& Other Stories et KRJST Studio, un concept store revampé

Justine de Moriamé et Erika Schillebeeckx de KRJST Studio © RobinJorisDullers
Anne-Françoise Moyson

& Other Stories revampe sa boutique bruxelloise, avec inauguration officielle ce 2 mars. Le lifting est élégant. Aux cimaises, deux œuvres de KRJST studio, par Erika Schillebeeckx (KR) et Justine de Moriamé (JST), duo de créatrices belges formées à La Cambre mode(s). Une carte blanche sous forme de tapisserie qui vaut le détour.

Comment s’est passé la rencontre ?

KRJST Studio: Depuis quelques années, & Other Stories invite des artistes du cru à investir leur boutiques, avec une installation temporaire et une autre permanente qui fera partie de l’identité de la boutique. Cela a déjà été fait en Corée et en Suède, notamment. Ils ont vu notre travail, nous ont dit qu’ils désiraient rénover la boutique de Bruxelles, c’était il y a 4 ou 5 mois, c’était un peu last minute pour nous, parce que en réalité, cela prend du temps de créer une tapisserie commissionnée quand on part de zéro. On avait déjà deux pièces tissées mais pas encore brodées. Comme leur nouvelle collection est orientée dans les tons bleus, la mer, des prints un peu années septante, ils ont choisi une tapisserie du même esprit. Elle s’appelle Umi no hana, c’est un terme japonais aux mille significations… Il évoque une sorte de force naturelle et de mouvement, compare l’écume à des fleurs marines, raconte une histoire un peu poétique sur la mer, ses courants marins et les vents… On aime qu’il y ait dans nos titres un aspect poétique, une certaine sonorité et une chouette typographie. Et on les aime quand ils ont plusieurs niveaux de lecture.  

Work in progress par KRJST Studio

Quel est votre processus créatif ?

Il y a d’abord la création du dessin, l’équivalent du carton à l’ancienne d’un tissage. On le fait à 4 mains, en mélangeant différentes techniques, le dessin 3D à l’ordinateur, la peinture, les pastels et les crayons, ce sont les mediums qu’on utilise le plus. Ce sont des assez grands formats, proches de la tapisserie finale. On traduit ensuite ce dessin, pour pouvoir tisser : on traduit chaque pixel en croisement de fil et puis cela se passe sur une machine jacquard, au Textiellab à Tilburg, avec lequel on travaille depuis une dizaine d’années maintenant. Cette deuxième étape de tissage, c’est ultra mental, précis, c’est du code. On crée la palette de couleurs, on choisit les fils, on crée toutes les armures, on fait beaucoup d’échantillonnages pour arriver au résultat qu’on désire. Et puis cette étape finie, le tissage revient à l’Atelier, à Zaventem, où on travaille alors les broderies. Parfois cela nous prend un ou deux mois de broderies sur une pièce. On brode à deux, de manière libre et spontanée en suivant le dessin qui est tissé et en créant des volumes, des nuances, on détisse aussi, on recoupe… C’est ce travail textile sur la pièce qui la rend unique.

L’art du geste, par KRJST Studio

Vous êtes donc revenues au travail manuel, au geste de la main, pourquoi ?

Il nous a fallu un an et demi avant d’entamer ce travail de broderie, le temps de maîtriser les tables de tissage… On a vraiment ressenti le besoin de reprendre le travail à la main et d’avoir ce corps à corps avec la pièce, parce que sinon cela restait un travail trop mental. Et cela permet aussi de créer des pièces uniques, qui vont plus loin dans le processus. On croise énormément de techniques textiles, c’est plus enrichissant. On a commencé à broder avant le covid, désormais il n’y a quasi plus aucune pièce qui sort du studio qui n’est pas brodée, soit sur des zones, soit complètement, à tel point qu’on ne voit plus le tissage.

Vous exposez aussi vos œuvres dans des galeries d’art. Est-ce totalement différent ?  

Depuis le début, depuis 2015, on travaille autant de manière libre avec nos travaux exposés en galerie que à la demande, pour des pièces commissionnées. Parce qu’on adore travailler avec une équipe, échanger, on n’a pas du tout ce besoin de s’enfermer dans notre atelier et de faire notre truc. C’est vraiment cet équilibre entre les deux qui nous enrichit. On apprend tellement de choses à chaque fois qu’on fait un projet, en parlant avec les architectes, les équipes, en se confrontant aux contraintes… C’est aussi comme ça qu’on a commencé à faire des tissages blancs qu’on n’aurait jamais faits autrement. Travailler sur commission, cela nous donne souvent l’occasion de faire des très grands formats, pour des hôtels, des restaurants, des boutiques, des espaces plus rares chez des particuliers et des collectionneurs.

KRST Studio pour & Other Stories Brussels.

Vous travaillez en duo. Jamais l’une sans l’autre ?

Oui, depuis le début, on travaille à 4 mains. Tout se passe là, c’est vraiment l’échange, le dialogue de nos deux univers qui bizarrement se précise individuellement tout en se précisant en duo. On grandit, on vieillit, on apprend, on s’améliore… Il y a cette espèce de double vitesse de créativité dans nos techniques et univers respectifs. C’est vraiment comme un couple, on va de plus en plus loin dans l’échange, et c’est primordial, KRJST, c’est ça : être à l’écoute, dans l’échange et l’observation de ce que fait l’autre.

A voir chez & Other Stories, avenue de la Toison d’or, à Bruxelles. www.stories.com

KRJST Studio expose à Collectible, du 9 au 12 mars 2023. www.collectible.design

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