[ARCHI] Prouesse verticale: une mini-maison de 72 m2 sur 5 niveaux à Bruxelles
Cette petite habitation coincée dans le tissu urbain bruxellois a été rénovée par Label Architecture, avec pour objectif d’agrandir au maximum l’endroit. L’escalier constitue la colonne vertébrale de ce projet qui se parcourt, avec de bons mollets, de bas en haut.
Lorsque l’on se promène dans cette rue de Koekelberg, en Région bruxelloise, on ne remarque d’abord pas cette maison blottie derrière une petite façade classique. Pourtant, en levant les yeux au ciel, on découvre un volume en acier galvanisé, posé sur l’habitation existante et percé d’une large baie, preuve qu’il se trame quelque chose à l’intérieur de ce logis étroit.
Passée la porte, surprise! Avant de pénétrer vraiment dans la cuisine-salle à manger de l’habitation, en franchissant une deuxième porte, on se retrouve dans une petite venelle à ciel ouvert, qui fait office de hall d’entrée. Elle permet de déposer un vélo ou de discuter les étoiles, durant les soirées estivales. Un mini espace extérieur privatif bienvenu, dans cette maison minuscule. Autrefois, cette zone étroite extérieure était occupée par une toilette et fermée. Mais cela, c’était avant le passage du bureau Label Architecture…
« Au départ, je cherchais un appartement mais quand j’ai découvert ce bien à vendre, vu sa taille, je me suis dit que je pourrais ainsi avoir une maison pour le même prix! J’étais jeune, je n’avais pas vraiment conscience de ce que cela pouvait coûter, se souvient Lionel, le propriétaire. Ce dont on ne se rend pas compte, c’est que « petit » ne veut pas forcément dire moins cher ». Qu’on prenne 15 ou 20 m2 de planchers finalement, ce n’est pas ce qui coûte. Il faut considérer la main-d’oeuvre, le transport… »
Des pièces empilées
Pour rénover son bien, l’habitant a d’abord consulté un bureau liégeois qui envisageait de jouer sur du mobilier intégré pour maximiser l’utilisation des lieux. Mais peu convaincu, Lionel a contacté Thibaut Rome, de Label Architecture (lire encadré), qu’il connaissait bien. « Ce qui m’a plu, c’est que cette équipe m’a proposé un projet qui allait moins dans les détails, dans les éléments qui pouvaient être mignons, justifie Lionel. Elle m’a suggéré de faire les choses intelligemment, d’augmenter le nombre de mètres carrés, quitte à réduire les finitions et à devoir faire des choses moi-même. »
Séduit par le challenge offert par cette parcelle « alambiquée », coincée entre d’autres bâtiments, Thibaut et ses collègues ont en effet très vite eu l’idée de rehausser l’immeuble, car la réglementation le permettait. Ils ont donc placé cette boîte couverte de galva et biseautée contre le pignon voisin. Ils ont aussi pris la décision d’implanter un escalier en colimaçon préfabriqué qui rejoindrait les cinq plateaux du logement, dont le plus grand, au niveau de la rue, faisait à peine 16 m2. Le long de cette colonne vertébrale, au sous-sol, on trouve une salle de douche minimale et un placard à vêtements, ainsi que la machine à laver – pratique pour ranger le linge très rapidement. Au rez, sont implantées la cuisine et une table pour manger ; au premier, on trouve un fauteuil, des étagères à bouquins et un bureau; et au 2e, dans l’extension, une chambre, ainsi qu’un deuxième lit d’appoint, en mezzanine, pour des amis ou un enfant en bas âge. « En fait, chaque étage est une fonction et il n’y a pas de couloirs, résume le concepteur. On a défini l’habitation en imaginant des séquences de vie. Le matin, Lionel se lève, descend déjeuner, continue vers le bas pour s’habiller et se laver, puis il remonte et part… » Finalement, ces 72 m2 correspondent à un petit appartement deux chambres. « J’avoue, c’est un peu sportif, mais c’est un lieu agréable à vivre », conclut Lionel.
Une démarche verte
Afin de réduire le budget, mais aussi de donner un cachet chaleureux à l’endroit, certains planchers ont été gardés, et réparés. Un parquet en bambou a aussi été placé au rez – « une solution économique et très résistante » – et des plaques en multiplex apparentes utilisées pour les murs et sols du haut – « une manière de mettre en évidence le dessin du bois, graphiquement intéressant ». Les radiateurs sont également de récupération. Et comme mobilier, le propriétaire a mis lui-même au point un système de boîtes modulables, faites de panneaux assemblés par ses soins et disposées, en fonction des besoins, pour former au choix une banquette, une bibliothèque ou un bureau. « J’ai eu cette idée lorsque je venais de déménager, alors que j’étais assis sur une caisse encore remplie de livres et que je réfléchissais à l’aménagement d’intérieur. C’est super pratique et rapide à mettre en oeuvre, même si ça prend un peu plus de temps pour poncer l’ensemble et vernir les modules du bas », raconte Lionel, qui voit aussi dans ce projet une volonté écologique, un thème qui lui tient particulièrement à coeur. « Parfois, dénicher des petits endroits dans la ville, des dents creuses, et les rénover est plus malin que d’aller loin de Bruxelles et de prendre sa voiture tous les jours, insiste-t-il. En récupérant cette maison, on est dans une circularité. On aurait pu la raser mais cela aurait été plus cher… et moins durable! »
Jean-Didier Bergilez (1974), Michel Lefèvre (1978) et Thibaut Rome (1977) étaient à l’école d’architecture de La Cambre, à Bruxelles, dans la même classe. En 2006, ils ont été curateurs du pavillon belge à la Biennale d’architecture de Venise et ont créé, dans la foulée, leur propre bureau.
En 2008, Jean-Didier a quitté l’équipe pour se consacrer à une carrière académique. Thibaut, qui avait fait ses stages chez Urban Platform, et Michel, passé chez le Liégeois Pierre Hebbelinck, ont été rejoints par Christophe Pham (1979), sorti de Saint-Luc Bruxelles.
Aujourd’hui, l’atelier se concentre essentiellement sur des concours et des projets publics. Il réalise entre autres des centres culturels et sportifs – dont celui de l’Adeps à Loverval -, des écoles, etc. Il signe par contre peu de logements.
Son credo: « Une évidence pour un maximum d’effet. » « Nous essayons de trouver le concept le plus juste, qui va guider tout le projet jusqu’à l’exécution. Nous ne sommes pas intéressés par la forme mais par la narration autour », résume Thibaut.
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