Aurélie Wehrlin Journaliste

Le plus inventif des créateurs de chaussures a ouvert à Weekend les portes de son appartement parisien. Tout, ici, rivalise de charme et est source d’inspiration… Dans un décor très théâtral, Christian Louboutin a réuni ses innombrables souvenirs de voyage ainsi que quelques belles pièces de mobilier du début du XIXe siècle.

« Je ne peux pas m’empêcher d’acheter des trucs , avoue Christian Louboutin. Il m’est difficile d’aller dans un endroit et de ne pas en rapporter quelque chose… même si l’objet est encombrant ou compliqué à véhiculer.  » Niché dans le IXe arrondissement de Paris, son appartement est rempli de nombreuses trouvailles. Il y a un vase du Pérou,  » le seul qui a survécu au voyage… les deux autres ont cassé « . Il y a une lampe ramenée de Beyrouth, une affiche soviétique des années 1950 dégotée à Moscou, un portrait d’Indienne acquis à Jodhpur, une ceinture de cavalier hongrois repérée à Vienne, un tapis choisi en Mauritanie et des fauteuils sénégalais ornés de perles dénichés à New York. Il y a encore un petit éléphant en fil de fer que le créateur s’est offert en Zambie, après qu’il s’est offert  » une dure journée de rafting aux Chutes Victoria « .

Le premier souvenir de Christian Louboutin lié aux chaussures est une pancarte interdisant le port de talons aiguilles dans un musée parisien. Il se remémore ensuite Tina Turner arborant en concert des escarpins vertigineux, Janis Joplin jetant d’un coup de pied ses mules au public et aussi sa propre s£ur tombant dans l’escalier alors qu’elle chaussait un modèle à semelles compensées. Son rêve, après des études de modélisme et de dessin ? Travailler dans le music-hall û  » Il n’y a pas une femme qui porte mieux un soulier qu’une artiste sur scène « , explique-t-il û mais il finit par se spécialiser chez Charles Jourdan puis chez Roger Vivier. Il ouvre sa première boutique, en 1991, à Paris. Aujourd’hui, il existe sept enseignes à son nom à travers le monde (deux dans la capitale française, deux à New York, une à Londres, une à Moscou et une à Los Angeles).

Au fil des années, Christian Louboutin multiplie les collaborations avec les grands couturiers comme Yves Saint Laurent, Jean Paul Gaultier ou Alexander McQueen pour Givenchy. Nombreuses sont ses créations associant volupté et fantaisie. Ce surdoué privilégie les thèmes figuratifs et les formes novatrices. Pour l’actrice et chanteuse Arielle Dombasle, il imagine une paire de chaussures à semelles compensées transparentes, dans lesquelles il enferme une lettre d’amour de son mari Bernard-Henri Lévy, ainsi qu’une mèche de ses cheveux et une plume. Son dada ? Les talons. Il en réalise même à partir de canettes de bière récupérées dans une poubelle devant un supermarché chinois. Il se singularise aussi par l’emploi de matériaux étonnant tels que l’anguille, la pintade ou le maquereau. Mais, avec le temps, ses modèles deviennent plus minimalistes.  » Je me rends compte que j’ai beaucoup dénudé mes souliers , sourit-il. Mes escarpins sont aujourd’hui beaucoup plus fins, le travail des lignes beaucoup plus net.  »

Comme au théâtre

L’inspiration pour certains de ses dessins lui vient directement de son appartement. Le point de départ pour des chaussures à semelles compensées en parchemin ? Le petit cabinet… en parchemin d’André Arbus installé dans le salon. Il a aussi conçu des talons dans la même forme que les boules sculptées disposées sur la cheminée et a tressé du cuir pour lui donner le même effet que les portes du buffet des années 1930 trônant dans la salle à manger.

Parmi les choses qu’il refuse dans un appartement, Christian Louboutin cite les couloirs et la lumière zénithale.  » Je déteste me sentir comme une orchidée « , lâche-t-il. Il adore, en revanche, les décors théâtraux.  » J’aime bien que l’on voie tout d’une certaine manière. Qu’on puisse croire qu’on est au théâtre et que ça fasse un peu Feydeau.  » Passion quand tu nous tiens… Dans la salle à manger, l’armoire argentée était à l’origine un accessoire pour une représentation du  » Marchand de Venise  » de Shakespeare :  » Shylock s’y cachait pendant la pièce.  »

La période préférée du maître de maison en termes d’arts décoratifs est sans aucun doute le début du XIXe siècle.  » A l’époque, il y avait déjà ce goût des meubles et des objets d’autres civilisations, note Christian Louboutin. Cette espèce de faux goût chinois, ce goût égyptien. J’adore ça.  » L’un de ses plus grands trésors est un fauteuil acheté dans une vente à l’Hôtel Drouot. Par la suite, il a découvert que ce siège faisait partie d’une série de quatre offerts par Napoléon à ses quatre généraux après la campagne en Egypte. Il est fait de la selle de méhari du général Murat, ainsi que deux de ses fourreaux d’épée.

L’Egypte est l’un des pays les plus chers à Christian Louboutin. Il y a séjourné pour la première fois à l’âge de 15 ans pour se remettre d’une jaunisse contractée en Inde. Aujourd’hui, il est l’heureux propriétaire d’une maison sur la rive gauche de Louxor, ainsi qu’un bateau traditionnel avec lequel il navigue sur le Nil. Il séjourne également dans son château du XIIIe siècle dans l’ouest de la France, où il a fait planter un labyrinthe à la façon de celui figurant dans  » Shining « , le film de Kubrick . Mais, quand il veut être vraiment à l’aise, c’est dans son appartement parisien qu’il s’enferme.  » De temps en temps, je l’utilise vraiment comme un studio, souligne-t-il. C’est un endroit de concentration. Contrairement à beaucoup de gens, je suis beaucoup plus productif avec beaucoup d’animation autour de moi.  »

Ian Phillips – Photos : Xavier Béjot

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