Menu de champions: Les secrets nutrition de quatre sportifs de haut niveau

© DAMON DE BACKER ET CARL ELGIN
Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

Les athlètes font de la nutrition un véritable allié de leurs exploits. Quatre sportifs de haut niveau nous livrent leurs conseils pour une assiette médaillée.

« Un de mes principes: manger un arc-en-ciel tous les jours. »

Sportive professionnelle de haut niveau, Claire Michel (32 ans) a participé aux jeux Olympiques de Rio, en 2016. C’est désormais en tant que triathlète qu’elle s’épanouit, même si elle a touché à de nombreux sports, du football à la gymnastique. Après avoir habité et étudié aux Etats-Unis, elle vit depuis 2011 en Belgique.

« Le sport pratiqué de manière professionnelle est un choix de vie très contraignant par lequel on décide de faire de son corps un outil de travail. C’est strict… mais je ne changerais pour rien au monde. Il n’y a pas de trêve: la pratique gère la vie sociale, le sommeil, et bien sûr l’alimentation. Avec le temps et en observant mon corps, j’ai élaboré une façon de manger optimale pour moi.

Dans ma discipline, au contraire de la boxe, il ne s’agit pas de surveiller son poids pour rester dans une catégorie, le triathlon olympique ne favorise pas un type précis de morphologie. Je brûle entre 3.000 et 5.000 calories par jour: le défi est de me nourrir de façon à avoir de l’énergie pour soutenir de tels efforts sur le long terme.

Ma philosophie est simple: je ne crois pas au concept classique de « régime ». Je ne m’interdis rien car le bien-être se trouve en créant des habitudes saines caractérisées par la modération et le plaisir. Ce dernier est essentiel, il faut en prendre dans ce que l’on mange et aussi en préparant ses repas. Je ne me sens jamais frustrée car je suis bien dans mon corps.

S’il m’arrive de faire un excès, je ne me culpabilise pas car la nourriture n’a pas cet aspect émotionnel de compensation pour moi. En moi est inscrit le fait que je me sentirai mal si je mange tout un paquet de chips… mais pas si je me satisfais d’une poignée. Ce qui est important, c’est de préparer à l’avance, je fais beaucoup de « batch cooking » et je transforme les restes, par exemple un surplus de risotto en boulettes de riz. Quand je rentre de la piscine, je dois avoir tout de suite quelque chose sous la main.

Outre la modération, j’applique deux principes: « Mange un arc-en-ciel tous les jours » et « Le moins de pattes, le mieux ». L’arc-en-ciel renvoie à la couleur des aliments, qui est un bon indicateur visuel pour varier les nutriments sans connaître forcément les propriétés de chaque ingrédient. Par exemple, ne manger que du pain, des céréales, des pâtes n’est pas assez diversifié chromatiquement. Il faut rajouter du mauve avec une aubergine, du vert avec une courgette, du rouge avec une tomate. Pour l’histoire des « pattes », c’est lié aux protéines, je les trie selon ce critère. Les meilleures, les plus faciles à digérer, seront celles sans pattes – oeufs et légumineuses – et puis les poissons, les volailles et, in fine, le porc et le boeuf. Je dois avouer que je suis devenue végétarienne à 80%, notamment par souci pour l’écologie. »

« On ne peut pas battre un record avec des chips et du chocolat. »

Le marathonien Koen Naert (32 ans) s’adonne à son sport à plein temps depuis 2016. Le jeune sportif s’est fait connaître du grand public en 2018, lorsqu’il est devenu champion d’Europe et a battu son record personnel. Un an plus tard, il se qualifiait pour les jeux Olympiques de Tokyo, prévus pour l’été 2021.

Koen Naert
Koen Naert© DAMON DE BACKER ET CARL ELGIN

« Cette préoccupation pour la nutrition n’est apparue que tardivement. A la base, je suis plutôt quelqu’un qui aime farfouiller dans le placard à bonbons et j’ai essayé de repousser le passage à un programme nutritionnel strict le plus longtemps possible. Je préférais m’entraîner plus souvent. Lorsque ma carrière est passée à la vitesse supérieure, je savais qu’il était important de mettre toutes les chances de mon côté.

A l’approche des championnats d’Europe 2018, j’ai contacté la diététicienne du sport Stephanie Scheirlynck et mes craintes se sont envolées. Je n’ai pas eu à changer radicalement mes habitudes alimentaires, mais j’ai néanmoins dû faire attention à la quantité de macronutriments que je consommais à chaque repas. Au début, je n’arrêtais pas de peser les protéines, les glucides et les graisses. Stephanie m’a élaboré une série de menus types pour différents jours d’entraînement: la quantité de macronutriments était adaptée en fonction de l’effort et de la récupération. Depuis lors, nous ne nous voyons plus que sporadiquement.

Manger sainement est devenu un mode de vie qui me semble très naturel: je n’ai plus besoin d’y penser. D’ailleurs, je connais tous les programmes par coeur. Et ma femme aussi; si j’ai prévu une séance d’entraînement intense, elle mettra automatiquement des pâtes au menu sans que j’aie à le demander. Par ailleurs, nous cuisinons toujours pour toute la famille, je n’ai pas un repas à part, même si j’ai parfois droit à un peu plus de pâtes que les autres. S’il n’y a pas de compétition à l’horizon, je peux me détendre un peu. En réalité, il est sain d’oublier son programme alimentaire et d’aller manger au restaurant… Si l’idée d’avoir mangé des frites m’empêchait de dormir la nuit, ce serait bien pire pour mes performances. De toutes façons, je ne prendrai jamais de poids. Avec le nombre de kilomètres que je parcours chaque année, il n’y a aucun risque.

Mais pour réaliser des performances optimales, mon corps a besoin de bonne nourriture: on ne peut pas battre un record avec des chips et du chocolat dans le ventre. Quelque temps avant un marathon, mon régime devient un peu plus strict. Trois jours avant la course, je commence par ce que l’on appelle le « chargement en glucides »: je mange beaucoup de glucides supplémentaires afin de maximiser le stockage du glycogène dans mes muscles et mon foie. Je le vois comme un pack d’énergie que je pourrai utiliser pendant la durée d’un marathon. Si vous mangez plus de glucides, vous pouvez également absorber plus de liquides: c’est un bon avantage d’être bien hydraté sur la ligne de départ.

Si je devais arrêter ma carrière d’athlète professionnel, je n’abandonnerais pas ce style d’alimentation. J’ai travaillé comme infirmier dans un centre pour grands brûlés et, entre deux formations, je suis un cours de troisième cycle en stomathérapie et en soins des plaies. Pour ce travail aussi, il faut beaucoup d’énergie, et c’est exactement ce que me donne mon mode de vie. Toutefois, je penserais alors un peu moins aux quantités exactes se trouvant dans mon assiette et je m’autoriserais des détours par l’armoire à bonbons (rires)! »

« Mon alimentation végétale est responsable à 70% de ma réussite. »

Maximilian Dietrich est développeur business pour le groupe maritime belge Exmar. Avant de s’établir chez nous, il travaillait à Singapour et Shanghai. Malgré son train de vie surchargé, il met un point d’honneur à prendre soin de son corps. Afin de pouvoir skier et faire du kitesurf de manière intensive, il entretient méticuleusement sa condition physique en courant, faisant du fitness et dispose d’un coach personnel.

Maximilian Dietrich
Maximilian Dietrich© DAMON DE BACKER ET CARL ELGIN

« J’ai toujours été sportif, mais j’ai atteint le point critique il y a quatre ans. J’ai brutalement été confronté aux limites de mon corps: je me suis cassé la jambe durant un match de hockey. Je suis resté en chaise roulante pendant un mois et demi, avant de me déplacer à l’aide de béquilles durant deux mois. Joren Nijs, un physiothérapeute chez Move to Cure, m’a aidé à me remettre sur pied. Cela va sans dire, l’accompagnement personnel est un investissement, mais je trouve que ça en vaut largement la peine.

Comment mieux investir que dans votre propre santé? Désormais, je m’entraîne avec Julien Prudhomme, un coach en performance qui suit également les sportifs professionnels, dans le but d’éviter les blessures. Et je suis en meilleure forme qu’il y a vingt ans, cela montre que notre corps a du ressort. C’est fou que ce concept « d’entretien personnel » ne soit pas plus ancré dans notre société. Tout le monde amène sa voiture régulièrement au garage pour une révision, mais pour notre corps c’est une autre affaire. On s’attend à ce qu’il soit en pleine forme chaque matin, même si nous n’en prenons pas toujours soin. Les bienfaits du sport se manifestent dans ma vie personnelle et professionnelle: j’ai plus d’énergie, d’endurance et de résilience face à des situations de stress.

Par ailleurs, un entraînement intensif va de pair avec une attention portée à l’alimentation. Au départ, j’étais assez classique: j’étanchais mon besoin de protéines par de la viande, de la viande et encore de la viande. Mais quand je mange beaucoup de viande rouge, je me sens plus vite raide et engourdi. N’oubliez pas que votre corps est votre meilleur conseiller… Lorsque j’ai suivi un programme de sport intensif de trois mois à Singapour, j’ai décidé de tester un régime keto. Ensuite, j’ai essayé de ne manger que des végétaux pendant un mois. Depuis, j’ai laissé les extrêmes derrière moi et j’ai trouvé un mode de vie tenable à long terme. Ainsi, je mange beaucoup moins de viande et tire mes protéines en grande partie d’aliments végétaux, comme les légumineuses et les légumes. Je remarque qu’une alimentation majoritairement végétale possède bien des avantages. Par exemple, elle aide, entre autres, à guérir plus vite.

En général, j’essaye de préparer de nombreux repas à l’avance. De cette manière, j’ai toujours quelque chose de sain qui m’attend dans le frigo. Lorsque je suis chez des amis ou que je vais dîner pour le boulot, je mange toutefois ce qui se présente. Je suis d’avis que nos habitudes alimentaires doivent pouvoir s’adapter à notre vie sociale, sinon c’est bien trop difficile de les tenir. Une vie saine commence, comme bien d’autres choses, par l’organisation et la discipline. Si vous n’avez pas de plan, c’est perdu d’avance. Si vous souhaitez changer quelque chose dans votre mode de vie, vous devez en faire une priorité en l’ajoutant littéralement dans votre agenda.

Depuis que je me soucie de mon alimentation, mes prestations sportives n’ont fait que progresser. Avant cela, je me heurtais à un plafond de verre: peu importe la fréquence de mes entraînements, je ne faisais pas de réels progrès. J’estime qu’une alimentation plus saine et végétale est responsable à 70% de ma réussite sportive. Mais on en parle encore trop peu. »

« Ecouter les signaux que m’envoie mon corps. »

A 32 ans, Clarisse Vandendorpe pratique quotidiennement course à pied, yoga, natation et musculation. Le sport est comme une évidence depuis son plus jeune âge pour celle qui a pratiqué le tennis en compétition pendant vingt ans. Indépendante, la jeune femme travaille depuis dix ans comme coach sportive spécialisée dans le créneau des jeunes mamans désireuses de retrouver du tonus après avoir donné naissance.

Clarisse Vandendorpe
Clarisse Vandendorpe© DAMON DE BACKER ET CARL ELGIN

« Au départ, je ne me posais pas trop de questions sur l’alimentation. Chez mes parents, je me nourrissais plutôt sainement, dans la mesure où il n’y avait pas de plats transformés. A la fin de mes études, j’ai fait un voyage en Australie au bout duquel j’ai pris du poids. Sans le savoir, je me suis installée dans un cercle vicieux. Tartines de confiture le matin et donc grosse faim à 10 heures; tartines de jambon ou de fromage le midi et donc la faim, toujours elle, qui revient vite; biscuits pour le goûter et donc fringale avant le souper; souper viande-féculents-légumes en mangeant vite et en se resservant tellement j’étais affamée. Du coup, je sortais de table saturée. Une collègue qui prêtait attention à son alimentation m’a fait prendre conscience de cela. En réalité, j’étais en perpétuel déséquilibre. J’ai donc suivi des formations. J’ai totalement changé ma façon de procéder, j’ai commencé à écouter les signaux que m’envoyait mon corps.

Aujourd’hui encore, je fonctionne selon cette nouvelle approche. Le matin, je me prépare une omelette, un oeuf sur le plat ou du pain complet avec du saumon et de l’avocat. C’est un excellent apport d’énergie qui m’empêche d’avoir des fringales dues à des déséquilibres glycémiques. Ce sont des repas assez « costauds » qui, chez moi, passent mieux en début de journée.

Le midi, vu que je n’ai pas beaucoup de temps, je fonctionne très souvent avec les restes de la veille, c’est une bonne façon de ne pas manger n’importe quoi. Si je n’ai rien de préparé, j’ai toujours en réserve des pois chiches, des haricots rouges ou des poissons gras en conserve.

Pour ce qui est du goûter, j’interroge mon corps pour savoir s’il a véritablement faim. Si c’est le cas, je déguste du skyr, le yaourt finlandais, ou encore un granola fait maison avec des pépites de chocolat noir.

Le soir, c’est variable! Nous avons un fils de 10 ans que nous essayons le plus possible d’impliquer dans les repas afin de susciter son intérêt. Ce que nous mangeons va du spaghetti bolognaise au curry de poisson, en passant par le tajine. Nous ne nous interdisons rien. En revanche, je ne me laisse rien imposer non plus. Je n’ai pas le goût de l’alcool et donc je ne cède pas aux personnes qui disent que « ce n’est pas marrant ».

La grande découverte de mon approche consiste à mettre de la conscience dans le fait de se nourrir. Manger lentement, mâcher, est le premier pas nécessaire pour reprendre le contrôle de son alimentation… et ne plus la subir. »

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