Harvey Weinstein, l’ennemi numéro 1 du #MeToo

Harvey Weinstein © Belga

Il était un producteur de cinéma visionnaire, faiseur d’Oscars, donateur du parti démocrate. Depuis octobre 2017, Harvey Weinstein est un paria, incarnation du prédateur sexuel et catalyseur du mouvement #MeToo.

L’accession au gotha d’Hollywood de ce fils d’un diamantaire new-yorkais avait pris des années, sa chute s’est faite en quelques jours: en octobre 2017, le New York Times et le New Yorker publient les témoignages de femmes, actrices ou mannequins pour la plupart, accusant le producteur de les avoir agressées sexuellement, puis de les avoir parfois payées pour se taire.

Trois semaines après, plus de 80 femmes, dont des célébrités comme Ashley Judd, Angelina Jolie, Salma Hayek ou Léa Seydoux l’avaient accusé de harcèlement ou d’agressions allant du baiser forcé au viol, à New York, Los Angeles, Cannes, Paris, Londres ou Toronto, sur plus de trois décennies.

Harvey Weinstein, 67 ans, marié deux fois et père de cinq enfants, a eu beau maintenir que ses relations étaient toutes consenties, le #MeToo était né: ce mouvement a dénoncé les abus sexuels présumés de centaines d’hommes de pouvoir.

Celui qui était la coqueluche des festivals du 7e art est banni de l’Académie du cinéma qui remet les Oscars. Les plaintes contre lui au civil se multiplient.

Harvey Weinstein
Harvey Weinstein© Belga

Le 25 mai 2018, il est inculpé à New York. Les images du producteur menotté font le tour du monde.

En liberté surveillée moyennant une lourde caution et le port d’un bracelet électronique, il s’est rarement exprimé publiquement depuis.

Dans une interview au New York Post mi-décembre, il n’exprimait aucun remord et se plaignait qu’on ait oublié sa brillante carrière.

« J’ai fait plus de films réalisés par des femmes et sur des femmes que n’importe quel producteur (…) J’étais le premier! J’étais le pionnier! » a-t-il déclaré, suscitant un tollé.

– Roi des Oscars –

Beaucoup d’accusations contre Harvey Weinstein datent des années 90 ou du début des années 2000, les grandes années de Miramax, le studio qu’il créa en 1979 avec son frère cadet Bob (Mira pour leur mère Miriam, Max pour leur père): après « Sexe, Mensonges et Vidéo » de Soderbergh, encensé par la critique en 1989, Miramax produit le premier succès de Tarantino, « Pulp Fiction » (1994) puis « Le Patient anglais » (1997, neuf Oscars) ou « Shakespeare in Love » (1998, sept Oscars).

Les frères Weinstein revendent Miramax à Disney dès 1993, mais y travaillent jusqu’en 2005, année où ils lancent The Weinstein Company, qui produira encore de grands succès comme « Inglourious Basterds » de Tarantino (2009), « Le Discours d’un roi (2010) ou « The Artist » (2011).

De 1990 à 2016, le producteur, surnommé « Harvey les ciseaux » pour ses interventions féroces au montage, décrocha 81 fois les célèbres trophées d’Hollywood.

Lors de la cérémonie des Golden Globes en 2012, Meryl Streep le qualifia, en riant, de « Dieu ».

Aujourd’hui, s’il inspire Hollywood, c’est comme personnage maléfique: un thriller inspiré du scandale, « The Assistant », sort fin janvier et au moins un autre est en gestation, produit par Brad Pitt, sur les deux journalistes du New York Times qui ont révélé le scandale.

Physiquement, il semble affaibli, arrivant en déambulateur pour une récente audience au tribunal.

Après une opération du dos en décembre, consécutive à un accident de voiture en août selon ses avocats, il a assuré qu’il serait d’aplomb pour son procès.

Un temps, sa fortune était évaluée entre 240 et 300 millions de dollars, et il contribuait généreusement aux campagnes de candidats démocrates, dont Barack Obama et Hillary Clinton.

Harvey Weinstein
Harvey Weinstein© Belga

Si ses avocats ont obtenu un pré-accord de 25 millions de dollars pour solder la plupart des plaintes déposées contre lui au civil, sans qu’il ait à dépenser un centime, l’argent lui file désormais entre les doigts.

Il a vendu depuis deux ans cinq de ses propriétés, pour 60 millions de dollars, selon l’accusation.

Il doit payer les pensions alimentaires de ses ex-femmes – la deuxième, la styliste Georgina Chapman, l’a quitté après le scandale – et des honoraires qui pourraient atteindre des millions à ses avocats, chargés de lui éviter une condamnation qui pourrait lui valoir la perpétuité.

La Weinstein Company a disparu: mise en faillite, ses actifs ont été rachetés par le fonds d’investissement Lantern.

L’ex-producteur habite désormais loin des caméras: il loue une maison dans une banlieue chic de New York, pour être proche de ses plus jeunes enfants.

S’il se rend souvent à Manhattan, ses sorties sont risquées: fin octobre, plusieurs femmes l’ont pris à partie dans un bar, le traitant de « violeur » et de « monstre », avant d’être expulsées.

Les femmes du procès Weinstein

Victimes présumées, avocates, expertes… Une dizaine de femmes seront au coeur du procès du producteur de cinéma Harvey Weinstein, qui s’ouvre le 6 janvier à New York.

Voici ce que l’on sait d’elles.

Les accusatrices

Mimi Haleyi: c’est l’une des deux seules victimes présumées de Harvey Weinstein dont l’agression a donné lieu à des poursuites pénales.

Cette ancienne assistante de production affirme que l’accusé lui a imposé un cunnilingus dans son appartement à New York en juillet 2006, bien qu’elle ait refusé plusieurs fois ses avances.

Ex-assistante de production, Mimi Haleyi accuse Harvey Weinstein de viol et d'agression. Ici lors de la conférence de presse au côté de son avocate Gloria Allred, le 24 octobre 2017
Ex-assistante de production, Mimi Haleyi accuse Harvey Weinstein de viol et d’agression. Ici lors de la conférence de presse au côté de son avocate Gloria Allred, le 24 octobre 2017 © AFP

« C’était totalement non consensuel », a déclaré sur MSNBC Miriam Haleyi, de son nom complet, rappelant qu’elle avait ses règles au moment de l’incident. « Il n’y a pas moyen que j’aie voulu ce qui s’est passé ».

– La seconde victime qui vaut à Harvey Weinstein un procès pénal est restée anonyme: elle accuse le New-Yorkais de l’avoir violée, en mars 2013, dans une chambre d’hôtel.

La défense a déjà produit une série de correspondances montrant, selon elle, que cette femme a eu une relation amoureuse suivie avec son agresseur présumé durant plusieurs années après les faits allégués.

Annabella Sciorra: l’actrice vue dans la série « Les Soprano » affirme également avoir été violée par Harvey Weinstein en 1993, chez elle, après qu’il l’eut contrainte à le laisser entrer.

Harvey Weinstein, l'ennemi numéro 1 du #MeToo

Si elle n’a révélé l’agression que fin octobre 2017, elle affirme que le producteur a tout fait pour l’empêcher de décrocher des rôles entre 1993 et 1995.

Les faits dont elle dit avoir été victime ne sont pas poursuivis dans ce procès. Mais son témoignage est capital pour l’accusation, qui espère prouver qu’Harvey Weinstein s’est rendu coupable de comportement de « prédateur sexuel » en agressant une série de femmes. S’il était condamné pour ce chef, il risquerait la perpétuité.

– Trois autres victimes présumées pourraient témoigner: le juge James Burke a autorisé le témoignage de trois femmes supplémentaires dont l’identité n’est pas connue.

Une dit avoir été violée par Harvey Weinstein à Beverly Hills en 2013. La nature exacte des deux autres incidents, intervenus en 2004 et 2005, n’est pas connue.

Tout comme pour Annabella Sciorra, Harvey Weinstein n’est pas poursuivi pour les faits allégués par ces trois femmes. Elles ne seront là qu’en qualité de témoins.

Les juristes

Joan Illuzzi-Orbon, la procureure: adjointe du procureur de Manhattan Cyrus Vance, elle mènera l’accusation lors du procès, forte de plus de trois décennies d’expérience.

Avant le début du procès, elle a obtenu le relèvement de la caution de l’accusé, qu’elle accusait de prendre des libertés avec sa surveillance électronique.

Elle dirigeait en 2011 l’équipe qui enquêtait sur Dominique Strauss-Kahn et l’incident du Sofitel. Elle avait recommandé l’abandon des poursuites, finalement acté, contre le directeur du Fonds monétaire international.

Donna Rotunno, cheffe de file des avocats de la défense: cette avocate de Chicago est connue pour avoir défendu plusieurs hommes accusés d’agression sexuelle et pour sa pugnacité.

« Quand j’interroge quelqu’un à l’audience, je peux aller beaucoup plus loin qu’un homme avocat », a-t-elle déclaré à la revue Chicago Magazine en février 2018. « Ce peut-être un excellent avocat, mais s’il lâche le même venin que moi, il aura l’air d’une brute ».

Les expertes

– Barbara Ziv, l’experte: spécialiste en psychiatrie citée par l’accusation, ce médecin a témoigné lors du procès de Bill Cosby. Elle y avait expliqué les raisons qui poussaient souvent les victimes d’agression sexuelle à attendre parfois des années pour parler de ce qu’elles ont subi.

– Deborah Davis et Elizabeth Loftus, expertes de la défense: ces deux spécialistes en psychologie ont travaillé sur les troubles de la mémoire chez les personnes qui se disent victimes d’agression sexuelle.

Dans le public

La célèbre avocate Gloria Allred, qui représente deux des accusatrices de M. Weinstein, sera dans le public pour les soutenir. Des militantes des mouvements #MeToo et Time’s Up sont aussi attendues.

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