Dix nouvelles tendances culinaires de la rentrée

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Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

Pas question pour la gastronomie de s’endormir sur ses lauriers. A chaque année son lot de nouveautés. On en a pointé 10, pour se mettre au parfum.

Première, deuxième, troisième… peu importe, mais s’il est une vitesse que le goût du jour déteste, c’est bien le point mort. Dans un monde contrôlé indirectement par le consommateur-zappeur, celui-là même qui agite le marché du bout d’un désir qu’il ne comprend pas vraiment, l’absence de nouveauté n’est pas admissible. Sous la pression, les acteurs de la gastronomie font de leur mieux… mais aussi de leur pire. Le tout avec beaucoup d’application : concepts resucés, remises en selle boiteuses ou fausses bonnes idées côtoient avancées réelles, coups de génie et améliorations notoires. Telle est la scène food 3.0 où tout coexiste, indistinctement. Bien sûr, il revient à chacun de faire le tri. Toutefois, la plupart du temps, l’offre pléthorique n’a d’autre effet que de segmenter la demande. Et ce, dans la plus grande confusion, car de toute façon, les uns penseront que les autres n’ont rien compris. Et vice versa. Qui tranchera finalement ? Personne, c’est ça qui est le plus drôle. Parmi les dix nouveautés qui vont mijoter au cours des mois à venir, on ne saurait donc que recommander de les priser avec la plus grande fidélité à soi. Soyez votre propre prescripteur.

1. La cuisine philippine

Bruxelles avait déjà tiré deux coups de semonce en la matière. Humphrey, le restaurant de Glen Ramaekers, dont la mère est originaire des Philippines, propose depuis son ouverture quelques mets inspirés par cet archipel – on pense à une certaine poitrine de cochon laquée servie avec du chou lacto-fermenté. Idem pour Ötap, du côté de la place du Châtelain, dont le nom est tiré d’une pâtisserie locale à base de noix de coco. Dans la mesure où l’Asie constitue un réservoir inépuisable de nouveautés gastronomiques, il n’était pas illogique que tôt ou tard les influenceurs aillent jeter un coup d’oeil du côté de ce pays dont la tradition culinaire est plutôt méconnue en Occident. C’est le chef Anthony Bourdain, hélas décédé depuis, qui a mis le feu aux poudres en déclarant la cuisine philippine  » puissante « . Il faut dire que, nourri aux influences chinoises, malaisiennes, espagnoles et américaines, cet art de manger lointain a tout pour séduire les foodies. Les stars de la carte ? Le lechón, un cochon rôti à la broche, arrosé de lait et d’huile, mais aussi l’adobo, une tuerie de ragoût de poulet épicé cuit au vinaigre avec de l’ail et des graines. Bien vu, les Philippines sont l’une des rares nations asiatiques qui portent une attention particulière aux desserts. On pense notamment au halo-halo, une verrine pas banale qui panache fruits au sirop, glace, noix de coco et caramel.

2. Le houmous-shake

Cela ressemble à une mauvaise publicité mais c’est pourtant authentique. A Manhattan, le houmous-shake (hummus-shake, en VO) fait fureur. De quoi s’agit-il ? D’une boisson glacée à base de pois chiches, tahini (de la crème de sésame), vanille, cannelle, dattes, bananes et lait d’amande. Le tout 100 % végan, sans gluten et disponible en plusieurs versions : classique, chocolat, fraise, pistache et butter pecan. On doit cette boisson à Janice Axelrod, la fondatrice de The Hummus & Pita Co, une chaîne de fast-food orientale présente aux Etats-Unis. Dans la mesure où un système de franchise européenne a été mis sur pied, tout porte à croire que la préparation débarquera sous peu dans les grandes capitales. A vos pailles…

3. Cicchetti

La petite portion est devenue un standard de la restauration. Deux raisons à cela. Côté consommateurs, c’est l’assurance d’un repas tout sauf uniforme. On picore sans jamais se lasser, une saveur faisant place à une autre. Côté restaurateurs, on se frotte les mains. C’est que ces mini plats avancent masqués. Sous le couvert d’un prix modeste, l’assiette réduite est l’arbre qui cache la forêt de l’addition finale souvent meurtrière… à moins d’avoir une calculette à la place du cerveau et de l’estomac. Il reste que, synonymes de diversité, on attend des grignotages de ce type qu’ils se renouvellent. Après les tapas espagnoles, les kémias nord-africains et les mezzés grecs ou libanais, c’est au tour des cicchetti de faire un malheur. Il s’agit de mets en version apéritive, servis dans les  » bacari « , ces bars vénitiens typiques.

4. Le gros jésus

Exit les saucissons à la truffe et autre pastrami, la charcuterie qui s’arrache en ce moment est le gros jésus du Pays basque. Le pitch ?  » Un saucisson de gros calibre, environ 700 grammes, embossé dans un boyau de porc XXL, celui du porc Kintoa, l’ancien pie noir des Pyrénées.  » Il s’agit d’un produit rare puisqu’il n’existe qu’un boyau de cette taille par porc de 100 kilos. Le tout pour un produit fermenté dont l’humidité est contrôlée de façon rigoureuse – notamment en le faisant sécher au vent pendant trois mois. Une petite merveille de salaison à déguster idéalement avec des  » Guindillas « , des piments verts basques.

5. Le jacquier

En raison de l’uniformisation des cacaoyers sous la pression de l’industrie du chocolat, on évoque de plus en plus la fin du cacao pour 2050. A tort : la résistance s’organise et le nombre croissant de chocolatier Bean-to-Bar (lire par ailleurs), des artisans qui partent de la fève pour fabriquer leurs tablettes, risque bien de changer la donne. Il reste que l’on parle de plus en plus du jacquier, arbre fruitier originaire de l’Inde et du Bangladesh. Des chercheurs ont remarqué que les graines de cette plante, qui ne sont pas utilisées, pouvaient être fermentées avant d’être séchées et finalement torréfiées à différentes températures en suivant le même procédé que pour celles de cacao. Ses experts ont également identifié plusieurs composants associés à l’arôme de chocolat ainsi que des odeurs fruitées de noisette ou de caramel. Bonne nouvelle ? Certainement pas. Cette découverte confirme la montée en puissance d’une alimentation à deux vitesses : ersatz pour les plus pauvres, haut de gamme pour les autres.

6. Yazid Ichemrahen

Dans son ouvrage On ne meurt pas la bouche pleine (Plon), Thierry Marx a raconté en long et en large comment la gastronomie l’avait sauvé du destin que lui promettait une jeunesse à  » hanter les cages d’escalier « . Il n’est pas le seul à qui la cuisine a permis de s’en sortir. Ainsi de Yazid Ichemrahen, qui a passé presque toute son enfance en familles d’accueil et a vécu une vie de SDF pendant plusieurs années. Ce Français, né de parents marocains, a découvert la pâtisserie à l’âge de 14 ans. Formé par Pascal Caffet, Angelo Musa, Philippe Conticini, et à l’école de Joël Robuchon, il a gravi petit à petit les étapes jusqu’à devenir champion du monde de pâtisserie à Lyon, en 2014. Après avoir oeuvré à l’hôtel Saint James, à Paris, ce talent de 25 ans est sur le point d’ouvrir une boutique dans cette même capitale, soit comme l’écrit le magazine Grand Seigneur, une sorte de  » Apple Store du chou à la crème et du forêt-noire en forme de griotte « . Nom de l’établissement ? @Ycone. C’est à ne pas manquer lors d’une prochaine visite dans la Ville lumière.

7. Le vin Mariani

Wikipédia est formel :  » Le vin Mariani est une boisson tonique française créée en 1863 par le pharmacien Angelo Mariani, à partir de feuilles de coca macérées dans du vin de Bordeaux. Cette boisson, très consommée à la Belle Epoque – il s’en vendait 10 millions de bouteilles par an – est parfois considérée comme la préfiguration du Coca-Cola (son concepteur John Pemberton l’aurait d’abord copiée avant d’en enlever le vin pour concevoir sa boisson). N’ayant pas été brevetée, elle fut tout d’abord imitée, puis interdite dans certains Etats des Etats-Unis (prohibition de l’alcool) puis en France et ailleurs (interdiction de la cocaïne, principe actif de la feuille de coca).  » Fin de l’histoire ? Pas vraiment. En 2017, en accord avec la famille de l’inventeur, un restaurateur corse a relancé la production de ce produit, mais avec une formulation sans feuille de coca… Et le breuvage fait fureur sur Internet pour 37,50 euros les 50 cl (frais de port inclus).

www.vinmariani.fr

8. Les laits végétaux

Depuis quelques années, à tort ou à raison – qui sait vraiment ? -, le lait de vache en prend pour son grade. Tête de turc de nombreux professionnels de l’alimentation, il s’est vu accusé de tous les maux : ostéoporose, allergies, complications digestives… Attentive à ce discours qui a bien pénétré les mentalités, l’industrie alimentaire s’est ruée sur le créneau. On a ainsi vu fleurir de nombreuses alternatives végétales, du lait d’amande à celui de riz, en passant par le soja. La dernière tendance : le lait végétal amélioré en mode DIY, tel le lait de bruyère. La recette ? Faire chauffer un lait aux noisettes dans une casserole, déposer quelques fleurs de bruyère séchées et laisser infuser une vingtaine de minutes. On peut aussi remplacer cette plante par des fleurs de sureau. A déguster chaud ou froid.

9. Le combat des chefs

On croyait ces pratiques définitivement enterrées, révolues, d’un autre âge. Pour preuve, elles disparaissaient des écrans. De quoi s’agit-il ? Du format d’émissions qui consiste à faire s’affronter des chefs devant un jury. Le tout bien calibré masculin. On pensait cette page tournée grâce à Netflix et sa série d’émissions Chef’s Table qui, bien que scénarisée à mort, mettait le travail et les hommes à l’honneur. Et puis patatras, la chaîne américaine vient d’annoncer la terrible nouvelle : elle lance cet automne une compétition culinaire façon Top Chef… ou peut-être serait-il plus juste d’écrire Flop Chef. Douze équipes internationales de deux cuisiniers s’affrontent devant un jury composé par Anne-Sophie Pic, Clare Smyth, Enrique Olvera, Grant Achatz, Andoni Aduriz, Carlo Cracco… tel est le scénario de ce télé-crochet à l’intitulé tonitruant. The Final Table sera diffusé dans le monde entier mais aucune date de lancement n’a pour le moment été communiquée et on ignore qui seront les compétiteurs.

10. Batch cooking

Le foodie lambda vit sur une croix. Il est écartelé entre son goût pour la bonne bouffe et le temps qui lui manque cruellement pour s’adonner à son hobby favori… et manger en phase avec ses attentes. Dès lors, le  » batch cooking  » a vu le jour, soit une sorte de  » cuisine en série « .  » Cette tendance consiste à prendre un moment une fois par semaine et préparer en grande quantité des aliments que l’on peut conserver. Vous utilisez vos préparations pour plein de recettes différentes tout le reste de la semaine. Le chef Jamie Oliver est l’un des précurseurs de ce phénomène et les pages Web britanniques sur le sujet fleurissent sur la Toile « , commentait déjà la journaliste Elisabeth Assayag, en 2017, sur le site d’Europe 1. Bonne nouvelle : la mode se diffuse progressivement, comme le prouve la sortie d’un ouvrage sur le sujet aux éditions Marabout, Mes premiers pas en batch cooking, signé par l’excellente Kéda Black.

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