Le fauteuil Togo a 50 ans: on l’aime ou on le déteste?

Togo jaune
Un Togo couleur soleil dans l'habitation de Peter Van Impe : un joli contraste avec la brique. © Tim Van de Velde

En cinquante ans d’existence, le canapé Togo n’a laissé personne de marbre. Au point qu’on le retrouve dans de très nombreux intérieurs. Jusqu’à l’overdose? Plusieurs fans témoignent.

Arthur Donck (42 ans), architecte, possède un Togo vintage recouvert qu’il idolâtre.

«A l’époque, j’ai flashé sur ce canapé dans la vitrine de Rocco Pantalon à Bruxelles. Je n’ai pas hésité un instant, fait rarissime chez moi. Habituellement, tout projet d’aménagement ou la moindre acquisition est le fruit d’un long processus. Pourquoi cet achat compulsif? Parce que c’est un modèle iconique, sûrement, mais aussi parce que ce canapé a quelque chose de très réconfortant ; il est aussi agréable qu’un coussin et aussi pratique qu’un fauteuil. Je ne connais aucun modèle qui invite autant à s’asseoir. Et à peine installé dedans, on se sent comme dans un cocon.»

Dans cet appartement anversois, Tom et Anne ont ainsi misé sur la lumière et sur l’aspect ludique, avec le sol en terrazzo rose et un Togo bien réconfortant. Copyright : Mr. Frank

«Je trouve son design extraordinaire, car il permet vraiment de se détendre après une journée de travail. En fin de soirée, après s’y être lové un bon moment, on peine parfois à se relever élégamment, mais dans mon cas, la cause est la fatigue et non son manque de confort. (rires) C’est en tous cas un objet qui a de la personnalité, raison pour laquelle il est moins accessible peut-être, surtout pour les personnes qui apprécient les intérieurs plus stricts. Toutefois, je pense qu’il se marie facilement avec d’autres éléments.»

‘Il a quelque chose de très réconfortant.’

«Chez moi, il est entouré de pièces d’art moderne, d’un fauteuil Ottoman des Eames, d’une table de Prouvé, d’une bibliothèque Ikea et d’une petite table de Van Der Meeren. Et cela fonctionne. C’est un divan qui a en quelque sorte une aura très internationale, mais en même temps très française. Probablement parce qu’il présente des similitudes avec les fauteuils Pumpkin que Pierre Paulin a créés pour Georges Pompidou. Il existe aussi une interprétation contemporaine, le Ploum, une conception des frères Bouroullec pour Ligne Roset. Mais je ne voudrais pas les avoir chez moi. Je ne me lasse pas des Togo, et ça ne me déplairait pas d’en avoir un exemplaire contemporain un jour.»

Pieter Peulen (30 ans), créateur d’intérieur, directeur artistique et designfluencer, reçoit souvent des réactions véhémentes à ses vidéos de réagencement du Togo.

«Je ne me suis pas du tout laissé influencer par la hype. Cela faisait très longtemps que le Togo se trouvait sur ma wish-list. Lorsque j’étais étudiant, on le qualifiait de révolutionnaire vu qu’il se compose uniquement de mousse et de tissu, alors que la plupart des canapés sont fabriqués autour d’un cadre rigide en acier, en bois ou en plastique. Il est vrai que le Togo a fait grand bruit dans les années 70. C’est cette valeur culturelle et cette innovation que j’apprécie, outre le fait que le modèle est un exemple de simplicité. »

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«Les Togo se retrouvent régulièrement dans mes vidéos Instagram et TikTok, parce que j’aime faire des expériences chez moi, en les disposant de mille et une manières. Alors, je réalise des films dans lesquels je vide la pièce puis la réagence. Pour accentuer leur légèreté, je les porte au-dessus de ma tête. Il n’existe pas de meilleur canapé pour mettre une pièce en scène. Je reçois de chouettes réactions, mais aussi de la réprobation. On me dit qu’ils sont moches, qu’ils ne sont pas confortables, qu’ils coûtent 20 000 euros. C’est n’importe quoi. »

‘Mes grands-parents refusent de s’y asseoir.’

Cette maison ouvrière rénovée avec caractère bénéficie de Togo de Ligne Roset vert d’eau. © Mr. Frank

«Mais je ne me laisse pas impressionner. Ça ne sert pas à grand-chose d’essayer de faire entendre raison à des «haters». Je suis convaincu de mon choix, et je me contrefiche de ce que les autres en pensent. Mes grands-parents, par contre, refusent de s’y asseoir. Je les comprends tout à fait: à partir d’un certain âge, il est difficile de s’en extraire. Quand je serai vieux, j’y passerai juste plus de temps. Jusqu’à ce qu’on m’aide à me relever. (rires

Natalie Allaert (35 ans), architecte, trouve le Togo simple et irremplaçable.

«Ce n’est pas que je sois incapable d’apprécier d’autres canapés ou créations, mais je remarque que, même si je cherche un modèle différent pour un projet, je finis toujours par opter pour un Togo. Surtout pour des maisons qui ont des étages séparés ou un salon en contrebas. C’est dû à la simplicité de ce divan, mais aussi à sa capacité à se fondre dans l’architecture. C’est vraiment sa force.»

‘Il a une capacité à se fondre dans l’architecture.’

«Et il la doit au fait qu’il n’a pas de pieds et qu’il s’apparente plus à un coussin. Il en découle une plus grande unité avec le sol, comme si le sofa et la pièce ne faisaient qu’un. Beaucoup de gens ne comprennent pas cet amour car l’assise contraint à adopter une certaine position et on ne peut pas s’allonger. Bref, il représente un défi. Moi, je trouve qu’il est justement chouette de ne pas s’asseoir partout de la même manière. Ainsi, on perçoit l’espace différemment.»

Dans le salon de cette mini-habitation, des meubles vintage dialoguent avec une table d’appoint de Doorzon et un canapé de Ligne Roset. Copyright : Luc Roymans

«C’est dommage que des clients le refusent sous prétexte qu’il est trop tendance. Ce sont deux choses distinctes. Je comprends qu’ils préfèrent avoir une pièce moins connue, mais je n’ai pas encore trouvé quelque chose à sa hauteur. Voilà un beau défi pour le monde du design.»

Pieterjan Deblauwe (42 ans), architecte d’intérieur et collectionneur, trouvait le Togo fantastique, mais se dit maintenant désabusé.

«Lorsque j’ai entamé ma collection, dans les années 90, posséder un Togo était le summum. Il n’était pas branché, on en trouvait, en première édition, chez les mamys et papys cultivés. Vu sa robustesse, il était introuvable en deuxième main. En ce qui concerne la technique et sa forme, c’est une création fantastique, et comme sa production n’a jamais cessé, il a prouvé sa valeur et son succès. C’est une icône, à juste titre.

Un modèle récent de Togo de Ligne Roset. Copyright : SDP

«Mais, à mes yeux, la hype actuelle a tué le Togo. Cela me dérange de voir des développeurs de projets et agents immobiliers le mettre en avant de manière plus ou moins juste dans leurs images commerciales, comme si c’était un garant du bon goût. D’anciens exemplaires sont achetés en masse, recouverts avec un textile qui dessert souvent la création, puis revendus à prix d’or.»

‘La hype a tué le Togo.’

«Un Togo ancien n’a aucunement la même valeur que les chaises Eames, Prouvé ou Jeanneret, tout aussi tendance et dont on peut supposer que la première version a le plus de valeur. Contrairement au bois, au plastique et au métal, la mousse vieillit mal. Sur les forums vintage, tout le monde s’extasie généralement devant ce canapé. Mais arrêtez cette fixation, que diable! Je trouve qu’il y a bien plus beau que ça. Tant de cette époque-là que de la nôtre. Surtout si on est prêt à débourser une telle somme.»

«Les Togo sont maintenant commercialisés de manière tellement plate qu’ils finiront par être presque aussi banals que la bibliothèque Billy d’Ikea… Personnellement, je possède un Standard d’Edra dans une couleur voyante. Ces derniers temps, j’en vois de plus en plus, heureusement en beige, mais cela m’embête. Je vais devoir jeter mon dévolu sur un autre modèle, car je déteste les tendances. (rires

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