Le rêve américain de Serge Strosberg, peintre belge humaniste

© "OLGA DE RUSSIE" STROSBERGMANDEL. PHOTO : JAMES ET CARLA MURRAY

Il les observe, les écoute, puis se pose devant son chevalet. L’artiste belge, expatrié à New York, a fait du portrait sa marque de fabrique et raconte des histoires d’hommes à coups de pinceaux empathiques. L’émotion de ses modèles ressort de ces oeuvres, telles des toiles flamandes contemporaines, exposées désormais dans cinq musées de par le monde.

Plus que des dessins, les tableaux de Serge Strosberg sont des récits. C’est que l’Anversois prête une attention particulière à l’humain, et ce peut-être grâce à son enfance. Issu d’une famille de collectionneurs, avec un père chercheur, découvreur du gène de l’obésité, et une mère auteure et historienne de l’art, il a reçu une éducation humaniste d’aînés qui ont toujours oeuvré pour autrui. « J’ai une famille extraordinaire qui m’a beaucoup soutenu », dit-il.

Jeune adulte, l’artiste part à Paris étudier le graphisme à la célèbre Académie Julian, qui a vu passer des maîtres comme Léger ou Gauguin, et la morphologie à l’Ecole nationale des beaux-arts. « Dès 4 ans, j’ai commencé à dessiner. J’ai découvert plus tard la peinture de Chaïm Soutine, contribution majeure au mouvement artistique expressionniste, qui a été une révélation pour le développement de mon art », se rappelle notre compatriote, en souriant avec admiration. Citoyen du monde mais attaché à la Belgique, « un petit pays aux grands artistes », le quinqua prolifique se sent proche de la peinture flamande et allemande, se qualifiant d’expressionniste réaliste. Mais c’est après avoir vu une expo de Lucian Freud, maître de la peinture figurative, que le véritable déclic s’est joué. « Mon travail est une forme de thérapie, pour moi, pour l’autre. Je m’intéresse à ce qui se trouve à l’intérieur3, explique-t-il, sur un ton posé de… thérapeute.

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Ses premières commandes, Serge Strosberg les recevra à Londres, alors qu’il garde durant l’été des maisons de notables. Dans la campagne anglaise aux demeures cossues, son talent éclate sur des représentations de deux mètres sur deux, dont celle de la famille de Jacqueline du Pré, célèbre violoncelliste britannique. Les événements s’enchaînent ensuite pour le Belge avec une première présentation de son travail à l’Espace Saint-Honoré, à Paris. En 2008, c’est l’accélération avec un nouvel accrochage à la Felix-Nussbaum-Haus, en Allemagne. Il y confirme son don, côtoyant aux cimaises Rothko, Modigliani et son inspiration des débuts, Soutine… Dans la foulée, en pleine crise économique, l’audacieux s’installe à New York qu’il décrit comme « une ville dure où il faut se battre ». Depuis l’escalier de secours de son studio de Soho, il voit défiler des centaines de gens sur Broadway, « une énergie fantastique » qui nourrira son art.

Dans la ville qui ne dort jamais, une rencontre déterminante fera encore évoluer l’homme, celle avec le créateur américain de bijoux, David Mandel. En parfaite symbiose, le duo déjanté imagine des oeuvres en trois dimensions, dont notamment celle représentant le chanteur Prince, réalisée juste après son décès et vendue 35.000 dollars à la décoratrice d’intérieur de Caitlyn Jenner. « Je mène une double carrière: extravagante avec David et intime mes tableaux », plaisante-t-il.

Aujourd’hui, l’Anversois partage ses activités entre Big Apple et Palm Beach. Et il reçoit de plus en plus de demandes de portraits, comme celui du juge fédéral de West Palm Beach – « C’était comme si lui m’avait demandé de le juger », se remémore-t-il. A chaque fois, Serge Strosberg capture l’essence de son modèle, dans un espace-temps variant de trois à huit semaines, comprenant plusieurs séances-photos, de longues poses et des croquis. Patiemment, il en profite pour écouter chaque histoire, avouant avoir la faculté « de mettre les gens en confiance ». Sa plus belle récompense : saisir le sourire aux larmes de ceux qui posent quand ils voient le résultat pour la première fois.

Actuellement, Robert Adanto, réalisateur américain, capte le travail du portraitiste peignant des vétérans: « On sert la nostalgie, l’émouvant témoignage d’hommes aux séquelles entre le passé et le présent. » Se voyant comme un témoin discret et bienveillant d’une époque, il conclut: « Au-delà de nos différences, nous sommes tous des êtres humains. »

Bio express

1966 Naissance à Anvers.

1993 Diplômé de l’Académie Julian, à Paris.

2006 Expo à l’Orangerie du Sénat, à Paris.

2008 Départ pour New York et expo de portraits à la Felix-Nussbaum-Haus à Osnabrück.

2013 Expo de la série Agalmatophilia sur Madison avenue, nommée huitième meilleur show à New York par le magazine Guest of a Guest.

2019 Portrait d’un vétéran du Vietnam, premier volet d’une série de documentaires par le réalisateur Robert Adanto.

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