Delphine Kindermans

Un parfum de révolte

Delphine Kindermans Secrétaire de rédaction au Vif

Farouchement déterminé à faire disparaître toute velléité de coquetterie, considérée comme un travers bourgeois, Mao Zedong ne s’est pas contenté de condamner la mode. Le maquillage, les coiffures élaborées et les eaux de toilette passent, eux aussi, par les fourches caudines de la Révolution culturelle.

Il faut donc attendre les années 90, la chute des régimes communistes du bloc de l’Est et la relative ouverture de la Chine au monde pour que fashion et cosmétiques réapparaissent timidement dans l’empire du Milieu.

Comme souvent, c’est par la jeunesse qu’arrive ce bouleversement sociétal. Pour cette génération née bien après la guerre, il ne s’agit cependant pas de renouer avec des habitudes ancestrales mais tout bonnement de faire connaissance avec la parfumerie. Ce qui explique que de grands acteurs du secteur soulignent que ce marché-là souffre d’une certaine  » immaturité  » : assez récemment éduquée aux fragrances, la clientèle a en effet toujours tendance à se tourner vers des notes faciles à appréhender : fleur d’oranger, jasmin, tubéreuse, thé vert, etc.

Ce serait pourtant oublier que les Chinois ont une tradition nettement plus ancienne que l’Occident en ce qui concerne les soins du corps. Comme le démontrait l’exposition parisienne Parfums de Chine, qui a fermé ses portes le 26 août dernier, les premiers empereurs Han, dès le IIIe siècle avant notre ère, étaient déjà amateurs de bois de santal. En parcourant les salles du musée Cernuschi, on découvrait également l’usage, tant par les hommes que les femmes, de lotions dynamisantes, de sachets destinés à embaumer la garde-robe et même de ce que l’on n’appelait pas encore des shampoings secs ! Et ce à une époque, le Moyen Age, où l’Europe n’a pas laissé des souvenirs impérissables en matière de propreté et d’hygiène…

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Reste que ces routines parfois surprenantes – notamment celle qui consistait à avaler des ingrédients odorants pour qu’ils se diffusent, par la bouche, puis par la peau et enfin, après quelques mois, par les os pour imprégner les vêtements – étaient réservées à une élite, ou à la sphère religieuse. Or aujourd’hui, les gestes olfactifs comptent sans doute parmi les luxes les plus accessibles, quels que soient sa condition ou son rang. A son insu, l’auteur du Petit livre rouge aura au moins permis cette démocratisation-là.

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