Visite du loft bruxellois esprit seventies d’Anne-Sophie Prevot, productrice de défilés

L’îlot central de la cuisine fait le lien entre le salon et la salle à manger. Les appliques sont de Verner Panton, la table d’appoint néon de Glass Italia et la lampe de table seventies de Georgia Jacob. © JAN VERLINDE

Avec son entreprise, Back of the House, Anne Sophie Prevot produit de grands défilés, notamment pour Jil Sander, Thom Browne, Y/Project et Issey Miyake. Mais dans son loft bruxellois, la Française garde ses distances avec le monde de la mode parisien.

Une magicienne dans les coulisses de la mode internationale. C’est en ces termes que l’on peut qualifier au mieux Anne Sophie Prevot. En effet, la Française produit des défilés, notamment pour le compte de Jil Sander, Y/Project, Issey Miyake, Thom Browne et Acne Studios, des labels qui se caractérisent davantage par la subtilité et la poésie que par l’ostentation. «Nos clients partagent nos valeurs, et notre discrétion leur parle. D’où le nom de ma société: Back of the House, explique-t-elle. J’aime comparer mon travail à celui des «petites mains» dans la haute couture: les couturières et les brodeuses qui confectionnent des vêtements somptueux avec une bonne dose de savoir-faire, loin des feux de la rampe.»

En collaboration avec le Studio Julie Henrion, Anne-Sophie Prevot a opté pour un coin salon seventies d’Etienne-Henri Martin et une table basse de Paolo Piva.
En collaboration avec le Studio Julie Hérion, Anne-Sophie Prevot a opté pour un coin salon seventies d’Etienne-Henri Martin et une table basse de Paolo Piva. © JAN VERLINDE

Avec son équipe de production, elle fait l’impossible pour les créateurs et transforme leurs fantasmes en shows. «Il y a une part de magie, même si celle-ci ne dure que dix minutes, s’enthousiasme-t-elle. Si Thom Browne rêve d’un décor avec d’énormes planètes en tulle, nous le construisons pour lui. Jil Sander a voulu faire entrer un ballon luminescent de dix mètres de diamètre dans une église néogothique de neuf mètres de largeur, et nous avons concrétisé cela.

Quant à la marque Kenzo, elle rêvait de faire bouger simultanément le public et les mannequins lors de son défilé selon une grande chorégraphie. Alors, nous avons mis au point des plates-formes mobiles commandées par le Wi-Fi, sur lesquelles les spectateurs étaient installés. Trois heures avant le défilé, le système a bugué. Dans des moments comme celui-là, il faut garder son sang-froid, rassurer le client et réfléchir à une solution. A 18 heures, tout fonctionnait à merveille.»

Table de salle à manger vintage et chaises signées Gastone Rinaldi.
Table de salle à manger vintage et chaises signées Gastone Rinaldi. © JAN VERLINDE

Out of office

La productrice habite en Belgique depuis 2006, ce qu’elle n’a jamais regretté une seconde. «J’ai quitté Paris à l’âge de 31 ans, parce que je ne trouvais pas de place en crèche pour ma fille et parce que nous étions un peu à l’étroit dans notre maison. L’heure était venue de nous exiler.» Dans un premier temps, ils avaient pensé à Lyon et Bordeaux, mais ils ne s’y sentaient pas vraiment chez eux.

Ayant souvent fréquenté Bruxelles en tant que photographe de concerts par le passé, Anne Sophie Prevot en avait un excellent souvenir. «Alors, j’ai emmené mon mari ici pour lui montrer la ville, et nous avons décidé spontanément d’y emménager, raconte-t-elle. Je n’ai jamais eu l’impression que quitter Paris était un échec. Je m’y rends deux fois par semaine, car j’ai un bureau là-bas où travaillent une quinzaine de collaborateurs. Vivre à Bruxelles est l’alibi parfait pour échapper à toutes les soirées et événements auxquels je suis invitée à Paris. Je n’aime pas tout le tralala qui entoure la mode. Ceci dit, j’ai une profonde admiration pour les créateurs. Je me demande comment ils arrivent à dessiner six collections par an et à trouver sans cesse de l’inspiration.»

Le lampadaire Modulation vert d’Axel Chay et la chaise lounge bleue de Geoffrey Harcourt pour Artifort: les couleurs attirent l’œil et rehaussent joliment ce loft industriel.
Le lampadaire Modulation vert d’Axel Chay et la chaise lounge bleue de Geoffrey Harcourt pour Artifort: les couleurs attirent l’œil et rehaussent joliment ce loft industriel. © JAN VERLINDE

Même si les appartements bruxellois ont une superficie nettement supérieure et beaucoup plus de verdure qu’un bien du même prix à Paris, il n’a pas été si simple que ça pour le couple de trouver la maison de leurs rêves. «Alors, j’ai également commencé à regarder des bureaux qui étaient à vendre, poursuit-elle. Je suis tombée sur cet étage inoccupé depuis les années 80, dans le quartier Dansaert. Tout était compartimenté, et il y avait des faux plafonds partout. L’horreur!»

Avec l’architecte d’intérieur française Marion Mailaender, qui a réalisé l’hôtel Tuba à Marseille, les nouveaux propriétaires ont décidé de tout enlever, de manière à ce que la structure brute en béton devienne apparente. Il ne restait plus qu’un gigantesque espace désossé baigné de lumière et un grand jardin sur le toit, surplombant le parking voisin. «Je voulais ouvrir au maximum et cloisonner le moins possible. D’où la cuisine centrale ouverte, qui permet d’être en contact avec les coins salon et salle à manger», précise la Bruxelloise d’adoption.

Sur les podiums

A l’aide de salons surélévés, la propriétaire a créé de l’intimité dans cet espace gigantesque. Elle les a fait construire par les mêmes menuisiers qui travaillent pour ses productions de mode.
A l’aide de salons surélévés, la propriétaire a créé de l’intimité dans cet espace gigantesque. Elle les a fait construire par les mêmes menuisiers qui travaillent pour ses productions de mode. © JAN VERLINDE

Les trois espaces salon surélevés – en fait des podiums quart-de-rond – sont les éléments les plus notables de ce loft. Bien qu’il ne soient pas équipés de portes, on s’y installe comme dans un cocon. «Dès qu’on s’y pose, on s’y sent à l’abri, observe Anne Sophie Prevot. Et même lorsque chacun lit ou se détend sur son propre podium, nous sommes quand même en contact les uns avec les autres.»

Le lit est, lui aussi, un peu en hauteur, habillé d’une tapisserie, tout comme les armoires de dressing. «Beaucoup de gens trouvent les moquettes peu hygiéniques, déplore l’habitante. Mais moi, je suis fan. Cela me rappelle les années 70, époque à laquelle le design pouvait encore rimer avec confort, convivialité et liberté. C’est quelque chose qui me manque quand même dans beaucoup de créations contemporaines.»

Même dans sa chambre à coucher, l’habitante a fait installer des podiums, habillés de moquette. Une broderie Suzani est posée sur le lit, et dans le coin trône une chaise Vilbert rare de Verner Panton pour Ikea.
Même dans sa chambre à coucher, l’habitante a fait installer des podiums, habillés de moquette. Une broderie Suzani est posée sur le lit, et dans le coin trône une chaise Vilbert rare de Verner Panton pour Ikea. © JAN VERLINDE

A l’instar d’une suite d’hôtel, la master bedroom de la productrice dispose d’une salle de bains adjacente dotée d’une baignoire en Mortex et d’étagères mouchetées en plastique recyclé. «Dans le monde de la mode, on jette encore énormément, reconnaît-elle. Il y a dix ans, après un défilé, toutes les pièces de décor se retrouvaient d’office au rebut. Heureusement, petit à petit, cette pratique est en baisse. Il y a encore du chemin à parcourir, mais on privilégie de plus en plus le recyclage. En tout cas, je milite en faveur de ça.»

La salle de bains adjacente à la master bedroom est dotée d’une baignoire en Mortex réalisée sur mesure, qui sert aussi de douche.
La salle de bains adjacente à la master bedroom est dotée d’une baignoire en Mortex réalisée sur mesure, qui sert aussi de douche. © JAN VERLINDE

Malheureusement, on ne peut pas aborder une rénovation d’appartement de la même manière que la construction d’un décor de défilé. Bien que cela demande le même type d’artisans et du travail sur mesure, la vitesse d’exécution et l’efficacité sont incomparables. «Les travaux de rénovation de notre appartement ont été réalisés avec huit mois de retard. Pour mes clients, je ne peux absolument pas me permettre de rater une deadline. On ne peut pas décider de reporter un défilé de plusieurs mois, ajoute-t-elle en soupirant. Je suis habituée à ce que les travaux s’enchaînent. Et cela me frustre que certaines choses dans la vraie vie prennent parfois autant de temps. C’est sans doute une déformation professionnelle!»

Anne Sophie Prevot à son bureau, autour duquel se trouvent une chaise Bertoia, un tabouret rose Septem d’Axel Chay et un miroir K2000 de Marion Mailaender, la célèbre architecte française qui a participé à cette rénovation.
Anne Sophie Prevot à son bureau, autour duquel se trouvent une chaise Bertoia, un tabouret rose Septem d’Axel Chay et un miroir K2000 de Marion Mailaender, la célèbre architecte française qui a participé à cette rénovation. © JAN VERLINDE

En bref Anne Sophie Prevot

– Elle a étudié la photographie et le journalisme à Paris.

– Elle a été photographe de concerts et a vingt-cinq ans d’expérience en tant que productrice dans le secteur de l’événementiel et de la télévision.

– En 2006, elle s’est installée en Belgique.

– En 2016, elle a fondé sa propre agence de production, Back of the House, spécialisée dans les événements de mode et les défilés.

backofthehouse.com

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