Le tennis est-il sexiste: après déshabillage d’Alizé Cornet, le ton de Serena Williams sanctionné

© Reuters

Excès de zèle de l’arbitre? Sexisme? Au lendemain de la finale de l’US Open, le monde du tennis s’interroge sur les raisons de la colère de Serena Williams, défaite par la Japonaise Naomi Osaka.

La star américaine, qui a laissé filer l’occasion de remporter un 24e titre en Grand Chelem, a écopé de 17.000 dollars d’amende dimanche, pour ses trois avertissements reçus pour « coaching », « bris de raquette », puis « insulte ».

En six jeux, l’escalade

Quand tout commence, Serena est dominée dans le jeu et vient de perdre le premier set 6-2. A 1-0 dans le second, Osaka mène 40-15 sur son service quand l’ex-N.1 mondiale reçoit un avertissement pour « coaching », interdit en match. L’arbitre, le Portugais Carlos Ramos, a décelé un geste de son entraîneur Patrick Moratoglou que la joueuse n’a pas perçu.

S’ensuit une discussion en plusieurs épisodes avec l’arbitre de chaise, qui s’envenime.

« Je ne triche pas pour gagner, je préfère encore perdre », se défend sur-le-champ l’Américaine. « C’est incroyable. Je n’ai pas reçu de « coaching ». Je n’ai jamais triché de ma vie. Vous me devez des excuses », reprend-elle au changement de côté, outrée.

C’est après un second avertissement reçu pour avoir fracassé sa raquette, qui lui vaut un point de pénalité, que Serena sort de ses gonds. « Vous attaquez ma personne. Vous avez tort. Vous n’arbitrerez plus jamais un de mes matches. Vous me devez des excuses. C’est vous le menteur », ne décolère-t-elle plus. « Vous êtes un voleur. Vous m’avez volé un point », l’accuse-t-elle. C’est à ce moment-là que l’arbitre portugais lui inflige un troisième avertissement, synonyme de jeu de pénalité, une sanction rare à ce niveau.

Deux jeux plus tard, la star américaine s’incline dans la confusion et voit son rêve d’égaler le record absolu de titres en Grand Chelem (24), s’envoler.

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Dans sa conférence d’après match, Serena Williams fait référence au tempérament sanguin d’autres joueurs, envers lesquels l’arbitrage s’est toujours montré plus clément. Voici un exemple du plus sanguin des gauchers.

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L’arbitre avait-il raison ?

Carlos Ramos a appliqué le règlement au pied de la lettre. Ce que sanctionne l’arbitre par un premier avertissement, c’est un geste des mains fait par l’entraîneur de Serena Williams depuis les tribunes. Un geste que lui-même ne conteste pas. En revanche, l’entraîneur français critique la diligence de M. Ramos à appliquer un « warning », alors que ce genre de situation se produit à longueur de saison. « Est-ce que j’ai coaché ? Oui, j’ai coaché. J’ai fait des gestes », reconnaît Patrick Mouratoglou.

« 100% des coaches coachent sur 100% des matches, toute l’année, et tout le monde le sait. Dans 100% des cas que j’ai vus, on prévient d’abord la joueuse. Il ne l’a pas fait. S’il avait prévenu Serena, il n’y aurait pas eu d’incident invraisemblable inutile », juge-t-il sur Eurosport. « C’est très regrettable. »

Une position défendue par d’autres joueurs, actuels comme anciens. « J’ai parfois reçu un « pré-avertissement » par l’arbitre, qui me disait: « Arrête ça ou je devrais te mettre un avertissement », s’est souvenu l’Américain James Blake, ancien N.4 mondial. Il aurait dû au moins lui donner cette chance. »

« Patrick a admis avoir coaché et il est clair qu’il a essayé de lui dire quelque chose mais tout le monde coache, alors pourquoi ? », s’est interrogée la Française Kristina Mladenovic.

« Coacher devrait être autorisé en tennis. Ca ne l’est pas, et une joueuse se retrouve pénalisée pour une action de son entraîneur, ça ne devrait pas arriver », tranche l’emblématique Billie Jean King.

Si l’avertissement pour « bris de raquette » n’est pas contesté, le troisième, pour « insulte », fait aussi débat. « Je dois admettre que j’ai dit pire sans être pénalisé », reconnaît Blake. « Il est dans son pouvoir de prendre cette décision, mais le bon sens aurait dû primer », estime l’ex-N.1 mondial Andy Roddick.

Serena Williams, comme plusieurs joueuses, a même vu une marque de « sexisme » dans la décision de l’arbitre.

La star américaine a reçu le soutien de la WTA dimanche. « Il ne devrait pas y avoir de différence de degré dans la tolérance face aux émotions exprimées par les hommes et les femmes », écrit le directeur de l’organisation Steve Simon. « Nous ne pensons pas que ça a été le cas. »

« Dans un match masculin, ça ne se serait pas passé comme ça », affirme elle l’ex-N.1 mondiale Victoria Azarenka. « Merci de dénoncer ce deux poids, deux mesures », renchérit King.

Pas son premier coup d’éclat

Ce n’est toutefois pas la première fois que Serena perd ses nerfs à l’US Open. En demi-finale en 2009, opposée à Kim Clijsters, la cadette des soeurs Williams (36 ans) avait très mal réagi à une faute de pied signalée sur son service, qui offrait deux balles de match à la Belge. « Si je pouvais, je prendrais cette balle et je te l’enfoncerais dans la gorge », avait-elle alors menacé la juge de ligne, selon des médias américains. Un comportement qui lui avait valu un second avertissement, synonyme de point de pénalité – et donc de match perdu -, puis une amende de 10.500 dollars (7.200 euros).

Un nouvel incident s’était produit en 2011, en finale contre Samantha Stosur, quand elle s’en était prise verbalement à l’arbitre grecque Eva Asderaki après avoir reçu un point de pénalité, Serena ayant poussé un sonore « Come on » (Allez) sur un coup droit gagnant avant même que la balle n’arrive dans la moitié de terrain de l’Australienne.

Quelques jours plus tôt, le tee shirt d’Alizé Cornet créait la polémique

Alizé Cornet n’a pas manqué de tenue: l’US Open a fait amende honorable le 29 août dernier après l’avertissement reçu par la Française pour avoir renfilé son haut à même le court, une décision arbitrale qui a soulevé un vent de critiques.

« Nous regrettons qu’un avertissement ait été adressé à Alizé Cornet hier » (mardi), écrivent les organisateurs dans un communiqué. « Nous avons clarifié le règlement pour s’assurer que cela ne se reproduira pas à l’avenir. Heureusement, l’avertissement qu’elle a reçu n’a pas été suivi d’une sanction ou d’une amende. »

Les questions vestimentaires ne cessent décidément de faire débat dans le tennis: cet incident intervient quelques jours après que le président de la Fédération française (FFT) Bernard Giudicelli a déclaré que la remarquée combinaison noire moulante ceinturée de rose revêtue par Serena Williams lors de la dernière édition du tournoi parisien ne serait « plus acceptée ». Des propos qui continuent de faire polémique alors que la principale intéressée a joué l’apaisement.

Cornet (28 ans) a, elle, été avertie mardi au cours de son match du premier tour, perdu contre la Suédoise Johanna Larsson (4-6, 6-3, 6-2).

De retour sur le court après une pause de dix minutes accordée en raison de l’étouffante chaleur humide régnant sur New York, la Française, se rendant compte qu’elle avait enfilé son tee-shirt à l’envers, s’est tournée face au mur de fond de court pour le retirer brièvement et le remettre à l’endroit, laissant apparaître une brassière noire. Ce qui lui a valu dans la foulée un avertissement de l’arbitre de chaise de la rencontre.

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Une décision qui a déclenché une vague de critiques sur fond de sexisme, certains dénonçant deux poids deux mesures, en soulignant que les joueurs, eux, se changent fréquemment – en particulier dans de telles conditions météo – sur le court.

« Ridicule »

« Alizé Cornet revient sur le court après une pause de dix minutes. Avec son tee-shirt à l’envers. Elle le remet à l’endroit en fond de court. Elle reçoit un avertissement. Pour comportement non sportif… Mais les hommes peuvent se changer sur le court », a comparé sur Twitter Judy Murray, la mère de l’ex-N.1 mondial Andy Murray et entraîneur de longue date.

« Si je disais vraiment ce que j’en pense, ce serait coupé, parce que c’était ridicule », a lancé l’ex-N.1 mondiale Victoria Azarenka, interrogée sur le sujet en conférence de presse, après sa qualification pour le troisième tour.

« Elle n’a rien fait de mal. Il n’y avait rien d’irrespectueux », a poursuivi la Bélarusse, qui s’est félicitée que les organisateurs se soient « excusés » et a « espéré que ça n’arrive plus jamais ».

« Très étonnée » de la « proportion incroyable » prise par cette affaire, Cornet a dit mercredi n’y voir qu’une « erreur d’arbitrage, rien de plus ». « Je pense juste que l’arbitre a été dépassé par la situation », a-t-elle ajouté, expliquant être « passée outre très vite ».

« Tous les joueurs (et joueuses) peuvent changer de haut quand ils sont assis sur leur chaise. Ce n’est pas considéré comme une infraction au règlement », souligne le texte des organisateurs de l’US Open.

« Les joueuses, si elles le souhaitent, peuvent aussi se changer dans un lieu plus discret à proximité du court, quand cela est possible », précise-t-il.

Azarenka a toutefois estimé que la question de l’égalité entre les femmes et les hommes n’était pas encore réglée sur le circuit. « Il y toujours deux poids deux mesures entre les hommes et les femmes. On doit continuer à casser ces barrières », a-t-elle asséné. « Ce genre de choses doivent s’arrêter, ça suffit. »

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