Fabian Cancellara, ex-coureur cycliste et patron d’équipe: « En Belgique, les cyclistes sont mis sur un piédestal »

© Aaron Lapeirre
Nathalie Le Blanc Journaliste

L’ancien coureur suisse Fabian Cancellara (44 ans), triple vainqueur du Tour des Flandres, est aujourd’hui de retour sur les classiques en tant que directeur de l’équipe Tudor qu’il a fondée en 2022. Celui qu’on surnommait Spartacus reste un guerrier.

Découvrir le monde

Le cyclisme fait de vous un explorateur. Enfant, j’adorais jouer au football, mais sur un petit terrain. J’étais curieux, alors quand j’ai aperçu pour la première fois le vélo de mon père dans le garage, je suis parti à la découverte du monde. J’aimais pédaler, j’adorais la nature aussi, il faut dire que les routes suisses sont les plus belles du monde. Ce n’est pas la performance qui m’intéressait. Mais quand il s’est avéré que j’étais assez rapide, j’ai participé à des courses le week-end. C’était génial de gagner, et les 50 francs suisses de prime de victoire étaient plutôt sympas aussi (rires). Mais c’était avant tout le plaisir qui comptait. C’est encore le cas aujourd’hui. Je suis toujours partant pour faire du vélo pendant quelques heures avec mes amis.

La liberté

Se mettre la pression ne sert à rien. Le vélo, c’est très dur, peut-être trop même. On ne tient le coup que si on aime vraiment ça. C’est devenu ma passion, mais mes parents m’ont toujours laissé libre tout en soutenant mes choix. J’essaie d’avoir la même attitude avec mes filles. Quoi qu’elles choisissent de faire dans leur vie, je serai là pour elles, mais je ne les forcerai jamais.

Contre-la-montre

Seul, on n’arrive à rien. Lors d’un contre-la-montre, vous pensez gagner tout seul, mais c’est votre ego qui parle. Même là, sans votre équipe, vous n’êtes rien. Bien sûr, gagner fait partie du job. Mais vous devez emmener avec vous tous ceux qui vous entourent et les rendre meilleurs. C’est ce que je veux faire avec l’équipe Tudor. Travailler sur le long terme. Ne pas me contenter d’attirer des coureurs capables de gagner tout de suite. Mais offrir aux jeunes de bonnes conditions pour développer leurs talents.

Force mentale

Dans le sport de haut niveau, on passe par des hauts et des bas. C’est un peu comme embarquer sur un roller coaster fou, c’est difficile à imaginer lorsqu’on a une vie plus tranquille. Dans le cyclisme, on pense que ce qu’il y a de plus dur, c’est le physique. Mais c’est la force mentale qui fait la différence.

Profitez de chaque instant

Courir, c’est vivre dangereusement. On peut faire preuve de malchance. Je me suis cassé le dos deux fois, la clavicule aussi. Mais au bout de six semaines, je suis remonté sur mon vélo. Mon conseil aux jeunes coureurs? Profitez de chaque instant. Ne soyez pas trop dur avec vous-même, parce que ce que vous vivez ne durera pas longtemps. Mais les expériences seront inestimables.

embarquer dans un roller coaster fou.’

Etre célèbre

La gloire est une illusion. Un champion ne vaut pas mieux qu’un agriculteur, un boucher ou un peintre en bâtiment. En Belgique, les cyclistes sont mis sur un piédestal. Mais j’ai toujours fait de mon mieux pour garder les pieds sur terre. Heureusement, je vivais en Suisse, où les gens ne sont pas aussi fous de vélo. Etre célèbre, cela vous demande de gérer les fans, la presse et les sponsors au quotidien. D’accepter la critique. A l’intérieur et à l’extérieur du peloton. Il est difficile de s’y faire des amis, surtout lorsque vous gagnez. Je suis devenu plus réservé, par souci d’autoprotection. Il faut apprendre à supporter la rivalité et la jalousie si l’on ne veut pas que cela affecte les performances.

Les adieux

Chacun raccroche à son propre rythme. J’aurais pu courir encore un an ou deux, mais j’ai choisi de m’arrêter au sommet. Si je gagnais une médaille aux jeux Olympiques de Rio. Et c’est ce qui s’est passé. J’étais un peu triste bien sûr, car je devais dire adieu à toute une partie de ma vie. Mais en même temps, je retrouvais ma liberté. Je pouvais aussi me consacrer enfin à ma famille. Conduire ma fille à l’école est le meilleur moment de ma journée.

Chez moi

Démarrer une nouvelle vie exige du temps et de la réflexion. J’ai eu besoin de découvrir qui je voulais être vraiment. J’ai longtemps été très dur avec moi-même parce que j’avais besoin de ça, mais est-ce encore le cas? Le sport m’a beaucoup apporté et je veux rendre à ce monde ce qu’il m’a donné. J’encourage les gens à faire du sport et j’encadre les jeunes coureurs. Par-dessus tout, je suis heureux de ne plus être tout le temps sur les routes. En tant que coureur professionnel, vous êtes deux jours ici, trois jours là. Vous vivez avec votre valise et cela vous consume. Vous manquez à votre femme, à vos enfants, même si ce n’est pas rose avec vous tous les jours. Je voyage toujours, mais pour le Tour des Flandres, je suis venu en Belgique pour deux jours, puis je suis rentré à la maison. Dès que j’atterris en Suisse, je me sens chez moi.

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