Solide, Flexible, Waterproof, l’atout bambou

Réalisation en bambou. © DR
Mathieu Nguyen

 » Herbe d’acier « , aux vertus célébrées depuis des millénaires, ce matériau connaît une nouvelle jeunesse. De plus en plus répandu mais finalement méconnu, il nous revient à travers une foule d’usages variés. C’est l’occasion de faire le point sur le plat préféré des pandas géants, qui se révèle à la fois écologique et ultraperformant.

La base : c’est quoi ?

Le mot vient du malais  » mambu « , qui aurait progressivement évolué en  » bamboes  » sous l’impulsion des colons hollandais à la fin du xvie siècle, avant de connaître sa propre version néolatine,  » bambusa « . L’histoire étant ce qu’elle est, certaines sources prétendent que le terme original était déjà  » bambu « , une onomatopée qui fait référence au son que fait ce végétal quand il  » craque « , exposé aux flammes : mis sous pression, l’air contenu dans ses alvéoles s’évacue en une bruyante explosion. Ce qui ne veut pas dire que ses tiges sont impropres à la combustion, à condition de préalablement le fendre à l’aide d’une masse ; ou d’avoir recours au charbon de bambou, par ailleurs désodorisant et purificateur naturel.

Il ne s’agit pas d’un arbre, mais d’une plante monocotylédone de la famille des graminées, comme le blé ou la canne à sucre, apparue durant le crétacé, il y a 100 millions d’années. Elle ne craint pas les conditions extrêmes, pousse dans les Andes ou l’Himalaya, à des altitudes dépassant les 3 000 mètres, à des températures jusqu’à – 20 °C et, pour l’anecdote, c’est la seule espèce végétale qui ait survécu à l’explosion atomique d’Hiroshima. On la retrouve à l’état naturel sur tous les continents, à l’exception de l’Europe et de l’Antarctique,  » exactement comme le diamant « , aiment préciser les pros du secteur. Mais bien qu’on l’imagine s’épanouir sous la chaleur et l’humidité des tropiques, sa culture ne pose aucun problème sous nos latitudes, ne demande peu ou pas d’engrais, ni de produits phytosanitaires, et ne nécessite qu’un minimum d’infrastructures. C’est pourquoi nombre de bambouseraies ont fleuri dans nos contrées, certaines datant de la fin du xixe, comme celle d’Anduze, dans la vallée du Gard.

Réalisation de Vo Trong Nghia, architecte fervent militant d'une utilisation toujours plus étendue du bambou, qu'il surnomme
Réalisation de Vo Trong Nghia, architecte fervent militant d’une utilisation toujours plus étendue du bambou, qu’il surnomme  » l’acier vert du xxie siècle « . © vtn architects / brett boardman

Performances : dans tous les bons coups

Solide, flexible, waterproof et bardé d’effets positifs sur le plan écologique, le bambou pousse tellement vite qu’il laisse tous ses concurrents sur le carreau. Une légende prétend que certaines variétés gagnent jusqu’à un mètre par jour, et c’est absolument exact : le Phyllostachys edulis détient même le record avec 120 centimètres pris en une seule journée. Bien que sa floraison demeure pleine de mystères, que la science moderne n’a pas encore réussi à percer, il est une chose que l’on a vite comprise : la rentabilité de ce matériau est hors pair. Il devient exploitable au bout d’un an pour la fabrication de papier et de trois pour la construction, contre quinze à trente pour le pin et soixante pour le chêne.

Si la production peut se révéler profitable à l’environnement, le végétal lui-même ne manque pas d’arguments pour faire de lui un champion toutes catégories confondues. Il peut ainsi fixer 30 % de plus de CO2 que les arbres feuillus, soit jusqu’à 12 tonnes par hectare et par an, et libère donc 30 % d’oxygène supplémentaire. De plus, l’étroitesse de ses feuilles améliore l’infiltration de l’eau dans le sol, jusqu’à deux fois plus qu’une forêt de feuillus, et il restaure les sols appauvris, limite leur érosion grâce à la densité de ses racines et en élimine les toxines. Revers de la médaille, l’espèce est si invasive que la prolifération de ses rhizomes peut représenter un réel danger pour les écosystèmes les plus vulnérables.

Réalisation en bambou.
Réalisation en bambou.© DR

Usages : pour tout, partout

Brute, contreplaquée, tissée ou lamellée-collée,  » l’herbe d’acier  » est utilisée dans les maisons sous forme de lambris et de parquets, de mobilier et d’accessoires, mais aussi de vêtements, vaisselle, brosses à dent, montres, vélos, instruments de musique, de dessin ou de peinture… Avec ses cinq mille usages communément admis, on en oublierait presque d’en garnir nos assiettes, puisque les pousses sont comestibles, et même considérées comme un  » trésor alimentaire  » par l’empire du Milieu, riche en vitamines, minéraux, protéines et carotène mais pauvre en graisses et calories.

En construction, les qualités des cannes -résistance et légèreté – font des merveilles, et un nombre grandissant d’architectes y ont recours (lire par ailleurs), pour l’instant principalement en Asie, même si le phénomène tend à se propager aux quatre coins de la planète. Notons d’ailleurs qu’il supporte particulièrement bien les secousses sismiques. On s’en sert pour armer le béton et monter des échafaudages vertigineux, dépassant parfois les 400 m – ce fut le cas pour cinq des dix plus hauts gratte-ciel du monde. Pour parfaire ce tableau idyllique, il faut encore rappeler que le bambou est accessible à bas coût, et que même venu de loin, il affiche un bilan énergétique plutôt satisfaisant. Déjà en 2006, des chercheurs des universités de Delft et Eindhoven ont établi qu’il était une alternative tout à fait valable aux matériaux plus communs tels que le béton, le bois et l’acier. Son empreinte environnementale leur estnettement inférieure tandis que son coût reste compétitif.

Réalisation en bambou.
Réalisation en bambou.© DR

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