Rencontre avec Kevin Lejeune, chef talentueux de La Canne en Ville: la belgitude en trois recettes

© Frédéric Raevens
Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

Après avoir été le second de David Martin pendant dix ans à La Paix, à Bruxelles, Kevin Lejeune vole désormais de ses propres ailes. Ce chef talentueux nous livre, en exclusivité, trois recettes revisitant la belgitude.

Rencontre avec Kevin Lejeune, chef talentueux de La Canne en Ville: la belgitude en trois recettes
© Frédéric Raevens

« Je voulais y rester plus longtemps, cette adresse est une telle école. J’y ai appris tout ce que je sais, tant en matière de gestion d’équipe, de produits d’exception que de cuisson et de découpe. C’est grâce à David Martin que j’ai obtenu la maturité nécessaire pour ouvrir mon propre endroit. Je lui en suis infiniment reconnaissant. » Lorsqu’il évoque La Paix, l’enseigne dans laquelle il a officié comme second pendant plus de dix ans, Kevin Lejeune ne tarit pas d’éloges. Fidèle et loyal, habitué à rester dans l’ombre, le chef a pourtant franchi le pas décisif. Il s’expose désormais en pleine lumière, fort du soutien de sa compagne Virginie Essers. C’est que l’homme a ressenti l’appel d’un lieu, La Canne en ville, petit restaurant d’Ixelles dont le cadre d’ancienne boucherie l’a touché en plein coeur. Les dimensions réduites et le décor carrelé conviennent à merveille à l’humilité du bonhomme qui n’est pas taillé pour l’esbroufe. « David voulait que je reprenne La Paix mais c’était beaucoup trop grand pour moi », explique-t-il.

Rencontre avec Kevin Lejeune, chef talentueux de La Canne en Ville: la belgitude en trois recettes
© Frédéric Raevens

Modeste, Lejeune l’est intimement. Cela ne signifie pas qu’il est sans ambition pour autant – on a trop souvent tendance à lier les deux. Il précise: « Je veux aller loin avec cette enseigne. Je veux le faire d’une façon moderne, c’est-à-dire sans y passer 80 heures par semaine, sans y suer sang et eau, sans devenir amer. L’esprit est celui d’une table gastronomique où l’on éprouve du plaisir des deux côtés de l’assiette. Je ne crois pas à l’image du chef forçat attaché à sa cuisine comme à un boulet. Les mentalités ont évolué, aujourd’hui il est nécessaire de cuisiner dans la joie, de s’épanouir dans son travail. » Et pour lui, cela passe par la recherche de fournisseurs hors pair. « Notre pays magnifique est un terrain de jeu inouï pour un cuisinier. De la mer du Nord à l’Ardenne, on trouve une palette immense de produits, du gibier au poisson, en passant par le pigeonneau. J’essaie de rester le plus possible chez nous, les pieds ancrés dans le terroir, car je me sens viscéralement attaché à la Belgique », garantit l’intéressé, qui s’est assuré les services d’un maraîcher bio (Les Paniers Verts, une petite ferme familiale à Bornival, près de Nivelles).

Rencontre avec Kevin Lejeune, chef talentueux de La Canne en Ville: la belgitude en trois recettes
© Frédéric Raevens

Et quid de son style? On peut sans hésiter parler d’une cuisine gastronomique contemporaine, très gourmande, que traversent des audaces, des fulgurances – certaines d’entre elles renvoient immanquablement à David Martin, ainsi des notes qui lorgnent du côté du Japon. On pense entre autres à cette composition à base de poireaux confits, jaune d’oeuf, ricotta salée, truffe et noisettes. Il y a également cette sole croustillante soulignée à la perfection par une sauce crue aux oursins et rafraîchie par de la pomme verte. Sans oublier, très canaille et sans façon, cette côte à l’os servie avec un croustillant de jarret braisé. L’accompagnement? De la truffe et du chou-fleur cuit en croûte de pain. Pas de doute, Kevin Lejeune est traversé par une réelle efficacité créative, un souffle. « Cela vient spontanément, confesse ce natif de Charleroi. Fin 2018, Virginie et moi sommes partis à New York. On a testé plein de restaurants. Au retour, dans l’avion, les idées de plats n’arrêtaient pas de surgir sans qu’un seul soit lié à ce que l’on avait dégusté. En moi, tout s’était décomposé pour se reconstruire d’une manière inédite. J’en ai profité pour faire ma carte au-dessus des nuages, comme ça, dans la foulée. » Un état de grâce culinaire, une apesanteur, qui va comme un gant à une personnalité qui n’a pas fini de faire parler d’elle.

La Canne en ville, 22, rue de la Réforme, à 1050 Bruxelles. Tél.: 02 347 29 26. www.lacanneenville.be

Mousse de crevettes grises et croquant de tomates

Rencontre avec Kevin Lejeune, chef talentueux de La Canne en Ville: la belgitude en trois recettes

Pour 2 personnes

Pour le croquant de tomates:

200 g de farine200 g de blancs d’oeufs200 g de beurre fondu90 g de concentré de tomates, sel et poivre noir du moulin

Pour la mousse de crevettes:

500 g de crevettes grises fraîches non décortiquées500 g de crème fraîche liquide22 g de gélatine500 g de fumet de poisson, sel et poivre noir du moulin

Pour le croquant de tomates, mélanger tous les ingrédients. Etaler sur une épaisseur de 1 à 2 mm sur une plaque recouverte d’un tapis de silicone. Cuire 10 min au four à 170 °C (pas sur chaleur tournante). Laisser refroidir et casser des morceaux de toutes tailles.

Pour la mousse, mixer très finement les crevettes entières au robot. Faire chauffer le fumet ainsi obtenu et ajouter les feuilles de gélatine préalablement trempées dans de l’eau froide et essorées entre les doigts.

Battre la crème « à trois quarts », jusqu’à y voir les traces des coups de fouet.

Ajouter le fumet aux crevettes et mixer pour avoir une pâte bien lisse. La passer au tamis.

Assembler la pâte et la crème, mélanger délicatement. Assaisonner. Dresser.

Carbonnades flamandes croustillantes, mayonnaise à la bière brune

Rencontre avec Kevin Lejeune, chef talentueux de La Canne en Ville: la belgitude en trois recettes

Pour 2 personnes

Pour les carbonnades

  • 500 g de carbonnade de boeuf
  • 30 g de beurre doux
  • 2 carottes
  • 1 oignon
  • 2 feuilles de laurier
  • 1 branche de thym
  • 50 ml de bière brune
  • 1 tranche de pain de mie frais
  • 1 c à s de moutarde à l’ancienne
  • 10 feuilles de pâte à brick carrées
  • 1 l de fond de boeuf

Pour la mayonnaise à la bière

  • 0,5 l d’huile d’arachide
  • 50 ml de bière brune
  • 1 c à s de moutarde
  • 5 jaunes d’oeufs
  • 10 ml de vinaigre de vin blanc
  • sel et poivre noir du moulin

Pour les carottes râpées, vinaigrette moutarde

  • 4 carottes
  • 100 g de noisettes torréfiées et concassées
  • 2 jaunes d’oeufs
  • 1 c à c de miel
  • 1 c à s de moutarde
  • 10 ml de vinaigre de vin blanc
  • sel et poivre du moulin

Prévoyez 4 h 30 de cuisson et de repos.

Pour les carbonnades, colorer la viande dans une casserole avec le beurre. Ajouter ensuite la garniture: oignons et carottes coupés en gros cubes, laurier, thym.

Bien laisser colorer, puis déglacer avec la bière. Baisser le feu et laisser réduire 5 min.

Ajouter le fond de boeuf et la tranche de pain tartinée de moutarde.

Couvrir et laisser cuire 2 heures à petit feu.

Lorsque la viande est bien cuite, enlever les morceaux de viande et passer le jus au chinois. Faire réduire ce jus « jusqu’à glace », presque comme un sirop.

Effilocher la viande dans une casserole et ajouter le jus. Saler et poivrer.

Etaler sur une plaque et réserver au frigo 2 heures.

Y découper des bandes de 10 cm sur 1 cm.

Couper les pâtes à brick en deux et garnir de boeuf, rouler. Appliquer un peu de beurre aux extrémités des rouleaux et sceller au doigt.

Réserver au frigo 30 min.

Pour la cuisson, colorer chaque face dans une poêle avec de l’huile d’arachide bien chaude.

Pour la mayonnaise, mettre les jaunes dans le batteur. Commencer à battre avec la moutarde, le vinaigre et le sel. Ajouter progressivement l’huile. Une fois l’appareil bien ferme, ajouter la bière. Rectifier l’assaisonnement.

Eplucher et râper les carottes.

Pour la vinaigrette, tout mélanger dans un bol avec un fouet.

Mélanger avec les carottes et les noisettes.

Dresser comme sur la photo.

Mousse au chocolat tiède et spéculoos

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Pour 2 personnes

Pour le spéculoos

  • 250 g de cassonade
  • 1 c à s de mélange d’épices à spéculoos
  • 250 g de beurre pommade
  • 1 oeuf
  • 350 g de farine
  • 5 g de sel fin
  • 5 g de levure chimique.

Pour la mousse

  • 390 g de chocolat noir 66 %
  • 110 g de sucre en poudre
  • 670 ml de lait entier
  • 4 g d’agar-agar en poudre

Commencer par le spéculoos, pour lequel il faut prévoir 5 heures de repos. Mélanger au batteur la cassonade et les épices. En continuant à battre, ajouter le beurre pommade et l’oeuf. Ajouter la farine, le sel et la levure chimique. Une fois la pâte homogène, former des boudins à l’aide de papier film et réserver au frigo 5 heures.

Etaler ensuite entre deux feuilles de papier sulfurisé, sur 0,5 cm d’épaisseur. Cuire au four pendant 12 min à 160 °C. Casser le spéculoos en petits morceaux.

Pour la mousse, faire chauffer le lait avec le sucre. Une fois que c’est à ébullition, ajouter l’agar-agar et faire bouillir à nouveau. Verser sur le chocolat dans un bol, mélanger délicatement. Quand tout est bien lisse, mettre l’appareil encore chaud dans un grand siphon, avec 2 cartouches de gaz. Réserver dans un endroit tempéré.

Dresser comme sur la photo. Si vous le souhaitez, vous pouvez ajouter une petite confiture de saison par-dessus la mousse au chocolat et ensuite le spéculoos émietté.

Pour un peu de peps, n’hésitez pas à mettre un petit peu de piment d’Espelette en poudre.

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