Charles Kaisin ouvre sa première boutique, éphémère
Le designer belge nous a concocté une petite surprise estivale, sous la forme d’un magasin éphémère entièrement habillé de papier toilette. Une manière de » ne pas se laisser aller et essayer de rebondir « , d’après lui. « Je suis bien conscient que la situation est très compliqué pour tout le monde actuellement, concède-t-il, mais je voulais donner une autre image, montrer une autre manière de vivre la chose, avec un petit clin d’oeil ». Interview à distance.
Une inauguration aussi discrète, ça ne vous ressemble pas vraiment…
Bien sûr, on aurait voulu faire une grande ouverture, mais au vu des circonstances » COVID-19 « , c’était un peu difficile. Il y a bien eu une sorte de préouverture, entre guillemets, lors de notre événement Origami for life* au Kanal – Centre Pompidou, mais on ne l’a annoncé à personne, notamment parce que l’on n’était pas sûrs d’être prêts. De toute façon, on se voyait mal réunir cent ou deux cent personnes pour fêter ça.
Et quelle était l’idée de départ ?
En fait, c’est un lieu que j’ai acheté il y a des années et qui était notre entrepôt-atelier. Et, oui, c’est juste à côté de chez moi, vraiment limitrophe, il y a même un passage qui va d’un bâtiment à l’autre. Et l’idée, donc, c’était d’en faire quelque chose – d’autant qu’il y a une petite vitrine arrondie, datant des années 30, amusante et remplie de charme -, et pourquoi pas un pop-up pour réunir tout plein d’objets. Comme beaucoup de gens durant le confinement, on a fait du rangement, et l’on s’est rendus compte que l’on avait accumulé pas mal de choses – or, on me demande souvent si je n’ai pas telle ou telle pièce sous la main, donc c’était l’occasion de pouvoir leur proposer.
Et pour la déco, c’était quoi, le concept ?
Pour la mise en scène, c’était assez évident. Comment aménager cet espace ? Ou le peindre en banc, tout blanc, sol compris, ou alors, réfléchir à autre chose. J’avais déjà réalisé plusieurs projets basés sur les pixels, c’est devenu une sorte de marque de fabrique. Puis je me suis dit : » Tu as vu ces gens qui se sont rués dans les supermarchés et se sont presque battus pour une quantité désirée de papier toilette ? Quoi de plus symbolique de se rendre compte que le papier toilette a tant d’importance durant cette période – ou du moins il semble en avoir ? On a donc fait appel à différents supermarchés et le groupe Carrefour a accepté de nous sponsoriser ; ils avaient des surplus. Mais, quoi qu’il arrive, une fois le pop-up fermé, toute la marchandise ira aux personnes démunies après avoir été soigneusement reconditionné.
Combien de rouleaux de papiers toilettes en tout ?
Dix-huit mille. Et tout ce tressage, puis la peinture, c’est le boulot de huit personnes pendant plus d’une semaine, à travailler jour et nuit. Ca paraît simple, évident, quand on voit les photos, mais cela a pris du temps pour tout faire soigneusement. On a coulé de l’égaline, on s’est débrouillés avec les moyens du bord, et c’est cette énergie, cet engouement qui nous a permis de faire naître ce petit cocon. L’acoustique y est incroyable, même moi je ne m’attendais pas à ça. Et comme tout est blanc, le moindre objet, vêtement ou élément qui s’y trouve rend l’ensemble très étonnant, au niveau de la perception de l’espace.
Justement, on y trouve quoi ?
C’est l’autre aspect amusant : tous les objets. Il y a des verres, notamment les verres Recto Verso, que j’avais présentés à la foire de design Collectible, des carafes, des bijoux origami que j’avais dessinés, des chaises en poil de papier, des livres pliés – et l’on peut choisir un mot, un nom, un poème, en lettres faites de livres de poches pliés, on a déjà des commandes en Belgique et à l’étranger.
On a des rendez-vous tous les jours, des gens qui viennent de Londres, Pascale Mussard d’Hermès qui doit venir tout à l’heure, puis aussi de l’intérêt du magazine Wallpaper*, du New York Times… Et on s’est bien fait remarquer sur Instagram, maintenant il est temps d’en parler à plus grande échelle. C’est d’ailleurs assez sympa de se dire que les p’tits Belges continuent à rayonner en cette période aussi compliquée.
*Le projet participatif Origami for life sera installé dans la cathédrale Saint-Michel-et-Gudule le 21 juillet et gratuitement accessible au public.
Pop-up store Charles Kaisin : 38, quai du commerce à 1000 Bruxelles. Ouvert tout l’été, du lundi au samedi, de 10 à 18h. www.charleskaisin.com
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