En images : le fabuleux appartement bruxellois de Pascale Mussard, sixième génération Hermès
Elle a l’amour des objets, des matières, des couleurs. Pascale Mussard, collectionne en glaneuse amoureuse. Elle s’est installée dans cet ancien atelier d’une peintre du début du XXe siècle, à Bruxelles. Un ouvrage du patrimoine signé Ernest Blerot.
On peut être aimanté par une maison. Pascale Mussard en est la plus élégante preuve. Ce lieu l’a appelée. C’était un jour de février, il y a plus de douze ans, elle était passée par cette rue de Forest qu’elle n’avait jamais empruntée et sa façade s’était imposée à elle.
Elle avait été émerveillée par sa largeur hors normes et ce vert d’eau qu’elle aime particulièrement. Sa mère lui disait : « Il y a des endroits qui t’attirent parce que tu t’y vois vivre. » Elle ne l’a jamais oublié, ni ce conseil maternel qui la guide depuis l’enfance : ne jamais rien regretter, aucun des gestes que l’on pose, même s’ils sont (un peu) fous.
Coup de foudre
Le lendemain donc, Pascale Mussard y retourne, elle a écrit un mot qu’elle compte glisser dans la boîte de cette maison qui l’aimante, où elle s’enquiert d’une vente. Mais soudain, la porte s’ouvre sur la propriétaire, elle a alors le temps d’apercevoir une flambée dans l’âtre, elle est sous le charme. Sans la visiter, elle fait une offre, elle ne la découvrira qu’après les négociations, bien plus tard.
Elle constatera que « c’est un peu grand et un peu haut » pour elle, que « cela n’a rien d’une maison » – « sa structure est constituée de 2 cubes reliés par un escalier ». Mais qu’importe, elle la fera sienne. Cet atelier, car c’en est un, a été conçu au début du siècle passé par Ernest Blérot pour Louise De Hem, peintre, portraitiste et pastelliste.
Une femme installa ici son chevalet, maîtresse de son art, de sa vie, de sa liberté – l’idée lui plaît. Pascale Mussard fait des recherches et apprend que l’architecte a sans doute proposé à l’artiste de dessiner le sgraffite de façade, laquelle est classée.
Théâtre nocturne
D’instinct, Pascale Mussard comprend que dans cet ancien atelier, elle peut vivre seule. Elle se demande comment elle va le meubler. « Je n’ai pas assez de meubles ni d’objets pour l’habiter », pense-t-elle alors plutôt comiquement car voyez comme sa crainte était infondée.
Elle s’excuse presque de cet amoncellement : elle a déménagé ici les collections de ses arrière-grands-parents. Et elle les a mêlées aux siennes, à tous ces objets qu’elle adopte en glaneuse amoureuse. Mais Pascale Mussard ne fait pas que les amasser, elle leur donne la possibilité de vivre.
Elle a toujours cru que les objets et les matières avaient leur propre existence, elle se les imagine prendre vie la nuit, « comme dans un théâtre qui s’allume » – « depuis que je suis petite, j’ai une façon particulière de réfléchir à la vie des objets. »
Les influences Hermès
Est-ce parce qu’elle a grandi dans les ateliers Hermès ? Elle dit qu’elle est née là et ce n’est pas une image. Petite fille de la sixième génération, elle y a passé des heures, à ramasser des bouts de cuir et bricoler comme seuls les enfants peuvent le faire.
Elle s’émerveille des gestes des artisans, qu’elle a vus de près, depuis toujours. Elle chérit le temps long de la création patiente, avec une exigence : « Il faut être amoureux de ce que l’on fait. »
Est-ce aussi parce que la culture protestante coule dans ses veines ? Elle l’assimila par capillarité dans cette famille-maison qui n’aime pas les choses qui se perdent ? Son oncle, Robert Dumas, CEO d’Hermès en 1951, disait qu’un objet de luxe est un objet qui se répare, elle a été à bonne école.
De 1978 à 2018, elle a travaillé dans ce groupe familial qui sait ce qu’il doit à l’artisanat et à la créativité de ses métiers rassemblés sous un même sceau. Elle, la douce, la discrète, eut un jour l’idée géniale d’oser proposer que les matières et les objets laissés de côté se marient effrontément. Et elle fonda Petit h, le labo de recherche créatif d’Hermès.
Heureux mélanges
Tout chez elle rappelle son amour des mélanges. Sans hiérarchie. Dans son nid bruxellois, l’assemblage harmonieux est constitué de même : un torchon brodé par Louise Bourgeois veille sur un lapin en papier mâché, un dessin de l’un de ses petits-enfants fait face à une maquette de l’artiste Susumu Shingu, une chaise du Studio Mumbai à une autre de Muller Van Severen.
L’un de ces trésors lui est particulièrement cher, une boîte en fer blanc, anciennement de savon pour sellerie, remplie de clous de sellier tordus. L’homme qui les a rassemblés se prénomme Juan, l’artisan qu’elle aimait regarder travailler. Il lui avait promis, quand il partirait à la retraite, de lui offrir cet objet de presque rien, « qui contenait sa vie entière, à ras bord ».
Un nouveau lieu d’expo
Aujourd’hui, Pascale Mussard est présidente de la Villa Noailles, à Hyères, ce domaine qui sert de phare à la création mode, photo, accessoire et design portée par la jeune génération. Elle vit à Milan mais cela ne l’empêcha pas de revenir à Bruxelles et de sauver la maison contiguë, au numéro 15 de la rue Darwin, qui fut celle de Louise De Hem.
En indépendante avisée, la peintre avait demandé à l’architecte de lui construire un logis adjacent à son atelier. Comme Pascale Mussard s’est aussi prise d’amour pour cette maison Art nouveau, elle l’a donc fait restaurer. Elle vient d’inaugurer, ce mois-ci, ce nouveau lieu d’expo et de résidence d’artistes qui prône les heureux mélanges. C’est que Pascale Mussard a voué sa vie à mettre le pied à l’étrier de (jeunes) gens singuliers – « cela peut changer une trajectoire de vie. »
Cheminée, balançoire et piano
Prenez cette cheminée, dans le salon, qui attire le regard, tout converge vers elle. Depuis le petit mot sur la console signé Nietzsche « Je considère comme gaspillée toute journée où je n’ai pas dansé », en passant par le baobab qui tutoie le plafond, l’œuvre de Calder ou la balançoire au cuir reconnaissable entre tous, nul besoin de chercher la signature Hermès.
Cette imposante cheminée est l’œuvre de Fabian von Spreckelsen, un jeune designer, qui n’en avait jamais dessiné avant… C’est du Pascale Mussard grandeur nature. Imaginez la scène, elle le rencontre à la galerie Spazio Nobile. Elle s’enthousiasme pour sa manière de travailler le Corten et lui lance ce défi – dessiner une cheminée à sa démesure.
Comment lui résister ? Il semble bien que sa confiance vous pousse à vous dépasser. Ce piano Steinway sur la mezzanine en est le témoin. Pascale Mussard n’y joue plus guère, elle a préféré le confier à la jeune musicienne Nour Ayadi, révélation aux Victoires de la musique classique 2024 qu’elle accueille en résidence. « Quand tu entends jouer Nour, confie-t-elle, tu es humble ! »
Puis elle jette un regard circulaire sur son petit monde qui contient tous les horizons et murmure : « Cette maison n’est ni tendance ni à la mode, mais c’est vraiment moi. Et il faut me prendre comme je suis. »
En bref : Pascale Mussard
Elle naît à Paris le 31 octobre 1954, sixième génération Hermès.
En 1978, après des études à l’European Business School et un début de carrière au bureau de style de Nicole de Vésian, elle intègre la maison Hermès, occupe différents postes créatifs et en 2002, elle devient Directeur Artistique délégué auprès de Jean-Louis Dumas et en 2006, co-Directeur Artistique avec Pierre-Alexis Dumas.
En 2008, le Wall Street Journal la consacre dans sa liste des Ten Women to Watch in Europe.
Elle crée Petit h en 2010, laboratoire créatif qui regroupe les matières inutilisées des maisons du groupe Hermès pour les mettre au service d’artistes et de designers invités. Elle y œuvre durant huit ans.
En 2016, elle devient présidente de l’association de la villa Noailles à Hyères. Et se consacre également à différentes fondations et associations.
En 2024, elle vit à Milan et inaugure à Bruxelles une résidence d’artistes et d’artisans 15 Darwin.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici