espaces. » C’est notamment le cas dans le dressing en frêne teinté noir, un espace étroit qui double de longueur grâce au miroir en pied situé à son extrémité. L’armoire à glaces dans le hall, qui contient les impressionnantes archives d’Anne, ajoute également de la légèreté, comme l’indique son compagnon: « Le stratifié doré de ses portes est expressif et donne à l’angle terne de nonante degrés une sorte de style Rolex-Barbie. Et à l’intérieur, les miroirs créent un infini de chaussures. »
On retrouve également cette technique à l’extérieur: sur le toit-terrasse à l’arrière, de grands panneaux réfléchissants donnent l’impression que le jardin est un peu moins carré. De son bureau, le regard de la créatrice se porte donc sur la verdure et non sur un mur vide. La conception est l’oeuvre d’Ars Horti, qui a imaginé un jardin organique, coloré et sauvage. Un endroit qui plaît aussi aux enfants. « Le gazon artificiel rend les lieux beaucoup plus agréables pour eux, souligne Anne. Nous avons peint le bois en blanc, après avoir remarqué que la neige adoucissait toute l’atmosphère de la terrasse. » La seule concession que le couple a dû faire sont les ardoises noires de la façade, qui sont les mêmes que celles des toits du quartier. « Il faut aussi que le bâtiment corresponde au style des environs, insiste le concepteur. Cette connexion est cruciale dans mes projets. Je ne suis pas fan des architectures qui happent trop le regard. »
En bref – Tom Hindryckx (40 ans)
Il vit à Anvers avec Anne Poesen. Ensemble, ils ont deux enfants, Liv (11 ans) et Rem (8 ans).
Il est ingénieur-architecte, diplômé de la KULeuven.
En 2005, il a fondé avec Stijn Cockx le cabinet LOW architecten, qui se concentre sur des projets publics complexes, urbains et souvent de grande envergure.
Le bureau a notamment travaillé sur la rénovation de l’école de danse Rosas, du jardin botanique de Meise, d’Essentiel Antwerp et du B&B Teddy Picker dans le quartier Dansaert, à Bruxelles.
En bref – Anne Poesen (40 ans)
Elle est ingénieure-architecte, diplômée de la KULeuven. Elle a aussi étudié le stylisme à Milan (Ars Arpel).
En 2005, elle a lancé la formation Schoenontwerp à l’Académie Beeld de Sint-Niklaas. Elle y enseigne depuis seize ans. Anne donne également des ateliers sur la conception de chaussures, entre autres à la Design School (école de mode) de Kolding au Danemark.
Depuis 2005, elle travaille en tant que designer indépendante pour différentes marques de chaussures et depuis 2015 en tant que créatrice pour Morobé, label de shoes de luxe de Virginie Morobé.
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