La course à pied, reflet de la société

extrait du documentaire Free Run © capture d'écran

Courir pour se libérer, courir pour lutter: le documentaire « Free to run », en salles mercredi, témoigne des luttes sociale et politique d’une époque, les années 60-70, à travers l’essor de la course à pied, discipline aujourd’hui rattrapée par l’esprit mercantile.

C’est l’une des images fortes du documentaire: une femme, Kathrine Switzer, cheveux au vent et dossard 261 en évidence, participe au marathon de Boston au milieu d’hommes. Elle est bientôt agrippée, et presque stoppée, par un vieux monsieur en costume qui tente de l’exclure de la course. Un coup d’épaule du compagnon de Kathrine Switzer expulsera le malotru, qui n’est autre que le directeur de course, Jock Semple, permettant à Kathrine Switzer de poursuivre sa route.

Nous sommes en 1967 et, à cette époque, les femmes n’ont pas droit de citer dans les courses longues distances. Les médecins l’affirment: « trop de masse grasse, trop d’émotivité » chez elles. Aux jeux Olympiques, les épreuves dames ne vont d’ailleurs pas au-delà du 800 mètres. Alors courir 42,195 km, la longueur d’un marathon…

« Ce sont des images inédites », confie à l’AFP Pierre Morath, réalisateur du documentaire et ancien coureur suisse de bon niveau.

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Pierre Morath aime travailler sur le sport, un « miroir sociétal », selon lui.

Free to run, c’est finalement la véritable saga de mai 68 vue à travers le sport », explique-t-il.

La lutte des femmes donc, et leur place dans la société à travers le sport, est un des éléments traités dans ce documentaire de 1H40. Mais il n’est pas le seul.

« Pourquoi courir ? »

Au gré de nombreux entretiens d’athlètes ou d’organisateurs de courses, d’acteurs ou de témoins de l’époque, le réalisateur dresse le portrait d’une pratique, le running, née d’un esprit de liberté dans les années 60, livrée à elle-même et ses contradictions au tournant des années 80/90, jusqu’à perdre son âme aujourd’hui, transformée en pratique de masse où l’argent est bien présent.

La liberté est au centre du documentaire, comme elle est au centre du « Pourquoi courir ? », qui pousse ces amateurs à défier leur corps.

Dans les années 60, ce sont des hurluberlus, des excentriques qui courent baskets aux pieds dans les rues. Certains ont tellement honte qu’ils courent la nuit pour ne pas être vus.

Cette poignée de pratiquants investit aussi les parcs, à New York en particulier, où le nombre d’adeptes grandit progressivement.

Quelles valeurs je porte à travers la manière dont je cours ?

Des figures, bien sûr, s’imposent dans le documentaire, comme dans l’histoire du running.

A commencer par celle de Fred Lebow, fantasque personnage qui parvient à persuader les amateurs de lancer le marathon de New York, avant d’en faire la plus grande course du monde, dérive mercantile inclue.

On croise aussi Noël Tamini, coureur et fondateur de la revue Spiridon, hymne à la course à pied, à la poésie et défenseur des grandes causes antiréactionnaires.

Steve Prefontaine également, probablement l’athlète américain le plus doué de l’histoire, mort en 1975 à 24 ans dans un accident de la route, mais qui aura ouvert la route à la professionnalisation des coureurs.

Les images d’archives sont centrales et viennent illustrer les entretiens réalisés par Pierre Morath. « On a plus cherché les archives pour habiller le contenu éditorial que l’inverse », explique-t-il. « Nous avons travaillé sur 6000 heures d’archives pour en sélectionner au final 1H15. Le budget archives s’élève ainsi à près de 500.000 euros, soit un tiers de notre budget global ».

Restent ainsi vivaces quelques slogans des premières heures du running, symbole d’une époque: « tu as toujours le choix de prendre la route la moins empruntée », et une question, intemporelle, que chaque coureur devrait se poser, selon Pierre Morath: « Quelles valeurs je porte à travers la manière dont je cours ? »

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