Livres: 5 ovnis littéraires, dont vous ne reviendrez pas totalement
A l’occasion de la Foire du Livre de Bruxelles qui s’ouvre ce jeudi à Bruxelles, petit zoom sur cinq ovnis littéraires dont la forme et/ou le fond ont tout misé sur l’originalité pour dérouter – et épater – les lecteurs les plus avertis.
La mâchoire de Caïn
L’auteur britannique Edward Powys Mathers a choisi le pseudonyme de « Torquemada » pour rédiger cette enquête policière en forme de puzzle littéraire. Mieux vaut le savoir : depuis sa publication en 1934, officiellement, seules 3 personnes ont réussi à déchiffrer l’énigme et à comprendre ce que le résumé du livre leur disait. A savoir : Six meurtres. Cent pages. Des millions de possibilités. Et une seule est la bonne… »
Pourquoi c’est si complexe ? Parce que les pages ont été mélangées et qu’elles peuvent se lire de façon totalement aléatoire, dans n’importe quel ordre. Quant à l’écriture, elle prend la forme de réflexions et d’observations oniriques écrites en « je » qui sèment un peu le trouble à chaque phrase… Bon amusement !
La mâchoire de Caïn, Edward Powys Mathers, disponible en Livre de Poche.
Le livre sans nom
C’est en 2006 que sort Le livre sans nom, qui s’avérera être le premier volet d’une série baptisée Bourbon Kid. Particularité de l’objet : il n’est signé par personne. Conséquence : les férus de polars fantastiques sont intrigués et sont nombreux à se ruer sur la chose, convaincus de pouvoir reconnaître la patte de l’auteur… ce qui n’arrivera jamais.
Un joli coup marketing, pour un récit qui emmène ses lecteurs en Amérique du Sud, où un serial killer assassine un à un ceux qui ont la malchance de dévorer les pages d’un… livre sans nom. Tout cela est extrêmement cohérent. C’est aussi assez sanglant et bourré de références à la pop culture façon Tarantino, Seven ou… Colombo. Vous avez dit déjanté ?
Le livre sans nom, auteur anonyme, disponible en Livre de Poche.
La Disparition
Il manque quelque chose à ce roman : « un rond pas tout à fait clos, fini par un trait horizontal », comme le précisa son auteur Georges Perec sur la quatrième de couverture. Le manque en question, c’est tout simplement la lettre E, absente de l’intégralité des trois cents pages de cet ouvrage inouï. Depuis sa sortie en 1969, le livre fascine, tant l’exercice de style éblouit ceux qui se plongent dans les méandres d’un récit qui part de sa propre contrainte pour décrire les événements entourant l’étrange disparition d’un certain Anton Voyl et des personnages qui, dès qu’ils s’approchent un peu trop près de la vérité, se volatilisent eux aussi.
Aujourd’hui encore, certains se questionnent sur la vraie thématique du livre, sujette à de nombreuses interprétations… Mais on n’en saura pas plus : il y a quarante ans, Perec lui-même disparaissait.
La Disparition, Georges Perec, éditions Gallimard.
Best-seller
C’est LE gros succès du moment au rayon thriller. Et un vrai mystère : qui donc a eu la prétention de baptiser son livre « Best-seller » alors que personne ne sait qui l’a écrit ? Réponse dans un ouvrage signé sous le pseudonyme Efsy Washington… qui est aussi le nom du personnage principal de l’intrigue (si vous suivez toujours). Une authentique mise en abyme, puisque l’héroïne en question est une romancière dont la carrière est au point mort et qui va bientôt être secourue par un agent littéraire qui va la convaincre d’élaborer une supercherie pour vendre plus de livres.
Bref, tout est réuni pour faire de ce bouquin un gros buzz… et ça marche. Une enquête a été lancée sur Facebook pour démasquer l’auteur/trice, avec un dialogue qui s’est noué entre les lecteurs et Efsy. Le coup de maître ultime ? Un certain Frank Thilliez – superstar du polar – a apposé son nom sur le fameux bandeau rouge de la couverture qui dit « Ceci n’est pas une pub (car ce roman n’en a pas besoin) ». Ça sent bon le pari gagné !
Best-seller, (auteur anonyme), éditions Alter Real.
Mort aux girafes
Ce fut l’un des événements de la rentrée littéraire de 2021, et on le doit à l’auteur Pierre Demarty. Le pitch ? Un suicide a priori « banal » qui va se transformer en thriller rempli de personnages bizarres et de digressions saugrenues. Seul impératif pour arriver au bout de cette intrigue à tiroirs ? Retenir son souffle, puisque le texte ne contient pas la moindre ponctuation. Un procédé qui rappelle bien sûr celui utilisé par Georges Perec (L’art et la manière d’aborder son chef de service pour lui demander une augmentation) ou Philippe Sollers (H et Paradis), mais aussi des récits moins connus nommés Anguille sous roche (Ali Zamir) ou encore le remarquable Verre cassé (Alain Mabanckou) monologue truculent qui a été classé en 2019 comme le 99e meilleur livre du siècle par The Guardian…
Mort aux girafes, de Pierre Demarty, éditions Le Tripode
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