Le restaurant Correspondance va-t-il enfin réconcilier Bruxelles et San Degeimbre ?

correspondance restaurant san degeimbre
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Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

Près de 10 ans après sa première incursion dans la capitale, le chef de l’Air du temps revient sur sa relation compliquée avec la ville… au moment d’inaugurer la toute nouvelle brasserie Correspondance.

La restauration à Bruxelles ne semble pas avoir été un long fleuve tranquille pour le fer de lance de la gastronomie wallonne…

San Degeimbre : Quand je suis arrivé à Bruxelles, mon idée était de créer des établissements qui ne seraient pas de simples extensions de l’Air du Temps mais des lieux de vie où mes seconds et mes collaborateurs pourraient s’exprimer, développer leur propre style. Cela a réussi pour plusieurs talents comme Toshiro Fujii, Kevin Perlot ou encore Valerio Borriero. Cependant, le contexte bruxellois est complexe pour les entrepreneurs Horeca. Si l’appétit des habitants pour les nouvelles adresses est fort, leur fidélité en revanche est volatile. Au final, ce qui semblait une belle opportunité d’ancrage dans la capitale s’est avéré difficile à faire exister dans le temps.

Où en êtes-vous aujourd’hui?

Entre les politiques locales peu favorables, les coûts élevés et une clientèle qui papillonne d’une adresse à l’autre, Bruxelles n’est pas le terrain le plus simple. Concrètement, j’ai mis fin à Vertige, rue de Flandre, et je fermerai San Sablon à la fin de l’année (une enseigne ouverte avec l’animateur Arthur comme investisseur). La raison de ces fermetures est très pragmatique. Ces établissements ne me rapportent rien. Jusqu’ici, cela ne posait pas de problème parce qu’au moins ils faisaient gagner de l’argent aux employés. A partir du moment où il commence à y avoir des pertes, la situation est différente. Du côté des bonnes nouvelles, il y a le comptoir Korean Tiger, qui fonctionne très bien sur le site de Tour & Taxis, et Anju à Saint-Gilles dont le succès ne se dément pas. Et sous peu, Correspondance que nous nous apprêtons à inaugurer…

Les difficultés rencontrées ne vous ont donc pas dissuadé de lancer un nouveau projet?

Correspondance est une opportunité unique pour proposer quelque chose de différent dans un cadre magnifique, celui de la Gare Maritime qui historiquement est un lieu où les cultures se croisaient. Plutôt que d’ouvrir un food market ou un concept rapide, j’ai voulu une brasserie où l’on retrouve mon approche de la cuisine : soignée, respectueuse des produits et inspirée par le voyage. Je souhaitais offrir un endroit où les gens peuvent profiter de plats simples mais travaillés, un lieu où on peut s’asseoir, prendre le temps, tout en étant entouré d’une ambiance calme, loin de l’agitation du centre-ville. C’est vraiment un retour à l’essentiel pour moi, avec une cuisine de proximité, mais enrichie de saveurs du monde.

Quels types de plats pourra-t-on retrouver sur la carte?

La carte de Correspondance est pensée comme une brasserie classique, mais avec des touches inspirées du voyage. Nous avons par exemple un tartare de bœuf, mais revisité avec des saveurs coréennes, une aubergine au miso qui apporte un accent japonais, ou encore un ceviche péruvien. On retrouve aussi des classiques comme un steak au poivre flambé en salle, dans un style bien français. Ce que je veux, c’est offrir des plats rassurants, tout en y intégrant des twists culturels subtils qui surprennent sans dérouter. L’idée est de combiner le confort d’une brasserie avec un clin d’œil à l’évasion.

Faut-il voir là une réponse apportée à un besoin de réassurance exprimé par une clientèle en prise avec un contexte global difficile?

Je crois qu’aujourd’hui, les gens cherchent avant tout un certain confort et des repères lorsqu’ils sortent dîner. Le contexte global, qu’il soit économique, politique ou social, pousse les clients vers des valeurs sûres, des plats qu’ils connaissent, qu’ils maîtrisent. C’est aussi une manière pour eux de retrouver du contrôle sur quelque chose de tangible, de familier. En vrai, mon état d’esprit aujourd’hui c’est de donner aux gens ce qu’ils attendent. Qu’il s’agisse d’un bistro, d’un gastro ou d’une brasserie, il faut qu’ils puissent renouer avec l’imaginaire collectif associé à ces catégories. Je veux les installer dans ce confort et puis, une fois assis, oser des notes inattendues. Avec Correspondance, j’ai donc voulu construire une carte reprenant les grands classiques de la brasserie. L’idée est de créer un cadre où les clients se sentent bien, en sécurité, tout en étant ouverts à des découvertes subtiles. Cette approche permet d’ancrer la clientèle dans une expérience rassurante, mais enrichie de petites touches d’ailleurs, répondant ainsi à leur besoin de stabilité tout en cultivant une part de surprise.

Vous évoquiez le sourcing des produits. Comptez-vous faire appel à votre potager de l’Air du Temps pour alimenter Correspondance?

Absolument. Nous avons travaillé dur pour optimiser notre potager à l’Air du Temps, ce qui nous permet aujourd’hui de fournir plusieurs établissements en produits frais et de qualité. On trouvera donc des légumes de notre jardin, des poissons issus de pêches durables, et des ingrédients choisis avec soin pour leur empreinte écologique. Mon ambition est de prolonger notre philosophie locale et durable au cœur de Bruxelles, afin d’offrir des produits à la fois savoureux et respectueux de l’environnement. Nous avons cette autonomie qui nous permet d’être en adéquation avec nos valeurs, même en pleine ville.

Qui composera l’équipe de cette nouvelle adresse, et comment allez-vous gérer les opérations sur place?

En cuisine, c’est Louis de Brouwer, un de mes fidèles collaborateurs, qui sera aux commandes. Il a été mon second pendant quatre ans et a ensuite beaucoup voyagé, ce qui enrichit sa vision culinaire. En salle, Philippe Lamourette, un ancien de Vertige, assurera un accueil de qualité. J’ai aussi confié la gestion humaine et administrative à Sachin Malhotra. Toute l’équipe est issue de mes établissements précédents, ce sont des personnes en qui j’ai entière confiance et qui partagent ma vision. Cela garantit une cohérence dans l’expérience que l’on veut offrir aux clients : un service chaleureux, une cuisine soignée et une ambiance où l’on se sent bien.

Vous travaillez avec des partenaires sur ce projet. Qui sont-ils et comment contribuent-ils au projet?

Pour l’Air du Temps, cela fait 27 ans que Carine Nosal et moi sommes indépendants, mais à Bruxelles, nous avons décidé de collaborer avec des associés pour mieux structurer les opérations. Nos partenaires – Grégory Marlier et Marco Ferracuti (Peck 47, Bia Mara…) – possèdent une solide expérience dans l’Horeca bruxellois. Leur expertise opérationnelle nous permet de nous concentrer sur la cuisine, tandis qu’ils s’occupent de l’aspect logistique. Lionel Majorovic, l’un des trois fondateurs de Culinaria, est aussi de l’aventure. Cette synergie est un vrai atout qui renforce notre ambition de créer une adresse pérenne.

Namur, qui est géographiquement plus proche de l’Air du Temps, ne vous a-t-il jamais tenté?

J’y ai bien sûr réfléchi mais Namur reste un marché encore plus restreint que Bruxelles. La ville a une population moins dense et un intérêt pour la gastronomie un peu plus de niche. De plus, le budget que les Namurois allouent à la restauration est souvent plus limité. Cela dit, il y a des initiatives intéressantes à Namur, avec des concepts comme Alfonse qui fonctionnent bien, et j’admire les efforts de mes collègues dans la région. Peut-être qu’un jour je me lancerai dans un projet là-bas, mais je pense qu’il faudrait adapter l’offre pour qu’elle soit plus accessible et alternative. Namur s’ouvre doucement à de nouvelles propositions culinaires, et peut-être que dans quelques années, il y aura davantage d’espace pour un concept audacieux mais durable.

Il se murmure que l’offre de San Sablon va changer jusqu’à la fermeture, qu’en est-il?

C’est exact. Mon chef Baptiste Villanneau étant tombé malade, j’ai été obligé d’envoyer deux cuisiniers pour le remplacer au pied levé. J’ai pensé que ce serait bien d’y faire un pop-up « Air du temps ». Soit, un menu 100% comme à Liernu avec un pairing vins et des produits de haut niveau. Ce sera une façon de conclure avec panache.

Correspondance, 9, rue Picard, à 1000 Bruxelles. correspondance.brussels

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