Comment Jellycat et Squishmallows ont rendu le goût des peluches aux adultes
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Une goutte de pluie. Un bol de gruau d’avoine. Une « tortue nain de jardin ». Un rouleau de papier toilette… Il est plus rapide d’énumérer les peluches qui ne figurent pas dans la gamme des Londoniens de Jellycat que de lister toutes les options qu’ils proposent. Et qui séduisent un public toujours plus grand – et toujours plus âgé.
De prime abord, on aurait pu croire qu’il s’agissait d’une boutique de fish and chips typique. Des chefs en tablier maniaient en effet des paniers de friture et enveloppaient les commandes dans du papier journal. Sauf que la pêche du jour n’était pas vraiment du genre comestible : chez Selfridges, un grand magasin londonien, les clients achetaient ainsi des jouets plutôt que du chalut. Les morues en peluche étaient garnies de citrons et servies avec des petits pois en peluche eux aussi. L’article le moins cher coûtait 25 euros, soit deux fois le prix de la commande moyenne dans un fish and chips. Et contrairement à ce que les manières exigent à table, ici, Jellycat, la marque britannique à l’origine de ce drôle de pop-up, a invité tout le monde à jouer avec sa nourriture.
C’est que le monde tout entier, ou presque, s’est pris de passion pour les peluches.
Sur TikTok, les vidéos étiquetées #plushies, mettant en scène divers objets et créatures en peluche, ont été visionnées environ 8 milliards de fois. Des émeutes ont éclaté dans certains magasins. Le pop-up Jellycat exigeait des visiteurs qu’ils réservent un créneau horaire. Les poupées Labubu – des figurines de nageoire en peluche fabriquées par Pop Mart, une entreprise chinoise de jouets – sont populaires dans toute l’Asie.
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Melissa Symonds, de la société d’analyse des consommateurs Circana, indique que les peluches constituent la deuxième catégorie la plus importante du marché britannique du jouet. Depuis 2021, les ventes ont augmenté d’environ 58 %. Le marché mondial représentait quant à lui près de 12 milliards de dollars en 2023 et devrait croître à un taux annuel de 8 % jusqu’en 2030.
Signe des temps: ces jouets sont si lucratifs que Warren Buffett a racheté en 2022 la société mère de Squishmallows, un fournisseur américain d’animaux en peluche, qu’il a qualifié de « joyau ».
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Des peluches pour adultes
Et ce ne sont pas les jeunes enfants qui sont à l’origine de la demande, mais bien plutôt les « kidultes », soit des personnes âgées de 12 ans et plus. Ces derniers représentent désormais plus d’un quart des ventes, et en 2023, ils dépasseront pour la première fois les enfants d’âge préscolaire en tant que groupe d’âge le plus important pour les jouets en général.
L’engouement a commencé pendant la pandémie, lorsque les adolescents et les jeunes adultes, coincés à la maison au milieu d’un bouleversement mondial, ont cherché du réconfort dans de jolis jouets.
Lucy Dray, propriétaire d’une boutique en ligne de peluches appelée Baby Beans, explique que les peluches « apportent aux gens bonheur et réconfort », deux qualités qui « peuvent être difficiles à trouver dans le monde dans lequel nous vivons ».
Sur les réseaux sociaux, des psychologues populaires ont également prôné les bienfaits d’un retour de flamme à l’âge adulte. Une influenceuse a pour sa part suggéré que le fait de collectionner des ours en peluche de luxe permettait de « guérir [son] enfant intérieur ».
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De plus, comme de nombreuses personnes reportent la naissance de leurs enfants à la fin de la vingtaine ou au début de la trentaine, les jeunes adultes ont plus d’argent à dépenser pour eux-mêmes. Les peluches sont un plaisir qui reste accessible : vous pouvez dépenser entre 10 et 250 dollars pour un Squishmallow. Mais si vous voulez un chat noir en édition limitée, il vous en coûtera plus cher, puisque vous pouvez en acheter un sur eBay pour plus de 1 500 dollars…
Pourtant, les collectionneurs ne sont pas découragés par des prix aussi élevés : au contraire, ceux-ci ne font qu’ajouter à l’attrait de l’objet.
Tout comme l’obtention d’un billet de concert ou d’une carte de collection, mettre la main sur une peluche rare permet de se vanter. L’appui de célébrités a encore renforcé leur attrait, Kim Kardashian et Lady Gaga étant de leur propre aveu fans elles aussi.
Certains diront que l’engouement actuel pour les peluches est un autre signe d’une génération « infantilisée ». Mais les trésors insignifiants ont prospéré à de nombreuses époques.
Dans les années 1980, il s’agissait des Cabbage Patch Kids ; dans les années 1990, des Beanie Babies. Dave Neale, qui étudie les jeux à l’université de Cambridge, estime qu’en temps voulu, « certains jouets pourraient perdre de leur nouveauté ». « Mais je ne pense pas que cela soit possible pour le jeu en général, car il est tellement vaste et varié ».
Pour l’instant, les peluches restent dans les chambres à coucher partout dans le monde. Lorsque Paco la salamandre, une influenceuse spécialisée dans les jouets, a déclaré sur TikTok qu’elle était « prête à grandir » et à se débarrasser de sa grande collection de peluches, ses followers ont insisté sur le fait qu’« on n’est jamais trop vieux » pour en posséder.
Et ce ne sont certainement pas les fabricants de jouets qui les contrediront…
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