La nouvelle campagne de Dior pour le parfum Sauvage accusée d’appropriation culturelle

© Eric Guillemain pour Parfums Christian Dior
Isabelle Willot

Dévoilé vendredi soir, le nouveau spot publicitaire pour le parfum Sauvage de Dior fait l’objet de violentes critiques sur les réseaux sociaux. On y voit Johnny Depp jouer de la guitare aux côtés d’un danseur amérindien sur les terres ancestrales des tribus Utes, Apaches et Navajos. Des choix risqués que la marque avait tenu à faire valider par des consultants « natives » afin de se prémunir de toute accusation d’appropriation culturelle. Cela n’a pas suffit.

Il s’appelle Canku One Star, c’est un habitué des « battles » organisées lors des pow-wows réunissant différentes tribus. Chaque semaine, il « affronte » ainsi d’autres danseurs dans un rituel codifié inspiré des anciennes danses guerrières très physiques qui racontent en les mimant les corps-à-corps et les exploits des champs de bataille. Il est aujourd’hui l’un des protagonistes du nouveau spot tourné par Dior pour le parfum Sauvage en terre amérindienne. Aux côtés de Johnny Depp auquel il vole la vedette, on aperçoit aussi Tanaya Beatty, une jeune actrice amérindienne native de Vancouver.

Tanaya Beatty apparaît aussi dans le spot aux côtés de Johnny Depp.
Tanaya Beatty apparaît aussi dans le spot aux côtés de Johnny Depp.© Eric Guillemain pour Parfums Christian Dior

Le spot dont quelques extraits ont été diffusés vendredi soir sur les réseaux sociaux de la marque – et retirés depuis… – a été accusé de racisme par de nombreux internautes, indignés surtout par l’association du mot « Sauvage » à la présence d’acteurs amérindiens sur le set. Sous-titré « We are the land », le film est tourné une fois encore par Jean-Baptiste Mondino qui signait déjà le premier opus. Il se présente comme « une plongée authentique dans l’âme amérindienne d’un territoire sacré, fondateur et séculaire ».

Cette nouvelle campagne, assure-t-on pourtant chez Dior Parfums « se veut un hommage puissant à une culture évoquée avec infiniment de respect ». Une parti pris risqué à l’heure où de plus en plus de marques de mode se voient accusées d’appropriation culturelle par des minorités lassées de voir leur héritage pillé et utilisé à des fins commerciales sans en retirer le moindre bénéfice.

Un tournage sous la haute surveillance d'un comité de
Un tournage sous la haute surveillance d’un comité de « natives »© Eric Guillemain pour Parfums Christian Dior

Pour éviter tout dérapage, les équipes de Dior Parfums ont pourtant été accompagnées à chaque étape du tournage par des consultants « natives » membres de l’association Americans for Indian Opportunity (AIO). Tous ont à leur actif des années d’expérience dans la lutte contre l’appropriation culturelle et pour une inclusivité authentique. « L’appropriation culturelle est un énorme problème pour nous auquel nous avons dû faire face depuis la colonisation, rappelle l’activiste et universitaire Ron Martinez « Looking Elk », dans l’une des vidéos explicatives qui accompagnent la communication autour du projet. Dans un contexte contemporain, nous avons surtout eu affaire dans les films, à des représentations stéréotypées d' »Indiens » portant des plumes sur la tête et se comportant mal. Il était particulièrement important pour moi de vérifier que sur ce tournage les éléments de la culture amérindienne étaient traités avec respect et de manière appropriée ».

Un point de vue qui ne semble pas avoir convaincu toute la communauté. « Ce spot est très offensant et raciste, s’indignait Crystal Echo Hawk, CEO d’Illuminative d’une association de défense des Amérindiens sur Twitter. Je ne comprends pas comment l’on peut encore imaginer en 2019 qu’une telle campagne puisse bien se passer. » Même désapprobation de la part de Dallas Goldtooth, membre de l’Indigenous Environmental Network. « Cette vidéo montre une vision romantique des Amérindiens et les cantonne dans un rôle de reliques du passé, assure-t-il. C’est déplorable que Dior puisse trouver cela approprié. »

Les références culturelles visuelles n'appartiennent à aucune tribu en particulier.
Les références culturelles visuelles n’appartiennent à aucune tribu en particulier.© Eric Guillemain pour Parfums Christian Dior

Pour Ron Martinez, en revanche, il n’y a pas de mal, bien au contraire. « Le résultat est à la fois authentique d’un point de vue indigène et en même temps aucune référence n’est spécifique à une culture en particulier car nous avons pris soin d’impliquer énormément de « natives » à chaque étape », précise celui qui a été associé à chaque étape du tournage jusque dans le choix du casting des deux jeunes co-stars de Johnny Depp sur le tournage.

« Nous avons besoin de plus de représentativité dans les médias mainstream, insiste Canku One Star. C’est un moyen idéal d’éduquer et de montrer à une large public la magnifique culture qui est la nôtre ». Rares sont sans doute les non amérindiens à avoir jamais assisté à une performance du jeune danseur qui est pourtant une star de sa discipline. La chorégraphie interprétée par Canku One Star a été créée pour suivre le morceau de guitare joué par Johnny Depp. « Ces danses sont une manière unique pour nous de garder notre identité et de faire vivre notre culture aussi longtemps que nous sommes ici, conclut le fancy war dancer. « Un projet comme celui-ci est une plateforme idéale pour ouvrir un dialogue entre les cultures, poursuit Ron Martinez. Il n’est pas question de « vendre » quoi que ce soit de notre identité, c’est une célébration. »

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La présence de Johnny Depp dans le spot suscite également pas mal de réactions négatives. L’acteur se dit pourtant depuis longtemps proche de Amérindiens. S’il n’a jamais pu véritablement prouver, comme il l’a parfois laissé supposer, ses origines Cherokees, il a été adopté par les Comanches qui lui ont donné le nom de Mah-Woo-Meh, ce qui signifie « changeur de formes » en référence à ses capacités à se métamorphoser. Sa mère adoptive et la fille de celle-ci font d’ailleurs partie elles aussi de l’AIO. Une association à laquelle la maison Dior a également fait une donation afin de la soutenir dans ses projets.

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