Jean-Claude Gautrand: Paris en 500 photos
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Historien, critique et copain de la bande des photographes humanistes, Doisneau et Ronis en tête, Jean-Claude Gautrand (1932) aura au total visionné 100 000 images pour retenir les 500 qui nourrissent cette copieuse somme visuelle dédiée à cette ville, la sienne, qu’on dit sans doute « lumière » parce qu’elle est aussi le berceau de la première photographie. C’était sur le boulevard du Temple un jour de 1839 avec un certain Daguerre à la barre…
À la faveur d’une indéniable photogénie, la » fourmillante cité, cité pleine de rêves » de Baudelaire ne cessera dès lors d’exciter le regard des amoureux du boîtier, amateurs ou professionnels. C’est grâce à eux, chasseurs de l’instant doublés de témoins de la grande et de la petite histoire, qu’a pu émerger cette anthologie de 150 ans travaillée à parts égales par un permanent souci de mémoire et d’exigence esthétique. Des bouleversements haussmanniens à nos matins bobos (un peu trop maigrement traités) en passant par les affres de l’Occupation et les remous d’un célèbre mois de mai, la saga parisienne se déroule dans toute sa théâtralité. Fascinant !
À l’arrivée, une espèce de spleen sourd pourtant de ce gros volume. À travers le regard de Jean-Claude Gautrand, les éditions Taschen dressent après Berlin et New York le portrait d’une métropole où l’on sent en effet poindre une nostalgie que ne partagent pas avec autant d’intensité ses consoeurs allemande et américaine. Celle d’un âge où la flânerie était comparée par Balzac à la gastronomie de l’oeil. Celle d’une époque dorée qui fait de Paris la belle endormie la plus visitée au monde. Et qui attend, croirait-on, l’arrivée du prince charmant comme le laisse suggérer la nymphe narcissique et alanguie d’Helmut Newton ornant la jaquette de cet ouvrage magistralement mélancolique.
B.G.
Retrouvez les commentaires de l’auteur sur 5 photographies iconiques de Paris dans le diaporama ci-dessus.
Paris : portrait of a city, par Jean Claude Gautrand, Taschen
Le commentaire de Jean Claude Gautrand : « Voici une photographie assez acrobatique. Si ma mémoire est bonne Frank Horvat a du réaliser cette prise de vue non pas à quatre pattes mais dans une bouche d’égout juste à la surface du trottoir, pour avoir cette déformation énorme des chaussures qui sont gigantesques par rapport à la tour Eiffel qui a l’air minuscule. On a un jeu visuel assez extraordinaire dans cette construction. Nous sommes dans les années 70, ce sont des années d’expérimentation dans le domaine de la photo de mode. »
Le commentaire de Jean Claude Gautrand : « L’un des plus spectaculaires accidents du XIXe siècle. Le train en provenance de Granville, roulant entre 40 et 60 km/h ( !) ne put s’arrêter à temps, brisa les heurtoirs, franchit les quais et défonça le mur de la façade de la gare pour tomber, rue de Rennes. Cette photographie marque son époque. C’est un document rarissime. »
Le commentaire de Jean Glaude Gautrand : « Izis est un poète. C’était le grand ami de Prévert. Il fait partie de la grande école des humanistes des années 40-50. Avec Doisneau et Ronis. Ses photographies sont toujours empreintes d’une sérénité mais aussi d’une mélancolie et d’un atemporalité. Ce n’est pas lui qui aurait photographié l’accident du train à la gare Montparnasse. Ça lui est complètement égal. Il préférait flâner, saisir des petits moments de lumières, du quotidien. Cette image de la pointe du Vert Galant est d’une sérénité totale, c’est l’endroit typique où Paris aimait flâner. Et Paris, c’est la flânerie, c’est une des caractéristiques de la ville. Balzac a dit que la flânerie dans Paris c’était la gastronomie de l’oeil. Isiz est un gastronome de l’oeil. »
Le commentaire de Jean Claude Gautrand : « Dans les années 1960, Melvin Sokolsky a imposé son style surréaliste dans la photo de mode avec une série célèbre de mannequins lévitant dans des bulles de Plexiglas spécialement fabriquées, au dessus-de Paris, ou comme ici sur la Seine devant le pont Neuf. C’est assez spectaculaire. On est en 1963! Ça faisait rêver à l’époque. On n’avait pas Photoshop. La boule était tenue par un mince fil à une grue. Et puis quel sens du cadrage ! Et la répétition de la courbe de la boule dans les arches du pont, c’est parfait formellement en plus d’être ahurissant. »
Le commentaire de Jean Claude Gautrand : « En 1971, j’ai passé un mois à photographier la démolition des Halles de Baltard, le célèbre marché parisien que Zola appelait le ventre de Paris. Dès 1969, le grand marché alimentaire est transféré à Rungis. A partir de 1969, les pavillons sont reconvertis en forum culturel : il y a des concerts, des expos,…Une véritable agora. C’est un lieu qui attirait énormément de monde. C’était mal vu, on était juste après mai 68. Les autorités ont décidé de démolir les 8 pavillons datant de 1856 ! Il y a eu des manifestations d’architectes. Un groupe d’américains qui a proposé de tout racheter pour un milliard de francs. Un seul a été sauvé, il est à Nogent-sur-Marne (ndlr : le célèbre pavillon Baltard qui accueillait La Nouvelle Star) C’est une photo que j’ai faite en colère, impuissant face au carnage. Je voulais documenter le côté atroce de la chose. Ironie de l’histoire : ils sont occupés quarante ans après à démolir l’actuel forum des Halles… »
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