La Maison Hannon, joyau Art nouveau à Bruxelles, ouvre ses portes au public

Anne-Françoise Moyson

Un bijou d’Art nouveau renaît. La mythique Maison Hannon à Bruxelles se mue en une « maison-musée » désormais rénovée pour partie, scrupuleusement restaurée, restituée et ouverte au public. Découverte.

« Comme beaucoup de maisons Art nouveau, c’est un enchantement, confesse sans ambages le conservateur de la Maison Hannon, Grégory Van Aelbrouck. Et on y sent très fortement la personnalité des commanditaires, Edouard et Marie Hannon. Sa singularité réside dans la rencontre entre la culture française et la culture belge et également dans cette dimension symboliste qui y est très importante. »

La fresque de Paul Baudouin restaurée, conservée, rendue à sa splendeur © SDP

 « On est dans une œuvre totalement singulière et originale et c’est là que cela en devient un chef d’œuvre, s’enthousiasme le conservateur qui rêvait « d’être architecte puis archéologue puis restaurateur de tableau », il peut « désormais faire la synthèse » grâce à cette maison-musée ouverte au public ce 1er juin 2023.  

Détail de mosaïque de la Maison Hannon. L’Art nouveau à vos pieds © SDP

Elle date de 1902, fut construite sur l’angle des avenues Brugmann et de la Jonction à Saint-Gilles, Bruxelles, par l’architecte Jules Brunfaut à la demande du couple Hannon. Son univers clos onirique et lourd de sens forme la synthèse de tout ce qu’ils aimaient.

Pour Edouard, la poésie, l’Antiquité et la photographie. « C’est un idéaliste, brillant ingénieur, rentré à 22 ans dans le groupe Solvay, envoyé à Dombasle dans la périphérie de Nancy, détaille Grégory Van Aelbrouck. Très vite dans sa correspondance avec sa sœur, il écrit combien il est choqué de la façon dont les ouvriers sont traités. Il est à la fois acteur de la révolution industrielle et, à travers ses photographies, le témoin de l’envers de la médaille, avec la destruction de sites naturels et l’exploitation de la main d’œuvre – c’est cela qu’il immortalise dans ses photos et c’est là que l’on voit que ce n’est pas un grand bourgeois condescendant qui regarde de loin la misère du peuple. »

La Maison Hannon, avant l’abandon, les dégradations, les saccages puis le sauvetage, la restauration et l’inauguration © SDP

Et pour Marie, ce que traduit cette maison, c’est son amour de la botanique et de la littérature. « Dans cette maison, explique le conservateur, on peut retrouver la trace de Marie, son empreinte et sa sensibilité dans le choix des meubles, issus des établissement d’Emile Gallé, à Nancy et dans l’existence de deux salons, le salon de réception et de famille l’un à côté de l’autre typique de la tradition française. Dans ces deux pièces, c’est intéressant, on trouve des objets liés aux femmes. Dans la pièce d’angles avec les mosaïques et les fresques, vous aviez là un bureau des dames, sur lequel madame s’assied pour inviter – on voit donc que madame tient l’étiquette. En face, le salon des dames est une pièce typique de la tradition française relativement monochrome pour mettre en valeur les éléments de décor ou les dames qui s’y tiennent, d’où son nom. »

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La Maison Hannon dit les goûts de ses heureux propriétaires © SDP

 « Quand on fait construire une maison comme celle-là, c’est pour laisser un testament, précise Grégory Van Aelbrouck. Brunfaut est connu pour son classicisme et là, il fait une exception pour son ami Edouard Hannon. Et il réussit un coup de maître en alliant le style beaux-arts et celui de la modernité. C’est cet équilibre entre les deux, entre une recherche d’absolu et un ancrage dans le contemporain qui crée les chefs d’œuvre. »

L’Art nouveau qui fut un temps appelé style nouille ou de grand-mère est aujourd’hui à l’honneur à Bruxelles, la ville qui l’a vu naître : en 1900, à l’heure de la révolution industrielle, elle est l’épicentre d’expérimentations de ce style qui tient plus de l’état d’esprit et d’une foi insatiable dans la modernité. Avec la Maison Hannon, loin de tout élitisme, et grâce à sa première exposition temporaire inaugurale de haut vol, Art(s) nouveau(x) belge(s), on s’y plonge avec délectation.

Maison Hannon, Art(s) nouveau(x) belge(s), du 1er juin 2023 au 5 juin 2024 www.maisonhannon.be

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