Son nom est Bodum. Joergen Bodum.

Il a vendu plus de 60 millions de cafetières à piston et séduit tous les amateurs de design avec ses collections d’ustensiles culinaires chics à prix abordables. Rencontre.

Regard bleu acier, Danois au teint hâlé souligné par un costume sobre et sombre, besace en cuir et portable prêt à dégainer: Monsieur Bodum existe bel et bien. Joergen a vendu plus de 60 millions d’exemplaires de la cafetière à piston. Il dirige une multinationale au chiffre d’affaires en régulière progression, animée par un imposant vivier de 600 employés. Quelque 70 boutiques ont essaimé dans 19 pays, en Europe, Amérique du Nord, Asie et Australie. Son père, le visionnaire Peter, a amorcé son affaire en 1944 en commercialisant une modeste gamme d’articles ménagers.

Learning by doing

A 60 ans tout rond, Joergen se livre peu sur son passé, ses débuts dans le métier. Avant de reprendre les rênes de l’entreprise familiale, ce jeune diplômé de la Copenhagen Business School a déjà fondé sa propre boîte d’accessoires de table avec l’un de ses amis de promo, Tobo. Sa mère l’invite ensuite à diriger Bodum, après la mort de Peter. A 26 ans, c’est le grand bain. Avec un sourire timide, l’intéressé résume cette période de rodage en une laconique expression: « Learning by doing« , « Apprendre dans la pratique ». Jeune, il n’en a pas moins du flair en se choisissant un partenaire et designer de talent, Carsten Joergensen, alors professeur aux Beaux-Arts de Copenhague. Le duo opte pour un design accessible et des matériaux solides. Secondés par des ingénieurs, graphistes, architectes… Ils conçoivent pendant 30 ans des collections d’ustensibles culinaires et vaisselles de table aux rondeurs sympathiques et de qualité, signatures de la marque.

De la tasse en verre double paroi à la fameuse cafetière à piston Bistro lancée en 1974, c’est en parlant de ses produits que Joergen s’anime soudain, enthousiaste. Pointant du doigt une Bistro à 24 euros, il souligne son attachement au prix abordable. Quant « l’autre » nom danois du design, Bang & Olufsen (spécialisé dans l’audio-TV) lui est évoqué, il lâche: « Leurs produits sont trop chers pour une entreprise qui se contente aujourd’hui de soigner le packaging. »

Mais d’où tire-t-il ses idées? « Je ne connais pas vraiment les designers », affirme-t-il sans rougir. Il préfère s’intéresser aux architectes comme le Français Jean Nouvel, le Britannique Norman Foster, ou aux derniers produits signés Apple, Sony, Porsche. Avec un emploi du temps aux accents spartiates -lever vers 4-5h du matin, jogging d’une heure aux abords du lac de Lucerne- il ne compte en tout cas pas prendre sa retraite.

Gène de créativité

Ses quatre enfants ne sont pas prêts de succéder à leur père: « Ils doivent d’abord trouver leur voie. » Mais quand il évoque leurs professions, difficile de ne pas croire à un gène de créativité chez les Bodum: Catrine, 25 ans, étudie la peinture à l’école Central SaintMartins de Londres, pépinière de grands de la création, où ont poussé Terence Conran ou Stella McCartney; Carolyn, 20 ans, souhaite devenir styliste, comme Charlotte, 23 ans. Seul son fils Peter, 21 ans, passe par une école de commerce.

Et le futur de Bodum? « Tout ce qui m’importe, c’est continuer à fabriquer de meilleurs produits, de la manière la plus « saine » possible. » Sous entendue écolo, avec pour fer de lance la bonne vieille cafetière à piston qui ne nécessite ni capsule, ni électricité. Ce qui ne l’empêche pas de conserver l’esprit chic de la maison, en rêvant par exemple d’un magasin à côté de Colette, rue Faubourg Saint-Honoré. Car futur réaménagement des Halles oblige, son unique boutique parisienne doit déménager. En 2006, le point de vente situé dans le prestigieux Carrousel du Louvre avait déjà du fermer. « J’ai fait des tonnes d’erreurs. Et j’en fais encore tous les jours », relativise cet ambitieux optimiste.

Plus d’infos sur www.bodum.com.

Anne-Laure Pham, Lexpress.fr Styles

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