Le régime paléolithique, qu’est ce que c’est ?

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Selon quelques partisans d’un retour à la simplicité, nous devrions manger comme nos ancêtres. Une idée attrayante… sauf que notre connaissance de la préhistoire est très limitée ! Mais de quels ancêtres parlons-nous ?

Coup de projecteur sur une nouvelle tendance alimentaire : le régime paléo. Selon les partisans de la théorie paléolithique, nous devrions renouer avec les habitudes alimentaires de nos ancêtres. Car durant sa periode préhistorique de deux millions d’années, notre bibliothèque génétique s’est adaptée aux aliments qui étaient disponibles à l’époque : viande (maigre), poisson, plantes, fruits, racines, tubercules, oeufs et noix. Le tout à l’état sauvage évidemment puisque nous parlons d’une période où l’agriculture et l’élevage n’existaient pas.

L’essor de l’agriculture représente pour les adeptes du régime paléolithique une première rupture avec le passé qui nous a menés sur une fausse route, en recourant notamment aux céréales et au lait. Mais ce n’est vraiment qu’après la révolution industrielle, avec l’arrivée de produits raffinés tels que la farine, le sucre et l’huile, le développement de la culture et de l’élevage intensifs ou encore la consommation importante de sel, que notre alimentation s’est dégradée… Autant de changements trop récents pour s’accompagner d’adaptations génétiques, ce qui expliquerait les problèmes de surpoids et la survenue d’affections chroniques.

Si cette vision comporte une part de vérité, elle est malheureusement trop simpliste. Nous nous laissons souvent séduire par des images romantiques, comme celle de l’Homme de Neandertal, un chasseur héroïque arpentant une Europe sous l’emprise de la neige et de la glace. Le monde est bien plus complexe que cela.

L’homme, chasseur de graisse Selon des émules du régime paléo qui propagent certaines convictions tenaces, l’homme préhistorique se nourrissait surtout de viande maigre. Mais était-ce réellement le cas ? L’an dernier, un groupe israélien a publié une étude intitulée : « Man the fat hunter ». Ils affirment que l’homme ne pouvait couvrir ses besoins énergétiques avec de la viande maigre.

Car une alimentation qui repose pour plus de 50 % sur de la viande entraîne une surcharge du foie et des reins et finit par affamer. Par ailleurs, pour absorber quotidiennement assez d’énergie, l’homme primitif n’avait d’autre choix que de manger de la graisse. Selon les scientifiques israéliens, les plantes ne constituaient pas non plus une source d’énergie suffisante, vu que l’homme primitif n’était pas capable de les préparer et devait donc tout manger cru.

D’autres raisons nous permettent de douter de ce mythe de la viande maigre. Selon la saison, le gibier peut en effet apporter de la viande relativement grasse. Les caribous, par exemple, se constituent pour l’hiver une bonne réserve de graisse. L’apport alimentaire qu’ils représentent pour l’homme peut à certains moments être composé jusqu’à 67 % de graisse et seulement 33 % de protéines.

La graisse est en outre une excellente source d’énergie et nous pouvons donc être sûrs que nos ancêtres n’enlevaient pas les bouts de gras. Au contraire ! On a la preuve qu’ils ouvraient des os pour en retirer la moelle riche en graisse. Le fait qu’une partie de nos ancêtres mangeait beaucoup de graisse ne signifie évidemment pas que nous devons faire la même chose. La qualité et la quantité de graisse des « brouteurs » sauvages de l’époque diffèrent trop de celles du bétail élevé à l’heure actuelle.

Le miel, source énergétique ancestrale On peut aussi se demander si le régime préhistorique était si pauvre en glucides.

L’anthropologue nutritionniste américaine Alyssa Crittenden constate par exemple que le miel constituait probablement une source énergétique importante pour plusieurs peuples de la préhistoire. C’est ce qui ressort en tout cas de nombreuses peintures rupestres disséminées dans le monde entier, datant parfois d’il y a 40.000 ans, qui dépeignent la chasse au miel sauvage.

Les peuples chasseurs-cueilleurs actuels, qui nous donnent une idée approximative des habitudes alimentaires historiques, consomment eux aussi de grandes quantités de miel. Chez les Hadza en Tanzanie, par exemple, le miel constitue la denrée alimentaire la plus appréciée et couvre jusqu’à 15 % des besoins énergétiques journaliers, ce qui correspond pour le Belge moyen à 60 à 120 grammes par jour.

Le miel est pourtant rarement mentionné dans les recherches historiques sur l’alimentation. Probablement parce qu’on n’en trouve aucune trace sur les sites archéologiques. C’est le cas aussi d’autres sources de « sucres », telles que les dattes, les figues, les baies, etc. On peut supposer que l’homme préhistorique ingénieux en a consommé sans compter lorsqu’elles étaient à portée de main.

Plus de céréales et de glucides Le groupe des aliments le plus critiqué dans la diète paléo, ce sont les céréales « modernes » telles que le froment et le riz. C’est à peine si elles ne sont pas qualifiées de toxiques. Et pourtant… Selon une étude récente, on consommait il y a 30.000 ans des plantes riches en amidon, dont les graines d’herbes sauvages, dans l’Europe entière et même dans la froide Russie.

Depuis, l’homme s’est adapté et digère parfaitement l’amidon. On constate ainsi que les peuples qui mangent beaucoup de glucides présentent davantage d’adaptations génétiques que les peuples se nourrissant essentiellement de produits d’origine animale, comme les Inuits et les Masai. Cette adaptation génétique remonte probablement à plus de 200.000 ans et s’est accélérée au fur et à mesure que l’homme s’est mis à manger une plus grande quantité de ces composants végétaux à haut pouvoir énergétique. Il semble donc réducteur de se concentrer uniquement sur la « courte » période d’il y a 40.000 à 10.000 ans au Moyen-Orient pour expliquer le passage aux céréales dans l’alimentation.

Plus diversifié qu’il n’y paraît Devons-nous rejeter ce régime paléolithique au rang de fantaisie amusante ? Nous n’irons pas jusque-là… mais ne nous laissons pas non plus attirer par des représentations trop simplistes de l’alimentation préhistorique. Il apparaît en effet de plus en plus clairement que l’homme a parfaitement été capable de s’adapter aux sources alimentaires très variées à sa disposition au cours de son développement. Les régimes paléolithiques sont légion et nous ne pouvons donc plus parler du régime paléolithique (comme si un seul existait).

L’excès d’aliments raffinés n’est guère optimal pour la santé. Tout le monde en est convaincu. Mais qualifier les céréales de poison pour l’homme, c’est pousser le bouchon un peu loin. Il vaudrait beaucoup mieux s’intéresser davantage aux qualités intrinsèques et à la quantité de ce que nous mangeons actuellement qu’à la répartition entre protéines, glucides et matières grasses, pourvu que nous évitions les excès. Modération et variation semblent décidément rester les maîtres mots d’un régime équilibré pour une bonne santé.

Par Jan Etienne

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