Visite d’une maison brutaliste classée, restaurée de manière bluffante
Il ne faut pas avoir peur de restaurer un monument classé ! Silke et Simon se sont attaqués à cette habitation de rangée de style brutaliste, à Gand. En respectant le style, tout en améliorant le confort.
« A quel point faut-il être fou pour se lancer dans un tel projet de restauration ? Nous nous sommes souvent posé cette question ces dernières années, reconnaît Silke Nauwelaerts. Cela demande de l’amour pour la maison. Et heureusement, nous en débordions. »
Lorsque Silke et Simon Vandeperre ont acheté ce logement de rangée des années 70, conçu par le bureau d’architectes Raman & Schaffrath, les propriétaires précédents venaient d’entamer une procédure pour obtenir la reconnaissance du bâtiment en tant que monument, un statut acquis en 2019. Il s’agissait alors d’une des premières habitations brutalistes protégées en Belgique.
Une belle équipe
Il n’est pas simple de restaurer un édifice classé comme celui-là car tant la façade que l’intérieur étaient protégés. C’est toutefois ce qui a rendu ce projet unique, d’autant qu’un des architectes d’origine, Fritz Schaffrath, y a contribué.
« Dans le cas de dossiers patrimoniaux, il est rare de pouvoir demander des informations à l’architecte de départ, pour la simple raison qu’il est généralement décédé. Mais ici, c’était bel et bien possible, et cela a été un énorme atout lors des discussions avec les instances publiques, se réjouissent les habitants. L’architecte avait la certitude que certains éléments qui semblaient a priori d’origine étaient des ajouts ultérieurs. »
Un espace très fluide
Cette habitation compacte à demi-niveaux a été réalisée entre 1973 et 1977. Et elle illustre bien l’efficacité spatiale : la surface au sol est de 60 m2, mais l’immeuble compte sept niveaux, soit pas moins de 313 m2 habitables au total. Les entresols étant décalés et l’escalier ouvert, la lumière peut pénétrer au cœur de la maison.
« Cet escalier était classé. Comme la couche de vernis était vraiment usée, nous avons presque dû faire poncer à la main les cent marches et les remettre dans leur teinte marron originale», explique Silke.
Et d’ajouter : « Ici, il n’y a presque pas de portes intérieures. Toutes les pièces sont interconnectées, même si on se trouve à des étages différents. Ce n’est pas un énorme loft où l’on se perd, mais un lieu qui invite à se lover. Tout est ouvert, mais donne quand même une impression de cocon. »
Nous nous installons confortablement dans le lumineux salon, où on a l’embarras du choix tant les meubles sont intéressants : un canapé Camaleonda, le Plona d’Anonima Castelli ou des chaises lounge en cuir de Carl Straub.
“Les gens se plaignent qu’il est impossible de vivre dans un monument, mais notre projet prouve justement que le confort contemporain y est possible.”
L’espace comporte du mobilier vintage minutieusement chiné par le couple. A travers les balustrades de l’escalier, on aperçoit aux autres niveaux des combinaisons complètement différentes d’objets design, de Ben Storms à Pierre Chapo en passant par Thomas Serruys et Poul Kjaerholm.
Une modernisation indispensable
Cette maison était un des premiers projets résidentiels du jeune bureau d’architectes Raman & Schaffrath. L’influence de l’architecte belge Juliaan Lampens est palpable dans les éléments brutalistes en béton apparent tels que l’âtre monumental.
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« Tous ces détails sont authentiques. Il en va de même des portes. Lorsque nous avons acheté ce bien, les garde-corps de la façade étaient peints en bleu foncé. Fritz et moi avons cherché une teinte s’approchant le plus possible de celle des débuts », ajoute Simon.
Pour la restauration, le tandem s’est basé sur les plans initiaux et sur l’apport de Fritz Schaffrath. Mais, selon lui, il est « insensé de vivre dans le passé ».
Alors, en concertation avec les services patrimoniaux, quelques modernisations ont été abordées. « Fritz a suggéré, par exemple, d’intégrer du chauffage par le sol dans la chape, en remplacement des anciens radiateurs. Le sol à pastilles en caoutchouc du couloir a été revisité en galets. Et la maison a été isolée au mieux, selon les normes énergétiques actuelles », résume Silke.
Le dilemme de la salle de bains
Le projet a pris de plus grandes proportions que prévu. Bien que Simon et Silke n’aient pas créé de fenêtres supplémentaires ni revu l’organisation générale, le chantier a pris, contre toute attente, des airs de rénovation totale. Même les canalisations et les châssis ont été remplacés.
« La clé de ce projet était la préparation. Les travaux n’ont duré que six mois, mais les préparatifs et l’étude de faisabilité ont été très intensifs », précise Silke.
C’est surtout la salle de bains qui a fait l’objet de discussions : un espace très compact, où se trouvaient auparavant une petite cabine de douche et une mini baignoire. Les nouveaux habitants voulaient les remplacer par une douche à l’italienne, mais le service du patrimoine trouvait que cela allait trop loin.
« La condition était de carreler la nouvelle douche avec les petits carrelages d’origine de 10 cm sur 10. Au terme d’une longue recherche, nous les avons trouvés. Les meubles vert et rouge originaux de la pièce d’eau ont été démontés, vérifiés et remontés. Ils sont de nouveau parfaitement fonctionnels », se félicitent nos hôtes.
Le bilan de cette restauration
Recommenceraient-ils cette expérience ? « Ce type d’immeuble est trop souvent entaché d’une connotation négative. Les gens se plaignent généralement qu’il est impossible de vivre dans un tel lieu, mais notre projet prouve justement que le confort contemporain est possible dans un bâtiment entièrement protégé. En fait, s’il y a un message à retenir, c’est qu’il ne faut pas avoir peur des monuments classés. Avec un peu d’amour et d’inventivité, on peut les rendre énergétiquement efficaces. Il en résulte un logis avec une âme ancienne, mais qui reste performant. Il est prêt à affronter les cinquante prochaines années. »
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