Voici à quoi ressembleront nos maisons de demain

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Nouvelle décennie signifie « période intense » pour les explorateurs de tendances. Du côté de l’archi comme de la déco, les idées foisonnent sous les signes de la lumière, de l’écologie et du recentrage sur l’humain.

« Tout cela ouvre la voie à une plus grande connectivité et plus de personnalisation. »

« Une nouvelle génération est en train de faire bouger la maison, l’habitat et tout l’art de vivre en général, explique Vincent Grégoire, directeur créatif au bureau de tendances Nelly Rodi, à Paris. Ce qui la distingue de celles qui l’ont précédée, c’est qu’elle a grandi avec, d’une part, un écosystème en crise – identitaire, économique, environnementale – et, d’autre part, la présence d’Internet. La disruption technologique lui apparaît tout à fait naturelle, elle a ses propres valeurs, ses nouveaux modes de consommation et de création.

Vincent Grégoire
Vincent Grégoire© GOVIN SOREL

Dès lors, on va assister davantage à un recentrage sur l’humain. Le consommateur, c’est lui qui fait la loi en fonction de ses préoccupations. On voudra une maison plus engagée, en accord avec ses valeurs de naturalité, d’éthique, de local. Ça passe par des tas de choses comme l’upcycling et la récup’, le véganisme, le zéro déchet, mais aussi une autre gestion des eaux et l’omniprésence de végétaux et de plantes aromatiques. Il y a plusieurs tendances de fond. Désormais, on lit les étiquettes. Ainsi, on voudra toujours plus de produits vertueux, inclusifs et traçables, au juste prix. On achètera de façon plus consciente, donc moins, ce qui nous mène vers la location ou la seconde main – la tendance a démarré dans la mode, mais les intérieurs suivront, d’ailleurs Ikea a testé son propre service de location de meubles.

D’un autre côté, la maison va aussi être « augmentée », marquée par les évolutions technologiques, avec des murs animés, des écrans qui se fondent dans le décor, et d’autres apports venus de l’intelligence artificielle et l’impression 3D. Tout cela ouvre la voie à une plus grande connectivité et plus de personnalisation. Le consommateur peut devenir lui-même designer, styliste ou décorateur, donc cocréateur d’un habitat qui, en plus, s’adaptera demain à tous ses particularismes, de sa morphologie aux allergies dont il souffre. On fera de sa maison un lieu de refuge, où l’on fait attention à l’isolation acoustique, à la pollution intérieure grâce à des purificateurs, à l’éclairage avec des lampes de luminothérapie, voire d’aromathérapie… La literie devient une grande préoccupation, avec une incroyable quête de la performance. Et dans les salons, on se moquait des fauteuils relax, mais ils risquent de devenir la norme. Bref, on peut s’attendre à un développement important de tout ce qui concerne le well-being, aux limites du médical. »

Le nouveau fauteuil Daydreamer Relax du label Jori.
Le nouveau fauteuil Daydreamer Relax du label Jori.© SDP

« La prochaine étape sera un éclairage axé sur l’humain. »

Pour Bart Maeyens, CEO de Modular Lighting Instruments, nous avons oublié, ces dernières années, un aspect crucial de notre bien-être, aussi bien à la maison qu’au bureau: la lumière. « C’est surtout une conséquence de la méconnaissance des possibilités actuelles. Les avancées technologiques dans le domaine de l’éclairage LED se sont succédé à un rythme effréné. Le défi est désormais de les faire connaître au grand public. »

Bart Maeyens
Bart Maeyens© SDP

De quelles innovations parlez-vous?

Avec une classique ampoule à incandescence, on pouvait choisir entre une lumière chaude et une lumière froide. Maintenant, avec le LED, on peut jouer sur l’entièreté du spectre lumineux et du rendu des couleurs du soleil. Ajoutez-y l’infrarouge et l’ultraviolet, et vous pouvez offrir à n’importe quel organisme vivant l’éclairage artificiel idéal, qui lui permettra de croître et de fructifier même dans un bunker en béton. Du coup, bien sûr, les premières applications commerciales concernent surtout le secteur agricole.

Selon vous, la prochaine étape sera un éclairage centré sur l’humain…

Début 2019, arrivait enfin la Human Centric Lighting Norm, chargée de remplacer l’ancienne norme européenne – désespérément dépassée – définissant la quantité de lumière nécessaire dans les bureaux. A en croire les recherches récentes, l’employé moyen reçoit chaque jour moins de 15% de la lumière dont il a besoin. Parce que nous passons trop de temps à l’intérieur, mais aussi parce que l’éclairage artificiel qui nous entoure ne répond pas à nos besoins biologiques. Passer toute une journée de travail sous un rayonnement uniforme perturbe notre rythme biologique. A la clé : maux de tête, troubles du sommeil et problèmes hormonaux.

Boydens Engineering a imaginé un concept particulier de mise en lumière pour la Provinciehuis, à Anvers. La clarté du jour plus faible est compensée par un éclairage artificielle orienté vers les personnes pendant les mois d'hiver.
Boydens Engineering a imaginé un concept particulier de mise en lumière pour la Provinciehuis, à Anvers. La clarté du jour plus faible est compensée par un éclairage artificielle orienté vers les personnes pendant les mois d’hiver.© SDP

Qu’attendons-nous pour adapter l’éclairage de nos lieux de vie?

Une norme n’est pas une obligation mais les bureaux d’étude belges comme Boydens montrent la voie dans les bureaux et bâtiments publics qu’ils construisent. Dans nos maisons aussi, la lumière est importante. Il suffit d’installer quelques lampes LED connectées et contrôlées par une appli ou votre voix. Elles peuvent s’adapter à votre humeur, à la saison, à vos activités… A côté de leur formidable éventail de couleurs, les LED ont également l’avantage d’être devenues extrêmement petites, n’imposant plus aucune limite formelle. La lumière va clairement s’imposer comme une forme d’art!

« Tout cela ouvre la voie à une plus grande connectivité et plus de personnalisation. »

« Une nouvelle génération est en train de faire bouger la maison, l’habitat et tout l’art de vivre en général, explique Vincent Grégoire, directeur créatif au bureau de tendances Nelly Rodi, à Paris. Ce qui la distingue de celles qui l’ont précédée, c’est qu’elle a grandi avec, d’une part, un écosystème en crise – identitaire, économique, environnementale – et, d’autre part, la présence d’Internet. La disruption technologique lui apparaît tout à fait naturelle, elle a ses propres valeurs, ses nouveaux modes de consommation et de création.

Vincent Grégoire
Vincent Grégoire© GOVIN SOREL

Dès lors, on va assister davantage à un recentrage sur l’humain. Le consommateur, c’est lui qui fait la loi en fonction de ses préoccupations. On voudra une maison plus engagée, en accord avec ses valeurs de naturalité, d’éthique, de local. Ça passe par des tas de choses comme l’upcycling et la récup’, le véganisme, le zéro déchet, mais aussi une autre gestion des eaux et l’omniprésence de végétaux et de plantes aromatiques. Il y a plusieurs tendances de fond. Désormais, on lit les étiquettes. Ainsi, on voudra toujours plus de produits vertueux, inclusifs et traçables, au juste prix. On achètera de façon plus consciente, donc moins, ce qui nous mène vers la location ou la seconde main – la tendance a démarré dans la mode, mais les intérieurs suivront, d’ailleurs Ikea a testé son propre service de location de meubles.

D’un autre côté, la maison va aussi être « augmentée », marquée par les évolutions technologiques, avec des murs animés, des écrans qui se fondent dans le décor, et d’autres apports venus de l’intelligence artificielle et l’impression 3D. Tout cela ouvre la voie à une plus grande connectivité et plus de personnalisation. Le consommateur peut devenir lui-même designer, styliste ou décorateur, donc cocréateur d’un habitat qui, en plus, s’adaptera demain à tous ses particularismes, de sa morphologie aux allergies dont il souffre. On fera de sa maison un lieu de refuge, où l’on fait attention à l’isolation acoustique, à la pollution intérieure grâce à des purificateurs, à l’éclairage avec des lampes de luminothérapie, voire d’aromathérapie… La literie devient une grande préoccupation, avec une incroyable quête de la performance. Et dans les salons, on se moquait des fauteuils relax, mais ils risquent de devenir la norme. Bref, on peut s’attendre à un développement important de tout ce qui concerne le well-being, aux limites du médical. »

Le nouveau fauteuil Daydreamer Relax du label Jori.
Le nouveau fauteuil Daydreamer Relax du label Jori.© SDP

« Le silence s’apprête à devenir un véritable luxe. »

« L’acoustique va devenir un nouveau critère de confort », estimait la tendanceuse Hilde Francq lors de son annuel séminaire Color Trend. Pour elle,  » le silence s’apprête à devenir un véritable luxe, car il se fait rare à une époque où la planète s’urbanise de plus en plus. A en croire les prévisions des Nations Unies, d’ici à 2050, deux tiers de la population mondiale vivront entassés dans les villes, accroissant le bruit ambiant. En Grande-Bretagne, le National Noise Attitude Survey enregistre déjà une augmentation significative du nombre de personnes qui se plaignent du vacarme des routes, des voisins, des avions et des travaux de construction. Cette tendance s’observe chez nous aussi: d’après une étude réalisée par la ville d’Anvers, 41% de sa population seraient confrontés « fréquemment voire en permanence » à des nuisances sonores liées à la circulation.

Hilde Francq
Hilde Francq© SDP / KAAT PYPE

Les tendances actuelles en matière d’architecture d’intérieur ne font malheureusement rien pour arranger les choses. Les espaces ouverts et des matériaux durs comme le verre, le béton ou les sols coulés permettent peut-être d’apporter aux habitations ou bureaux une certaine sérénité visuelle, mais certainement pas auditive. Voilà qui explique sans doute le succès « retentissant » des casques antibruit. Dans le futur, ceux qui ont la chance de vivre dans un logement ou un environnement calme feront clairement des jaloux.

Peu à peu, on voit néanmoins émerger des remèdes micro-architecturaux, comme des canapés au dossier haut formant une sorte de cocon dans les espaces ouverts, ou des abris téléphoniques couverts de feutre ou de tapis pour absorber les bruits. En octobre dernier, Apple a lancé Noise, une appli pour Apple Watch qui mesure le niveau sonore environnant et avertit l’utilisateur du risque de dommages auditifs. L’appli Soundprint, elle, permet de dénicher des bars et restaurants où il fait calme.

Le Micro Office du bureau tchèque SilentLab a été présenté lors de la London Design Week fin septembre dernier. Il garantit le luxe du silence absolu dans les open spaces.
Le Micro Office du bureau tchèque SilentLab a été présenté lors de la London Design Week fin septembre dernier. Il garantit le luxe du silence absolu dans les open spaces.© SDP / MIREKBEDNARIK.

Les villes aussi examinent différentes pistes pour développer une politique innovante. Villeneuve-le-Roi, près de Paris et à un jet de pierre de l’aéroport d’Orly, s’est ainsi doté d’un système – inspiré des radars automatiques utilisés pour les contrôles de vitesse – qui lui permet d’identifier et de sanctionner les véhicules qui démarrent en trombe et les moteurs qui rugissent. A côté de cela, l’acoustique des restaurants, boutiques, hôtels et autres lieux publics risque d’être de plus en plus soignée. Un enjeu qui figure aussi sur les cahiers des charges architecturaux. Pour la décoration d’intérieur, je pense que nous allons voir émerger un nouveau style « chalet », avec beaucoup de bois, des teintes sobres et chaudes inspirées de la nature… puisque c’est là que nous trouvons la paix. »

« La prochaine étape sera un éclairage axé sur l’humain. »

Pour Bart Maeyens, CEO de Modular Lighting Instruments, nous avons oublié, ces dernières années, un aspect crucial de notre bien-être, aussi bien à la maison qu’au bureau: la lumière. « C’est surtout une conséquence de la méconnaissance des possibilités actuelles. Les avancées technologiques dans le domaine de l’éclairage LED se sont succédé à un rythme effréné. Le défi est désormais de les faire connaître au grand public. »

Bart Maeyens
Bart Maeyens© SDP

De quelles innovations parlez-vous?

Avec une classique ampoule à incandescence, on pouvait choisir entre une lumière chaude et une lumière froide. Maintenant, avec le LED, on peut jouer sur l’entièreté du spectre lumineux et du rendu des couleurs du soleil. Ajoutez-y l’infrarouge et l’ultraviolet, et vous pouvez offrir à n’importe quel organisme vivant l’éclairage artificiel idéal, qui lui permettra de croître et de fructifier même dans un bunker en béton. Du coup, bien sûr, les premières applications commerciales concernent surtout le secteur agricole.

Selon vous, la prochaine étape sera un éclairage centré sur l’humain…

Début 2019, arrivait enfin la Human Centric Lighting Norm, chargée de remplacer l’ancienne norme européenne – désespérément dépassée – définissant la quantité de lumière nécessaire dans les bureaux. A en croire les recherches récentes, l’employé moyen reçoit chaque jour moins de 15% de la lumière dont il a besoin. Parce que nous passons trop de temps à l’intérieur, mais aussi parce que l’éclairage artificiel qui nous entoure ne répond pas à nos besoins biologiques. Passer toute une journée de travail sous un rayonnement uniforme perturbe notre rythme biologique. A la clé : maux de tête, troubles du sommeil et problèmes hormonaux.

Boydens Engineering a imaginé un concept particulier de mise en lumière pour la Provinciehuis, à Anvers. La clarté du jour plus faible est compensée par un éclairage artificielle orienté vers les personnes pendant les mois d'hiver.
Boydens Engineering a imaginé un concept particulier de mise en lumière pour la Provinciehuis, à Anvers. La clarté du jour plus faible est compensée par un éclairage artificielle orienté vers les personnes pendant les mois d’hiver.© SDP

Qu’attendons-nous pour adapter l’éclairage de nos lieux de vie?

Une norme n’est pas une obligation mais les bureaux d’étude belges comme Boydens montrent la voie dans les bureaux et bâtiments publics qu’ils construisent. Dans nos maisons aussi, la lumière est importante. Il suffit d’installer quelques lampes LED connectées et contrôlées par une appli ou votre voix. Elles peuvent s’adapter à votre humeur, à la saison, à vos activités… A côté de leur formidable éventail de couleurs, les LED ont également l’avantage d’être devenues extrêmement petites, n’imposant plus aucune limite formelle. La lumière va clairement s’imposer comme une forme d’art!

« Tout cela ouvre la voie à une plus grande connectivité et plus de personnalisation. »

« Une nouvelle génération est en train de faire bouger la maison, l’habitat et tout l’art de vivre en général, explique Vincent Grégoire, directeur créatif au bureau de tendances Nelly Rodi, à Paris. Ce qui la distingue de celles qui l’ont précédée, c’est qu’elle a grandi avec, d’une part, un écosystème en crise – identitaire, économique, environnementale – et, d’autre part, la présence d’Internet. La disruption technologique lui apparaît tout à fait naturelle, elle a ses propres valeurs, ses nouveaux modes de consommation et de création.

Vincent Grégoire
Vincent Grégoire© GOVIN SOREL

Dès lors, on va assister davantage à un recentrage sur l’humain. Le consommateur, c’est lui qui fait la loi en fonction de ses préoccupations. On voudra une maison plus engagée, en accord avec ses valeurs de naturalité, d’éthique, de local. Ça passe par des tas de choses comme l’upcycling et la récup’, le véganisme, le zéro déchet, mais aussi une autre gestion des eaux et l’omniprésence de végétaux et de plantes aromatiques. Il y a plusieurs tendances de fond. Désormais, on lit les étiquettes. Ainsi, on voudra toujours plus de produits vertueux, inclusifs et traçables, au juste prix. On achètera de façon plus consciente, donc moins, ce qui nous mène vers la location ou la seconde main – la tendance a démarré dans la mode, mais les intérieurs suivront, d’ailleurs Ikea a testé son propre service de location de meubles.

D’un autre côté, la maison va aussi être « augmentée », marquée par les évolutions technologiques, avec des murs animés, des écrans qui se fondent dans le décor, et d’autres apports venus de l’intelligence artificielle et l’impression 3D. Tout cela ouvre la voie à une plus grande connectivité et plus de personnalisation. Le consommateur peut devenir lui-même designer, styliste ou décorateur, donc cocréateur d’un habitat qui, en plus, s’adaptera demain à tous ses particularismes, de sa morphologie aux allergies dont il souffre. On fera de sa maison un lieu de refuge, où l’on fait attention à l’isolation acoustique, à la pollution intérieure grâce à des purificateurs, à l’éclairage avec des lampes de luminothérapie, voire d’aromathérapie… La literie devient une grande préoccupation, avec une incroyable quête de la performance. Et dans les salons, on se moquait des fauteuils relax, mais ils risquent de devenir la norme. Bref, on peut s’attendre à un développement important de tout ce qui concerne le well-being, aux limites du médical. »

Le nouveau fauteuil Daydreamer Relax du label Jori.
Le nouveau fauteuil Daydreamer Relax du label Jori.© SDP

« The future will be soft, wet, dirty and hairy. »

« Que la communauté internationale concentre ou non ses forces sur le climat dans les dix prochaines années, celui-ci sera la tendance déterminante au niveau macro », déclare l’éco-geek et explorateur de tendances Stefaan Vandist qui partage sa vision du futur au travers de conférences.

Stefaan Vandist
Stefaan Vandist© SDP

Vous dites que cette décennie sera celle de la « prétopie ». Qu’est-ce que cela signifie?

Depuis quinze ans, nous avons beaucoup réfléchi aux causes du phénomène. Nous allons maintenant décider quelles réponses y apporter. Cette décennie sera donc à l’intersection de l’utopie et de la dystopie. Nous allons expérimenter tous azimuts et livrer enfin des résultats concrets.

Vous attendez beaucoup des nouveaux matériaux…

Pour les start-up spécialisées dans le biodesign, les statistiques qui découragent le citoyen lambda sont plutôt une source d’inspiration. Ainsi, selon les chiffres, nous devrions, d’ici à 2060, construire 230 milliards de m² de surfaces d’habitation pour donner un toit aux 11 milliards de Terriens. Face à cela, l’entreprise américaine bioMASON s’est basée sur les processus biochimiques des coraux pour développer des briques et du béton durables. Exceptionnellement résistants, ces matériaux sont produits par des micro-organismes et « poussent » dans des structures qui s’apparentent à des fermes. Le bois lamellé-croisé (CLT) est une autre alternative prometteuse, fabriquée à partir de bois comprimé sous haute pression, pour créer des poutres ayant les qualités du béton. Ainsi, même les tours pourront être construites dans un matériau naturellement capable de stocker du CO2, régénératif et produit sur tous les continents. En Finlande, il pousse toutes les 3 secondes une quantité de bois suffisante pour construire une maison en CLT.

Le Jakarta Hotel à Amsterdam - un projet des architectes néerlandais de SeArch - construit en CLT, une alternative durable au béton.
Le Jakarta Hotel à Amsterdam – un projet des architectes néerlandais de SeArch – construit en CLT, une alternative durable au béton.© SDP / SEARCH

Il faudra néanmoins couper ces arbres…

Il sera nécessaire de reboiser la planète en remplaçant les terres dévolues à l’élevage par des forêts faisant l’objet d’une gestion durable. L’université de Zurich a calculé qu’en plantant 1300 milliards d’arbres au cours des dix années à venir, nous nous donnerions un délai supplémentaire de dix ans pour évoluer vers une économie à faible intensité carbone. Une excellente nouvelle, sachant que le patrimoine forestier européen a déjà augmenté ces dernières années!

Voyez-vous l’avenir en rose donc?

« The future will be soft, wet, dirty and hairy », disait Salvador Dalí. Lorsque je vois combien de biomatériaux à base d’algues, de mycélium et de bactéries sont actuellement en préparation, je ne peux que lui donner raison. Les surfaces lisses, luisantes et rectilignes de la production de masse vont céder la place aux formes multidimensionnelles, aux motifs irréguliers et à des textures plus rugueuses.

« Le silence s’apprête à devenir un véritable luxe. »

« L’acoustique va devenir un nouveau critère de confort », estimait la tendanceuse Hilde Francq lors de son annuel séminaire Color Trend. Pour elle,  » le silence s’apprête à devenir un véritable luxe, car il se fait rare à une époque où la planète s’urbanise de plus en plus. A en croire les prévisions des Nations Unies, d’ici à 2050, deux tiers de la population mondiale vivront entassés dans les villes, accroissant le bruit ambiant. En Grande-Bretagne, le National Noise Attitude Survey enregistre déjà une augmentation significative du nombre de personnes qui se plaignent du vacarme des routes, des voisins, des avions et des travaux de construction. Cette tendance s’observe chez nous aussi: d’après une étude réalisée par la ville d’Anvers, 41% de sa population seraient confrontés « fréquemment voire en permanence » à des nuisances sonores liées à la circulation.

Hilde Francq
Hilde Francq© SDP / KAAT PYPE

Les tendances actuelles en matière d’architecture d’intérieur ne font malheureusement rien pour arranger les choses. Les espaces ouverts et des matériaux durs comme le verre, le béton ou les sols coulés permettent peut-être d’apporter aux habitations ou bureaux une certaine sérénité visuelle, mais certainement pas auditive. Voilà qui explique sans doute le succès « retentissant » des casques antibruit. Dans le futur, ceux qui ont la chance de vivre dans un logement ou un environnement calme feront clairement des jaloux.

Peu à peu, on voit néanmoins émerger des remèdes micro-architecturaux, comme des canapés au dossier haut formant une sorte de cocon dans les espaces ouverts, ou des abris téléphoniques couverts de feutre ou de tapis pour absorber les bruits. En octobre dernier, Apple a lancé Noise, une appli pour Apple Watch qui mesure le niveau sonore environnant et avertit l’utilisateur du risque de dommages auditifs. L’appli Soundprint, elle, permet de dénicher des bars et restaurants où il fait calme.

Le Micro Office du bureau tchèque SilentLab a été présenté lors de la London Design Week fin septembre dernier. Il garantit le luxe du silence absolu dans les open spaces.
Le Micro Office du bureau tchèque SilentLab a été présenté lors de la London Design Week fin septembre dernier. Il garantit le luxe du silence absolu dans les open spaces.© SDP / MIREKBEDNARIK.

Les villes aussi examinent différentes pistes pour développer une politique innovante. Villeneuve-le-Roi, près de Paris et à un jet de pierre de l’aéroport d’Orly, s’est ainsi doté d’un système – inspiré des radars automatiques utilisés pour les contrôles de vitesse – qui lui permet d’identifier et de sanctionner les véhicules qui démarrent en trombe et les moteurs qui rugissent. A côté de cela, l’acoustique des restaurants, boutiques, hôtels et autres lieux publics risque d’être de plus en plus soignée. Un enjeu qui figure aussi sur les cahiers des charges architecturaux. Pour la décoration d’intérieur, je pense que nous allons voir émerger un nouveau style « chalet », avec beaucoup de bois, des teintes sobres et chaudes inspirées de la nature… puisque c’est là que nous trouvons la paix. »

« La prochaine étape sera un éclairage axé sur l’humain. »

Pour Bart Maeyens, CEO de Modular Lighting Instruments, nous avons oublié, ces dernières années, un aspect crucial de notre bien-être, aussi bien à la maison qu’au bureau: la lumière. « C’est surtout une conséquence de la méconnaissance des possibilités actuelles. Les avancées technologiques dans le domaine de l’éclairage LED se sont succédé à un rythme effréné. Le défi est désormais de les faire connaître au grand public. »

Bart Maeyens
Bart Maeyens© SDP

De quelles innovations parlez-vous?

Avec une classique ampoule à incandescence, on pouvait choisir entre une lumière chaude et une lumière froide. Maintenant, avec le LED, on peut jouer sur l’entièreté du spectre lumineux et du rendu des couleurs du soleil. Ajoutez-y l’infrarouge et l’ultraviolet, et vous pouvez offrir à n’importe quel organisme vivant l’éclairage artificiel idéal, qui lui permettra de croître et de fructifier même dans un bunker en béton. Du coup, bien sûr, les premières applications commerciales concernent surtout le secteur agricole.

Selon vous, la prochaine étape sera un éclairage centré sur l’humain…

Début 2019, arrivait enfin la Human Centric Lighting Norm, chargée de remplacer l’ancienne norme européenne – désespérément dépassée – définissant la quantité de lumière nécessaire dans les bureaux. A en croire les recherches récentes, l’employé moyen reçoit chaque jour moins de 15% de la lumière dont il a besoin. Parce que nous passons trop de temps à l’intérieur, mais aussi parce que l’éclairage artificiel qui nous entoure ne répond pas à nos besoins biologiques. Passer toute une journée de travail sous un rayonnement uniforme perturbe notre rythme biologique. A la clé : maux de tête, troubles du sommeil et problèmes hormonaux.

Boydens Engineering a imaginé un concept particulier de mise en lumière pour la Provinciehuis, à Anvers. La clarté du jour plus faible est compensée par un éclairage artificielle orienté vers les personnes pendant les mois d'hiver.
Boydens Engineering a imaginé un concept particulier de mise en lumière pour la Provinciehuis, à Anvers. La clarté du jour plus faible est compensée par un éclairage artificielle orienté vers les personnes pendant les mois d’hiver.© SDP

Qu’attendons-nous pour adapter l’éclairage de nos lieux de vie?

Une norme n’est pas une obligation mais les bureaux d’étude belges comme Boydens montrent la voie dans les bureaux et bâtiments publics qu’ils construisent. Dans nos maisons aussi, la lumière est importante. Il suffit d’installer quelques lampes LED connectées et contrôlées par une appli ou votre voix. Elles peuvent s’adapter à votre humeur, à la saison, à vos activités… A côté de leur formidable éventail de couleurs, les LED ont également l’avantage d’être devenues extrêmement petites, n’imposant plus aucune limite formelle. La lumière va clairement s’imposer comme une forme d’art!

« Tout cela ouvre la voie à une plus grande connectivité et plus de personnalisation. »

« Une nouvelle génération est en train de faire bouger la maison, l’habitat et tout l’art de vivre en général, explique Vincent Grégoire, directeur créatif au bureau de tendances Nelly Rodi, à Paris. Ce qui la distingue de celles qui l’ont précédée, c’est qu’elle a grandi avec, d’une part, un écosystème en crise – identitaire, économique, environnementale – et, d’autre part, la présence d’Internet. La disruption technologique lui apparaît tout à fait naturelle, elle a ses propres valeurs, ses nouveaux modes de consommation et de création.

Vincent Grégoire
Vincent Grégoire© GOVIN SOREL

Dès lors, on va assister davantage à un recentrage sur l’humain. Le consommateur, c’est lui qui fait la loi en fonction de ses préoccupations. On voudra une maison plus engagée, en accord avec ses valeurs de naturalité, d’éthique, de local. Ça passe par des tas de choses comme l’upcycling et la récup’, le véganisme, le zéro déchet, mais aussi une autre gestion des eaux et l’omniprésence de végétaux et de plantes aromatiques. Il y a plusieurs tendances de fond. Désormais, on lit les étiquettes. Ainsi, on voudra toujours plus de produits vertueux, inclusifs et traçables, au juste prix. On achètera de façon plus consciente, donc moins, ce qui nous mène vers la location ou la seconde main – la tendance a démarré dans la mode, mais les intérieurs suivront, d’ailleurs Ikea a testé son propre service de location de meubles.

D’un autre côté, la maison va aussi être « augmentée », marquée par les évolutions technologiques, avec des murs animés, des écrans qui se fondent dans le décor, et d’autres apports venus de l’intelligence artificielle et l’impression 3D. Tout cela ouvre la voie à une plus grande connectivité et plus de personnalisation. Le consommateur peut devenir lui-même designer, styliste ou décorateur, donc cocréateur d’un habitat qui, en plus, s’adaptera demain à tous ses particularismes, de sa morphologie aux allergies dont il souffre. On fera de sa maison un lieu de refuge, où l’on fait attention à l’isolation acoustique, à la pollution intérieure grâce à des purificateurs, à l’éclairage avec des lampes de luminothérapie, voire d’aromathérapie… La literie devient une grande préoccupation, avec une incroyable quête de la performance. Et dans les salons, on se moquait des fauteuils relax, mais ils risquent de devenir la norme. Bref, on peut s’attendre à un développement important de tout ce qui concerne le well-being, aux limites du médical. »

Le nouveau fauteuil Daydreamer Relax du label Jori.
Le nouveau fauteuil Daydreamer Relax du label Jori.© SDP

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