Maison des bois: “Ici, c’est un hêtre qui garantit l’intimité”

Espaces de vie fonctionnels, piscine souterraine de 25 mètres, discrète façade en briques et vieux hêtre… Autant d’éléments qui permettent de vivre dans un cadre grandiose sans en avoir l’air.

Les rues serpentent entre des murs de verdure de plusieurs mètres de hauteur. Soudain, une parcelle ouverte brise la monotonie. Un superbe hêtre y déploie généreusement ses branches, occupant l’espace avec majesté et repoussant volontairement la maison légèrement en retrait. Pour les habitants, il ne faisait aucun doute que cet arbre resterait, même si cela impactait la taille de leur demeure. «Ici, c’est lui qui garantit l’intimité, et non d’imposantes haies, précise l’architecte Jao Smet. Le terrain présente par ailleurs un dénivelé de près de deux mètres, parfait pour y blottir la maison. Cela permet au jardin de se prolonger visuellement, et à la construction d’occuper une place discrète.»

Terrasse en contrebas

L’attention apportée à la verdure environnante se reflète également à l’intérieur, où l’architecte a optimisé les vues vers l’extérieur. Parfois sur les cimes ou sur les hortensias lilas, parfois sur l’ensemble du jardin, très étendu. Bien que les espaces de vie soient relativement compacts pour une famille avec trois enfants, cela ne semble jamais être une contrainte tant le regard est constamment attiré par la luxuriance au dehors. Les fenêtres sont pour la plupart grandes et coulissantes, s’ouvrant autant que possible pour effacer la frontière entre intérieur et extérieur. Le tilleul, l’épicéa et le mûrier étaient déjà présents; le jardin vallonné a été complété par un mélange de plantes persistantes et de fleurs apportant volume, couleur et dynamisme. Chaque étage dispose d’une terrasse spacieuse, renforçant encore l’appel de la vie en plein air.

Mais l’espace extérieur le plus impressionnant se situe au niveau -1. «Ce qu’on appelle une «cour anglaise», et qu’on rencontre souvent à Londres, avance Jao Smet. Comme de nombreux bâtiments y sont classés, l’animation des demeures chics se déplace en partie sous terre. Ici aussi, en raison du dénivelé, on se retrouve en fait au sous-sol. La terrasse en contrebas a été rendue parfaitement étanche; j’y ai imaginé une pièce maîtresse avec banc en béton, table, escaliers et bacs à plantes.»

Sobriété maîtrisée

Conformément au caractère discret de la maison, l’architecte a opté pour des matériaux utilisés avec parcimonie. Les murs en brique servent de fil conducteur. Leur rouge profond a été choisi pour s’accorder à la teinte du hêtre. Détail marquant: à certains endroits, le mortier déborde des joints, tandis qu’ailleurs le joint est rentrant. Les rainures profondes créent de belles ombres, le mortier en relief donne de la texture. Outre la brique rouge, on retrouve dans toute la maison des réalisations sur mesure en mélèze, du travertin aux teintes douces et des sols en terrazzo ocre.

Les habitants ont également confié à Jao Smet la conception de l’intérieur, qu’il a voulue sobre et fraîche. Le fauteuil lounge de Maarten Van Severen est devenu le siège préféré de la famille, la suspension d’Ingo Maurer mêle poésie et dessins colorés des enfants, les rideaux rouille tombant jusqu’au sol s’accordent parfaitement aux couleurs du jardin. L’éclairage, signé Davide Groppi, mêle fils LED discrets et lampes sculpturales au sol, et se retrouve aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur.

Nager dans la lumière

Quiconque a déjà visité la Fondazione Prada à Milan connaît l’œuvre de Thomas Demand, Grotto, une reconstitution hyperréaliste, grandeur nature, d’une grotte en calcaire à Majorque. C’est avec cette création en tête que Jao Smet a dessiné la piscine: «Ce que je trouve fascinant, c’est que l’on passe d’un espace ouvert à un lieu sombre via un escalier, pour finalement découvrir ce travail impressionnant. Ce jeu d’émotions m’a servi de fil rouge.»

Le défi n’était pas simple: les habitants souhaitaient une piscine de 25 mètres pour nager quotidiennement, mais l’espace devait rester minimaliste tout en étant chaleureux. De plus, elle devait être connectée à la maison et au jardin. En raison de sa longueur, elle a été entièrement creusée en sous-sol, ce qui a nécessité une grande quantité de béton. Pourtant, l’ambiance n’y est pas froide: la rugosité des murs et du plafond donne de la structure, et le jeu de lignes suggère le mouvement de l’eau. La piscine est entourée de carreaux doux en grès rose «flamingo» qui, une fois mouillés, virent au rouge profond.

Autre détail original: sur la façade avant, Jao Smet a créé un contraste avec des briques rouges ordinaires sciées en deux pour en révéler la texture, formant ainsi un motif élégant. Comme dans le reste de la maison, l’éclairage est chaud et subtil, générant sans cesse de nouvelles ambiances. Une baie vitrée de dix mètres de longueur peut s’ouvrir entièrement, transformant la piscine intérieure en version outdoor, et créant un lieu convivial pour les fêtes en famille ou entre amis.

Le plus grand créateur d’ambiance ici est un mystérieux ovale noir devant la maison, qui laisse passer la lumière naturelle jusqu’à la piscine, donnant à la nage une toute nouvelle dimension. «Je cherchais une forme à la fois aérienne et impressionnante, explique l’architecte. Dans le couvent Sainte-Marie de La Tourette, près de Lyon, conçu par Le Corbusier, trois ouvertures ovales captent la lumière. Dans cet espace bas et sombre, cela crée une atmosphère remarquable. Je voulais quelque chose de similaire, et heureusement les habitants étaient aussi enthousiastes que moi. La lumière du soleil et les reflets sur l’eau créent sans cesse une nouvelle ambiance, et cette ouverture confère à l’endroit une aura presque sacrée.» Ou comment faire ses longueurs sous un nouveau jour.