Delphine de Vigan, histoire d’un miroir

Delphine de Vigan © NEMO PERIER STEFANOVITCH

Elle vient de recevoir le prestigieux Prix Renaudot pour son roman D’après une histoire vraie. Rencontre avec Delphine de Vigan, naviguant en eaux troubles avec un roman qui brouille la frontière entre réalité et fiction, amitié et dépossession de soi.

Etiez-vous « une petite fille é-mot-ive à laquelle il manquait des mots » ?

Oui d’autant que j’étais timide, mais on grandit avec l’enfant qu’on a été. J’ai évolué mais il reste toujours cette part en moi.

L’écriture : mode de survie ?

Elle relève davantage d’un projet artistique. Mais j’ai tenu un journal intime entre 12 et 29 ans. Il m’a aidée à me connaître, me construire et me sauver.

Le plus grand « mystère de l’écriture » ?

Pourquoi écrit-on ? Ce roman pose cette question. L’origine se situe en partie dans l’enfance ou les failles abyssales. Reflète-t-il celle que je suis ? Certaines choses m’échappent, me surprennent ou me troublent.

« La littérature a-t-elle des conséquences sur la vie » ?

Mon existence tourne autour d’elle. J’ai la chance de vivre de ma plume. Il y a des risques, mais ce serait indélicat de me plaindre.

Comment distinguer la réalité de la fiction ?

Tel est le coeur de la littérature contemporaine et de ce roman. Le lecteur aime qu’une histoire soit vraie. Or tout est fiction, même les choses réelles qu’on retravaille à sa façon, mais jusqu’où s’autorise-t-on la liberté de les transformer ?

Que signifie être soi-même ?

Ce n’est pas toujours simple ! Je tente de rester fidèle à mes convictions, sans tenir compte du jugement des autres.

Devenez-vous « un autre » en écrivant ?

Complètement ! Ainsi, je peux me démultiplier, prendre diverses apparences, me cacher derrière des masques ou me mettre à nu. C’est si excitant d’endosser une autre identité, quitte à être la méchante. Le thème du double est d’ailleurs très présent ici.

L’amitié fait aussi palpiter ce livre. Elle rime avec…

L’une des valeurs fondamentales de ma vie. Comment se noue une relation ? Tous mes romans parlent de l’emprise intellectuelle, professionnelle ou émotionnelle. Pourquoi devient-on une proie ou celui qui abuse du pouvoir ?

L’amour flirte aussi avec ces territoires, mais pour vous, est-ce une façon de « se réinventer » ?

Oui, parce qu’il nous aide à nous dépasser. L’amour nous sort des sentiers battus et de notre zone de confort. Il nous fait avancer.

Delphine de Vigan, histoire d'un miroir
© SDP

Par Kerenn Elkaïm D’après une histoire vraie, par Delphine de Vigan, JC Lattès, 480 pages.

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