On a visité l’expo Sick Architecture, à Bruxelles

Un enfants français pendant une séance d'héliothérapie en intérieur. © Le visage de l’enfance (Paris, 1937).

L’architecture peut-elle rendre malade ? Les architectes peuvent-ils guérir avec leurs constructions ? Tant de questions soulevées dans l’exposition Sick Architecture au CIVA, Centre International pour la Ville, l’Architecture et le Paysage, à Bruxelles.

Le CIVA, Centre International pour la Ville, l’Architecture et le Paysage, de Bruxelles a lancé l’exposition Sick Architecture, en collaboration avec l’Université de Princeton et e-flux. L’objectif est de mieux voir et comprendre le lien que peut avoir l’art de bâtir avec les maladies et la santé en général.

Sick Architecture, installation.
Sick Architecture, installation. © Kristien Daem

Des liens forts entre maladie et architecture

En entrant dans le musée, notre première vision est un comptoir sur lequel sont affichées plusieurs questions en anglais. Elles nous interrogent sur le rapport qu’entretient l’architecture avec les maladies. Serait-elle un remède ? Causerait-elle au contraire des épidémies ? Beatriz Colomina, curatrice et professeure à l’Université de Princeton, nous explique : « Tout a commencé deux ans avant le Covid. Je donnais un séminaire sur la question de l’architecture et des pandémies. Les étudiants ont travaillé sur différentes thématiques, par exemple l’impact de l’épidémie de SIDA sur l’architecture. Il s’agissait davantage de soulever des questions, plus que de proposer des réponses. »

De ce colloque a découlé l’organisation d’une exposition réunissant des travaux d’étudiants, d’architectes établis et d’artistes. Ce large éventail de contenus réunis par Beatriz Colomina, Silvia Franceschini, curatrice du CIVA, et Nikolaus Hirsch, directeur artistique, permet d’avoir un regard pluridisciplinaire sur le sujet. Le paradoxe que traitent ces différentes recherches est au centre de l’exposition : « Les architectes construisent des structures qui permettent de prévenir les maladies, mais l’architecture réunit également les conditions permettant la propagation de maladies. Il n’y a pas d’architecture sans maladies et il n’y a pas de maladies sans architecture », nous raconte Beatriz Colomina.

Sick Architecture, installation.
Sick Architecture, installation. © Kristien Daem

Des enjeux sociétaux

En entamant le parcours, nous sommes immédiatement plongés dans le thème en commençant par une série de pilules encadrées : de l’aspirine, du LSD et autres substances récoltées par Hans Hollein (1934-2014). A l’image d’une pilule conçue en laboratoire, l’illustre architecte autrichien explique que l’architecture consiste à créer des conditions de vie artificielles. Une belle entrée en matière, qui se poursuit avec une salle remplie de photos, de plans, de croquis et de vidéos.

Fixées sur des structures transparentes qui permettent d’entrevoir tous les contenus exposés, les différentes recherches récoltées sont exposées pêle-mêle et regroupées par thème. Les épidémies de peste au XVIIe siècle qui ont mené à la création de bâtiments de quarantaine, le cordon sanitaire instauré à Kinshasa entre les quartiers européens et africains dans les années 30, la disposition des appartements en Inde pour décourager les couples de faire trop d’enfants dans les années 60… Les cas d’étude sont divers et variés.

Pas toujours évident de s’y retrouver, mais l’idée est de permettre à tout un chacun d’en apprendre plus sur l’art de bâtir de façon concrète, avec de vrais exemples. Nikolaus Hirsch nous explique : « Il est important pour nous d’allier l’architecture à des thématiques plus sociétales, afin que cela parle à plus de monde. Nous n’avons pas de visiteur-type et nous ne souhaitons pas nous adresser qu’à une seule petite niche de passionnés d’architecture. Notre objectif est vraiment de rendre cela accessible à un large public.»

Aino et Alvar Aalto, sanatorium de Paimio, Finlande, 1930's.
Aino et Alvar Aalto, sanatorium de Paimio, Finlande, 1930’s. © The Alvar Aalto Foundation / Gustaf Welin

Vivre coucher

En passant dans la seconde salle, nous découvrons toute une partie dédiée à l’alitement : « C’est un vrai enjeu. On se rend compte que l’architecture est faite pour un humain en bonne santé, qui se tient debout. Une fois couché, rien n’est adapté », développe Beatriz Colomina.
Ainsi, des schémas expérimentaux montrent des installations censées faciliter la vie d’une personne couchée. Une série de meubles d’hôpitaux datant du siècle dernier sont également exposés.

Sick Architecture, installation.
Sick Architecture, installation. © Kristien Daem

A l’étage supérieur, enfin, se trouve une partie consacrée aux bâtiments construits dans le but d’exposer des malades au soleil le plus longtemps possible, en espérant guérir leur maladie, tandis qu’une seconde pièce se concentre sur l’épidémie de poliomyélite dans les années 40 ainsi que sur la pandémie de Covid-19. Des images frappantes d’époque, où des lits sont alignés dans de grands bâtiments pour accueillir des malades, qui trouvent écho dans les clichés plus actuels de grands espaces réquisitionnés pour accueillir les malades du coronavirus.

Bien que l’on reste un petit peu sur notre faim quant aux possibilités qu’offre l’architecture pour les enjeux sanitaires actuels, l’exposition propose un bel éventail de documents, d’images et d’objets donnant des pistes de réflexion sur le sujet.

Par Shirine Ghaemmaghami

L’exposition est à découvrir jusqu’au 28 août prochain dans les locaux du CIVA, 55, rue de l’Ermitage, à 1050 Bruxelles. Plus d’informations : civa.brussels/fr/expos-events/expo-sick-architecture

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