La bistronomie prend le large

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Ils sont britanniques, italiens ou congolais, talentueux et passionnés de cuisine française. Depuis quelques mois, ils enflamment les bistrots de la capitale française. Plein feu sur cette nouvelle gastronomie de comptoir.

Roseval, 1, rue d’Eupatoria, 75 020 Paris. Tél. : +33 9 53 56 24 14. Menu unique : 40 euros (65 et 77 euros avec accords mets-vins).

L’Office, 3, rue Richer, 75 009 Paris. Tél. : +33 1 47 70 67 31. Menus : de 21 à 31 euros.

Albion, 80, rue du Faubourg-Poissonnière, 75 010 Paris0. Tél. : +33 1 42 46 02 44. Carte : 35 à 50 euros.

Atelier Rodier, 17, rue Rodier, 75 009 Paris. Tél. : +33 1 53 20 94 90. Formule lunch à 18 euros et un menu du soir à 37 euros.

 » Paris, la belle endormie de la gastronomie. » Voilà, à quelque chose près, le refrain qu’entonnent à tout-va les médias d’outre-Manche… Plus inquiétante fut la déclaration de Joël Robuchon à l’Evening Standard en janvier 2011.

Désignant Londres Food Capital of the World, « the French cookstar » enfonce le clou : « On s’ennuie dans les restaurants à Paris. Londres ne cesse d’innover, de se tourner vers le monde. » On ne saurait trop conseiller au chef constellé de 28 étoiles Michelin de revenir prendre le pouls de la melting-popote parisienne. Alors, il se rendrait compte que non seulement celle-ci bat la chamade mais que les instigateurs de cet électrochoc culinaire sont parfois issus de ses propres rangs.

Prenez Katsuaki Okiyama, le chef d’Abri (Paris Xe), qui caracole au buzzomètre ces temps-ci. Affûtée non seulement chez Robuchon mais aussi Taillevent, la fine lame nipponne a retaillé à son image l’idée du bistrot parisien : des murs blanc hôpital, des tables en bois brut, des lustres d’atelier, et un îlot en zinc derrière lequel il cisèle le magret de canard de Challans avec une précision de samouraï. A prix gentils. Comme un air de bistronomie…

Depuis longtemps déjà, ce mot-valise est devenu, en France, le cri de ralliement, de tous ces chefs capés qui quittent les ors des grandes maisons pour le zinc des petits bistrots. A coups de terrines explosives, de jus pointus et de plats rondement mijotés dans des formules-ardoises, Yves Camdeborde et ses copains chefs ont appliqué, dès les années 90 et au début des années 2000, la formule gagnante.

Des talents du monde entier viennent désormais grossir les rangs de cette bistronomie française. A commencer par le contingent japonais. « Pour les jeunes Nippons qui veulent devenir cuisiniers, la France reste le pays qui les fait rêver. Beaucoup sont prêts à venir en apprentissage dans les grandes brigades étoilées en renonçant à tout salaire ! » confie Fumiko Kono, star des fourneaux tokyoïtes formée par Alain Passard. Phénomène récent : plutôt que de revenir au pays, les nouvelles toques japonaises préfèrent rester dans l’Hexagone pour faire des étincelles dans des petits lieux modestes.

Face à ce tsunami de vocations japonaises, les autres nationalités ne sont pas en reste : Suédois, Italiens, Argentins, Colombiens, Congolais revisitent à leur sauce les produits et le patrimoine de leur terre d’asile…

« Quand j’étais enfant en Colombie, se souvient Santiago Torrijos, le chef de l’Atelier Rodier (Paris IXe), j’ai goûté dans un restaurant français de Bogota un canard entier à l’orange. Je n’avais jamais mangé de canard, son assaisonnement était merveilleux. A partir de ce moment-là, la France est devenue un fantasme.  »

Autres nationalités en pointe dans cette légion étrangère : les Anglo-Saxons. Avec un flegme tout britannique, de jeunes toques de Sa Majesté viennent même donner à leurs meilleurs ennemis de sacrées leçons de cuisine de comptoir. La critique a d’ailleurs rebaptisé la bistronomie  » britishnomie  » ! De là à réconcilier les médias d’outre-Manche avec les marmites parisiennes…

François-Régis Gaudry

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