Marie Doutrepont
Marie Doutrepont, ballerine et entrepreneuse : « il y a une véritable demande pour la grande danse »

Depuis 2012, l’ancienne ballerine fait venir la crème de la crème des danseurs internationaux sur la scène des Hivernales de la danse, à Liège. En juillet prochain, elle prendra ses marques à Bruxelles, dans la prestigieuse salle Henry Le Bœuf de Bozar pour la première édition des Estivales. Au programme: de la virtuosité, bien sûr. Et beaucoup d’émotion.
Aimer la lumière
J’ai toujours aimé la lumière. Sur scène, j’étais dans mon élément. Dès que j’y posais le pied, le trac disparaissait pour laisser place au plaisir. Enfant déjà, j’avais besoin de défis. Tout me plaisait dans la danse, son exigence, son côté carré aussi. J’avais des dispositions physiques, après mes humanités en sport-études, j’ai rejoint plusieurs compagnies, pour finir au Royal Ballet, à Londres. Evoluer aux côtés de Sylvie Guillem, Carlos Acosta, Darcey Bussel, c’était toucher l’excellence du doigt. Je n’oublierai jamais les tournées, au Japon, en Russie, en Australie, c’était tellement gai et gratifiant. Les cinq années les plus belles de ma vie.
Maîtriser les bases
La création doit s’appuyer sur la tradition. En Belgique, il y a une véritable demande pour de la grande danse. Mais elle a longtemps déserté nos scènes. Et je ne parle pas seulement du Lac des Cygnes ou de Casse-Noisette. Mais aussi les créations de Béjart, de Millepied ou de Forsythe. La danse évolue, s’ouvre de plus en plus au contemporain. J’y accorde d’ailleurs une belle place dans mes galas. Mais pour proposer une création qui fait sens, il faut maîtriser les bases. Nous avons aussi un devoir de transmission.
Se donner le temps
Tout le monde n’est pas fait pour l’Opéra de Paris. Et c’est très bien comme ça. Les possibilités sont infinies, il faut se donner le temps de trouver la danse pour laquelle on est fait, la compagnie qui vous correspond le mieux aussi. Aujourd’hui, il est tellement facile de s’informer, de voir le travail des chorégraphes sur YouTube. C’est le conseil que je donne le plus souvent aux jeunes danseurs. Et qui vaut pour tout finalement.
Chercher le beau
La danse pour moi n’a jamais été une fin en soi. J’aurais tout aussi bien pu devenir fleuriste. Ce qui m’animait, c’était la recherche du beau. Il y avait tellement de choses à l’adolescence qui m’intéressaient. En ce sens, j’ai du mal à comprendre ceux et celles qui disent ne pas savoir ce qu’ils ont envie de faire dans la vie. Mon problème à moi, c’était plutôt de choisir.
Etre au bon endroit
Dans une carrière, il y a toujours une part de chance. Etre au bon endroit, au bon moment, dans un environnement qui vous convient, rencontrer un directeur de compagnie dont vous partagez les valeurs, tout ça fera la différence. Avoir de la souplesse, un joli pied, un certain port de tête peut provoquer un déclic. La santé aussi joue pour beaucoup. Vous pouvez être la plus talentueuse qui soit, si vous vous blessez tout le temps, ça ne marchera pas.
‘L’art nous lie aux autres, à la nature et au vivant.’
Démarrer un nouveau chapitre
Liège, c’est ma safe zone. J’ai arrêté ma carrière de danseuse à 28 ans. J’étais lassée de me pousser à bout physiquement tous les jours. Je me suis détournée de la danse dans un premier temps, jusqu’à ce que l’envie me prenne de mettre sur pied un gala. Si j’ai choisi Liège pour lancer les Hivernales, c’est que c’était un sacré saut dans le vide. J’avais besoin de me sentir entourée, rassurée. Je suis prête aujourd’hui avec les Estivales à démarrer un nouveau chapitre à Bruxelles.
Partager tout ensemble
La rivalité fait partie de la vie. Bien sûr dans la danse, il y a les concours, les auditions. Mais de la compétition, vous en aurez aussi dans n’importe quel environnement de travail. La danse fait encore l’objet de toute une série de fantasmes, je n’ai jamais connu personne qui se mettait des escalopes sur les pieds et pourtant tout le monde le croit! Dans une compagnie, on partage tout ensemble, un peu comme dans une famille. C’est très intense, à tous points de vue. Et comme dans les familles, il y a des tensions aussi. Et des amitiés pour la vie. C’est grâce à ces liens de confiance d’ailleurs que j’ai pu facilement monter ma toute première affiche en 2012.
Réussir sa mission
Un grand danseur n’est pas qu’un virtuose. J’ai réussi ma mission lorsque le spectateur se sent porté par l’émotion. Elle peut vous prendre au dépourvu dans un moment d’échange intime entre deux artistes sur scène. Et rejaillir soudain à un autre moment de votre vie lorsque vous repensez à ce que vous avez vu. Lorsque je découvre sur scène ce que l’humain peut réaliser dans toute sa beauté, sa complexité, sa force et sa faiblesse, un sentiment d’invincibilité s’empare de moi et me donne la force de porter mes projets toujours un pas plus loin.
Apprendre sans juger
L’art est une arme de connexion massive. Il nous rend curieux, critique. Il nous pousse à ouvrir le débat, à partager nos émotions. Sans être forcément d’accord, c’est même enrichissant d’écouter, d’apprendre, sans juger. C’est ce qui nous lie aux autres, à la nature, au vivant, tout simplement.
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