Visite d’une grange rénovée en maison japonaise, en pleine campagne près d’Anvers
Après avoir vécu trois ans au Japon et deux en Suède, un couple de médecins a fait construire sa maison rêvée dans la campagne anversoise. Une nouvelle construction japonaise «minka», forte d’une riche histoire.
«Il y a quelques années, lors d’une balade près de Kontich, j’ai remarqué une ferme isolée. Elle était inhabitée et, de toute évidence, délabrée. J’ai immédiatement senti qu’on pouvait en faire quelque chose de beau, raconte le médecin anversois. Peu de temps après, ma famille et moi sommes partis à l’étranger ; nous avons vécu trois ans au Japon et deux en Suède. A notre retour, j’étais curieux de savoir si la ferme avait été vendue, morcelée ou démolie. Il n’en était rien ; elle était toujours là. J’ai tenté ma chance et, par le biais de plusieurs personnes, j’ai pu entrer en contact avec le propriétaire, qui voulait justement vendre ce bien.»
J’ai immédiatement senti qu’on pouvait en faire quelque chose de beau
Le domaine se composait non seulement d’une ferme avec un four à pain authentique, mais aussi d’une prairie dans le prolongement du bois privé de 20 hectares et d’un terrain de polo, aménagé par l’ancien propriétaire. Bref, un petit paradis rural, niché quelque part entre Anvers et Malines. «Lorsque nous sommes tombés d’accord sur le prix, je me suis dit que je pouvais entamer les travaux de rénovation de la ferme, mais la commune nous a donné la possibilité de construire une nouvelle unité d’habitation à côté. C’était une tout autre perspective, car soudain je pouvais ériger l’habitat de mes rêves au lieu de restaurer la grange», explique le propriétaire.
Cette dernière a été transformée en une magnifique maison d’hôtes rurale. Pour la nouvelle construction, toutes les possibilités étaient ouvertes. Mais le maître d’ouvrage trouvait qu’un volume sobre conviendrait moins bien à cet environnement. Comme il avait vécu quelque temps au Japon avec sa famille, il a contacté Tatsuro Miki, un architecte nippon qui suit de nombreux projets depuis la Belgique pour le commerçant d’œuvres d’art Axel Vervoordt. «J’ai eu l’occasion de visiter la villa impériale de Katsura du XVIIe siècle à Kyoto. Ce jour-là, je me suis dit que si je pouvais faire construire une maison un jour, je voudrais qu’elle soit dans ce style. Cette demeure était d’une incroyable intemporalité. Tatsuro Miki était la bonne personne pour réaliser les plans qui conviennent à notre mode de vie: un mix d’éléments japonais et scandinaves.»
L’art du kintsugi
Refusant tout composant chimique dans son logis, le propriétaire a opté pour un maximum de matériaux écologiques. Ce n’est toutefois pas Tatsuro Miki qui a suivi les travaux, mais un architecte local. Et les choses ne se sont pas passées de manière optimale. «Les poutres utilisées pour l’ossature en bois n’étaient pas suffisamment sèches. Après quatre ans, elles ont commencé à se fissurer. Il en a été de même pour les murs en argile et les châssis», raconte l’habitant qui, cherchant une solution structurelle, est tombé sur Joris Van Apers. Cet ingénieur et son équipe se consacrent à la conception d’intérieurs «qui ont vécu». Ils partent des vieilles planches, poutres, cheminées ou de carrelages anciens trouvés sur place, et apportent une dose de chaleur, de texture et de personnalité aux habitations.
Ici, il s’agissait avant tout d’insérer des chevilles dans les poutres fendues pour renforcer la structure. «Une approche poétique digne de la méthode japonaise «kintsugi», la réparation de céramique brisée à l’aide de laque dorée, fait observer le maître d’ouvrage. Ensuite, les poutres ont été poncées, brossées et enduites de cire d’abeille. Alors que beaucoup de maisons s’enlaidissent au fil du temps, celle-ci s’est embellie, je trouve. Les matériaux sont aptes à porter dignement des stigmates du temps.»
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Un rituel ancestral
Joris Van Apers s’est non seulement attaqué à l’ossature bois, mais aussi à la circulation, au hall d’entrée et même aux finitions. Il a ainsi installé un nouveau plancher ou encore le banc en plâtre minéral, une partie de la cuisine et la double porte coulissante japonaise. «Il était important pour le propriétaire que ces panneaux s’ouvrent et se ferment lentement. Cela fait partie du rituel d’entrée dans la maison. Après avoir suivi un chemin en pierre, on se déchausse et on pénètre dans un tout autre monde, ajoute Joris Van Apers. Grâce au maître d’ouvrage, je me suis plongé dans l’architecture traditionnelle japonaise minka. Sans l’imiter aveuglément, bien entendu. Ceci est un mélange d’éléments ascétiques orientaux et de confort occidental.» Un bel exemple est le paravent situé dans le hall: il se compose d’un petit panneau japonais que le concepteur a récupéré d’une vieille armoire appartenant au maître d’ouvrage. «Il fait office de barrière visuelle qui dissimule les pièces privées, par exemple la salle de bains», précise le maître des lieux.
Si l’architecture est clairement d’inspiration japonaise, l’aménagement a, lui, des airs scandinaves. On ne peut toutefois pas le qualifier de minimaliste, car le décorum y a sa place, et les murs en argile sont même parés d’objets d’art contemporain − «Pour moi, le mur de la cuisine peut devenir un wonderwall: une collection de petites œuvres qui s’étoffe au fil du temps.»
La maison a donc grandi et changé au fur et à mesure. Comme beaucoup de corps de métier sont intervenus sur le bâtiment, qui a été reconstruit deux fois en cinq ans, l’ensemble aurait pu devenir hideux. Mais Joris Van Apers est parvenu à insuffler au projet une grande cohérence, pour que ce pavillon japonais puisse entamer sereinement un nouveau chapitre.
En bref Joris Van Apers
il est titulaire d’un diplôme d’ingénieur industriel et a repris en 2008 l’entreprise de son père, spécialisée dans les matériaux de construction de récup’.
Il s’est spécialisé dans la conception et la production d’intérieurs, en mettant l’accent sur des matériaux qui ont vécu.
Il travaille également avec des créateurs renommés tels qu’Axel Vervoordt et Tatsuro Miki.
En bref Tatsuro Miki
Il a grandi à Kyoto, où il a étudié l’architecture.
Son père, Ryoichi Kinoshita, était architecte et spécialiste de la restauration de maisons japonaises traditionnelles.
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