L’absinthe ne rend plus fou
La décision a été publiée cette semaine au Journal Officiel: interdite durant près d’un siècle en France sous son nom et dans sa composition d’origine, la « fée verte » vient d’être définitivement réhabilitée.
Interdite durant près d’un siècle en France sous son nom et dans sa composition d’origine, l’absinthe ou « fée verte », qui a inspiré nombre d’artistes séduits par ses effluves anisées réputées rendre fou, vient d’être définitivement réhabilitée. Cette décision, publiée cette semaine au Journal Officiel, découle de la « loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit » abrogeant celle du 16 mars 1915 qui interdisait cette boisson, titrant 72 degrés d’alcool et contenant une molécule « épileptisante », la thuyone.
Elle intervient après un long bras de fer entre la Fédération française des spiritueux (FFS) et les producteurs suisses, qui tentaient de s’approprier l’appellation. Le président de la FFS, Jean-Pierre Lacarrière, s’est félicité de l’adoption de cette « mesure de bon sens » qui contribue « à la valorisation d’un spiritueux longtemps et injustement décrié ».
L’absinthe pourra désormais être commercialisée sous son nom alors que jusqu’à présent les producteurs devaient la vendre sous la dénomination « boisson spiritueuse aux plantes d’absinthe », un « handicap commercial certain », selon Marie Benech, directrice de la FFS.
Une quinzaine de distilleries la fabriquent encore
Née dans le Jura, à Pontarlier (Doubs) en France et à Couvet en Suisse, elle avait été autorisée à nouveau en 1988 en France, avec un taux réduit de thuyone de 35 mg par kilo (illimité auparavant), à la suite d’une directive européenne mais dans une version aussi alcoolisée que sa version d’origine (titrant de 40 à 72 degrés), selon la FFS. L’abrogation de la loi de 1915 vise à contrer le projet suisse de déposer la dénomination « absinthe » comme indication géographique. En mars 2010, les producteurs du Val-de-Travers (canton de Neuchâtel) ont déposé une demande d’indication géographique protégée (IGP) devant l’Office fédéral de l’agriculture suisse (Ofag) afin d’être les seuls à pouvoir utiliser le terme « absinthe ».
La FFS avait déposé un recours contre cette demande. En France, une quinzaine de distilleries fabriquent encore l’absinthe, dont Emile Zola a décrit les ravages dans « L’Assommoir ». Appelée aussi « herbe aux vers » ou « herbe des vierges », l’absinthe est issue d’une variété d’armoise, plante aromatique aux fleurs jaunes, à la tige verte argentée et aux feuilles grises et blanches.
Utilisée comme plante médicinale aux bienfaits thérapeutiques reconnus (notamment vermifuges) depuis la Haute Antiquité, elle a aussi souvent été associée au poison et à la mort, notamment dans la Bible. Les poètes grecs utilisaient le mot « absinthion » pour désigner quelque chose d’impossible à boire, puis tout sentiment empreint d’amertume. C’est la thuyone, présente dans de nombreuses plantes mais reconnue comme substance toxique favorisant l’épilepsie, qui a longtemps été incriminée.
L’Express
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