Pain : Visite chez Bon.Comme, boulangerie extraordinaire
A Walhain, dans une boutique au décor taillé à la serpe, Pascal Donnet renoue avec l’excellence boulangère. A l’heure où miches et quignons s’inventent un destin de plus en plus industriel, c’est une vraie bénédiction. Bienvenue dans un monde qui autorise la lenteur et qui favorise les matières premières de qualité.
Pascal Donnet (62 ans), ancien importateur de café reconverti dans le pain, invite le visiteur à le suivre à travers son atelier. Le sol en béton rendu glissant par les résidus de farine qui le saupoudrent prend des allures de patinoire. Cette fine pellicule de neige ajoute à la magie de la bonne odeur de pain qui accroche les narines dès qu’on franchit le seuil de Bon.Comme.
GRAAL ALIMENTAIRE
Le boulanger ouvre la porte du petit frigo pour extraire une petite fiole en plastique blanc. Après avoir dévissé, non sans effort, le bouchon rouge, il hume les arômes brassicoles du contenu avec un air satisfait. Ses gestes précautionneux traduisent la haute estime dans laquelle il tient l’étrange mélange ponctué de bulles. Il s’explique : « C’est mon levain. C’est la même souche depuis l’ouverture en 2003. Il est bien vivant, actif, un vrai trésor qui possède la caractéristique d’être marqué par une acidité plus lactique qu’acétique. Du coup, le goût est rond, pas trop prononcé, c’est comme une caresse sur le palais. »
Dans l’univers de la boulangerie, le levain consiste en un mélange de farine et d’eau capable de servir de souche grâce à deux agents naturels : les ferments présents dans la farine et les bactéries que l’on retrouve dans l’air. Ce « graal » alimentaire permet d’ensemencer et de faire lever la pâte du pain au levain qui se caractérise par sa densité, sa mie irrégulière et son goût particulier.
C’est uniquement le samedi que Pascal produit ses miches au levain. Le reste de la semaine, il opte pour une levure tout aussi qualitative mais au rendu différent. « Le problème, c’est que le levain débouche sur un processus qui dure plus de 7 heures. On débute les opérations dès 2 heures du matin. Le four est mis à chauffer vers 4 heures et ce n’est que vers 12 h 30 que les premiers pains sont disponibles à la vente. »
TOTALE EXIGENCE
Depuis qu’il est entré en boulangerie « parce qu’il n’y avait pas de bon pain près de chez moi », Pascal n’a eu de cesse de faire preuve d’exigence. « Il y a de la place pour tout le monde. Le pain industriel possède au moins un avantage, celui d’une production à bas prix. En revanche, ce qui est inacceptable, c’est que les consommateurs ne soient pas informés correctement. Beaucoup d’adresses qui aujourd’hui revendiquent l’appellation ‘boulangerie’ ne sont en réalité que des ‘dépôts-ventes de pain’ où la seule opération faite sur place consiste à chauffer des produits surgelés. On ne peut pas donner le même nom de ‘boulanger’ à un artisan et à quelqu’un qui se contente d’allumer un four. »
Chez Bon.Comme, l’incroyable qualité du pain que des gourmands viennent glaner des quatre coins du pays n’est pas le résultat d’un hasard. Au coeur de cette authenticité remarquable, on trouve d’impeccables farines que Pascal déniche chez deux fournisseurs français : « Les meuniers eux aussi veulent se simplifier la tâche. C’est pour cette raison que l’on trouve sur le marché des farines farcies d’additifs. Le processus de panification est simplifié et accéléré par un rajout de gluten et de lactose. Seul problème, le gluten en question ne se dégrade pas de la même façon, il n’est pas bien assimilé par le corps. On connaît la polémique actuelle autour du gluten. Je ne travaille qu’avec ce que l’on appelle des farines ‘natives’ qui se suffisent à elle-même. Beaucoup de nutritionnistes envoient leurs patients chez nous pour qu’ils essaient notre pain. Il est intéressant de noter que la moitié d’entre eux supporte le gluten de nos pains composés à 70 % d’épeautre et à 30 % de froment. Cela ne m’étonne pas car dans nos pains le gluten se dégrade sous l’action des levures et des enzymes. Il est à la fois plus digeste et plus nourrissant. » Ce n’est pas le seul élément qui distingue Bon.Comme, Pascal Donnet insiste également sur le rôle crucial d’un pétrissage lent. « Le vrai goût du pain nécessite du temps, qu’il s’agisse de la première fermentation ou de la seconde période de repos… Organoleptiquement, c’est ce qui fera la différence », détaille l’intéressé.
PAS TOUT, TOUT LE TEMPS
Si cette boulangerie de Walhain est réputée pour son pain à la belle croûte dorée, les gourmands savent que d’autres délices sont à glaner. Fidèle à son engagement qualitatif, Pascal ne propose « pas tout, tout le temps ». Certaines préparations sont, en fonction de la saison, à glaner certains jours. Ainsi du pain au lait, du pain à la grecque, des canelés bordelais – des petits gâteaux parfumés au rhum et à la vanille, des fougasses, des cramiques, des craquelins, des spéculoos, un massepain à se damner réalisé à partir d’amendes du Portugal… L’un des temps forts hebdomadaires est assurément la confection des croissants qui sont proposés à la vente le week-end. Là aussi, on parle d’un processus qui s’étend dans le temps. « Dès le mercredi, nous préparons la pâte avec une farine de gruau. Le lendemain, c’est le tourage pour lequel nous utilisons du beurre Rose de Luxembourg qui fait valoir 80 % de matière grasse. La confection proprement dite s’effectue le vendredi, les croissants sont alors mis au frigo à 4 °C. Enfin, vient le samedi, qui est le jour de la cuisson, il s’agit bien sûr d’une cuisson lente. »
Un détail surprend quand on pousse la porte de Bon.Comme, cette boulangerie est réduite à sa plus simple expression : une table en bois qui sert de comptoir, quelques étagères où ranger les pains, quelques chariots en métal et… rien d’autre. Pas un seul produit n’est vendu qui ne soit entièrement réalisé sur place. C’est sans doute pour cette raison et toutes celles évoquées plus haut qu’il est préférable de passer commande par téléphone avant de rendre visite à ce boulanger extraordinaire.
Boulangerie Bon.Comme, Chaussée de Wavre 9, 1427 Walhainwww.bon-comme.com
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