Capitale polonaise depuis plus de quatre siècles, Varsovie est une ville où il fait bon vivre et se souvenir. Voici quelques manières de l’apprivoiser.

1. SE SOUVENIR AU MUSÉE POLIN

Retracer 1 000 ans de l’histoire des Juifs de Pologne : tel est l’ambitieux programme du musée Polin, inauguré en octobre dernier à Varsovie. Avant la Seconde Guerre mondiale, la ville abritait 350 000 Juifs, soit la plus grande communauté du globe après New York. En 1940, les Allemands ordonnent leur regroupement dans un ghetto qui préfigure la déportation vers les camps de concentration. Dans une chronologie scrupuleusement respectée, le visiteur s’immerge dans l’histoire ashkénaze à travers les siècles, des premières migrations au rôle de la religion et du commerce. La muséographie est limpide, interactive et parfois un peu trop riche en reconstitutions. Mais la leçon d’histoire captive de bout en bout… Le lieu est signé de l’architecte finlandais Rainer Mahlamäki qui a conçu un gigantesque quadrilatère de verre. Sobre et grave, forcément.

Musée Polin, 6, rue Mordechaja Anielewicza.

2. SE REPLONGER DANS LA DÉMESURE SOVIÉTIQUE

En 1955, Khrouchtchev succède à Staline et impose le pacte de Varsovie à ses pays  » amis  » d’Europe centrale. La Pologne en fait partie. Cette alliance militaire forcée vaut bien un cadeau de la part du Kremlin. Ce sera l’érection du Palais de la culture et de la science qui forme aujourd’hui le noyau du centre-ville. Cette folie architecturale de 231 mètres de hauteur, inspirée par les gratte-ciel new-yorkais, est une cousine des Sept Soeurs construites à la même époque à Moscou. Remarquablement conservé, l’édifice, qui se visite de l’intérieur et sous tous les angles, permet de se replonger dans le faste communiste. Les salles de conférence succèdent aux salles de bals dans un déluge de marbre et de grandiloquence. Un fascinant décor de cinéma qui sera bientôt complété par la réouverture de la salle de spectacle qui, dans les années 60, en plein réchauffement est-ouest, vit se produire sur scène Mick Jagger. Oui oui, un pur produit de la décadence impérialiste…

Palais de la culture et de la science, place Defilad.

3. SE RESTAURER DANS UN BAR À LAIT

Les Bar Mleczny, ou bars à lait, sont une institution en Pologne. Ces cantines bon marché ont connu leur heure de gloire durant la dépression des années 30 et sous l’ère communiste (1945-1989). Les Varsoviens venaient y chercher leur dose de protéines à l’époque des vaches maigres. Délaissées au profit des fast-foods lors de la chute du mur, elles ont à nouveau la cote. Pour le folklore, quelques enseignes ont gardé les chaînes en acier qui reliaient les couverts aux pieds de table afin de dissuader les voleurs d’embarquer l’argenterie ! Certaines cantines – il en reste une vingtaine – sont devenues des adresses en vue. Au numéro 10 de l’avenue Marszalkowska, dans un décor de resto branché londonien, on vient goûter aux pierogi, des ravioles fourrées qui constituent la base de l’alimentation polonaise. C’est simple, dense mais bon. En dépit du côté bobo du concept, le bar à lait a conservé son aspect démocratique – comptez 2,50 euros le repas… – et sa mixité sociale.

Bar Mleczny, 10/16, avenue Marszalkowska.

4. DÉCOUVRIR L’ART CONTEMPORAIN À LA GALERIE ZACHETA

Derrière la façade néoclassique de la galerie Zacheta, construite à la fin du XIXe siècle et recomposée après-guerre, se cache un formidable musée d’art contemporain. Sa programmation, aussi vaste que ses salles, est faite de rétrospectives d’envergure et de thématiques pointues faisant coïncider le travail monumental de stars comme Richard Prince ou Ai Weiwei et celui de jeunes artistes polonais de renom, comme la photographe et vidéaste Aneta Grzeszykowska. Les programmateurs n’ont pas peur de bousculer le cocotier des conventions. En 2000, Witold Tomczak, un eurodéputé de droite, a endommagé volontairement une oeuvre de Maurizio Cattelan qu’il jugeait scandaleuse. La sculpture, baptisée Nona Ora, représentait le pape Jean-Paul II écrasé au sol par une météorite. Dans un pays catholique où Karol Wojtyla demeure une icône, l’humour trash a ses limites…

Galerie Zacheta, 3, place Malachowskiego.

5. SE PERDRE (UN PEU) DANS PRAGA

Le quartier de Praga, sur la rive droite de la Vistule, n’a pas connu le même sort que le reste de la  » ville martyre  » détruite à 85 % par les Allemands entre 1939 et 1945. Dans son film Le Pianiste (2002), Roman Polanski s’est servi des rues de Praga pour reconstituer le (défunt) ghetto juif. Avec ses immeubles défraîchis et ses petites cours arrière, ses anciennes fabriques en briques rouges et ses adresses alternatives, Praga a la réputation d’être un pôle créatif en pleine effervescence. La réalité est cependant moins pétillante. A moins que la mue n’en soit qu’à ses débuts ? C’est ce qu’avancent les promoteurs immobiliers qui transforment les abords de l’ancienne usine à vodka Koneser en lofts chics. Mais pour l’heure, le quartier peine encore à décoller, même s’il n’est pas sans intérêt et retient l’attention pour son ambiance brute de décoffrage, son emballant musée du Néon (lire par ailleurs) et un programme de requalification, la Soho Factory, qui abrite un très recommandable restaurant au décor industriel chic, le Warszawa Wschodnia.

6. S’ÉLECTRISER AU NEON MUSEUM

Il fallait pas mal de perspicacité à Ilona Karwinska, une photographe polonaise basée à Londres, pour entrevoir la beauté plastique des néons ayant illuminé pendant des décennies les nuits grises de Varsovie. Les lettres lumineuses qui ont auréolé les dancings, les cinémas et autres Delicatessen étaient destinées à finir à la casse. L’artiste s’est mise en tête de les sauver et de les exposer dans un hangar du quartier de Praga. Le Neon Museum irradie de beauté dans un télescopage de pleins et de déliés. Une note ? Le triple A, bien sûr.

Neon Museum, 55, Budynek (Soho Factory).

7. SUIVRE (LIBREMENT) LA VOIE ROYALE

Pour qui veut rompre avec l’atmosphère des imposantes artères staliniennes, la rue Nowy Swiat est bienvenue. Située sur l’axe de la Voie Royale qui relie les trois anciennes résidences royales, elle a des allures de Kings Road londonienne avec son alignement au cordeau d’hôtels particuliers, de boutiques et de maisons de style rococo. Les amateurs de musique classique s’arrêteront au musée Frédéric Chopin ou à la Basilique Sainte-Croix où repose le coeur du compositeur franco-polonais. La  » Chopin mania  » a même donné lieu à un mobilier urbain d’un genre très particulier puisque les trottoirs sont bordés de bancs musicaux en hommage au pianiste virtuose. Un petit prélude en attendant le bus ? Pour un riff plus contemporain, mieux vaut emprunter les passages situés numéros 24 et 26 de Nowy Swiat qui débouchent sur les  » Pawilony « , un ensemble de petits bars étudiants qui, le soir venu, donnent un coup de fouet au quartier… et un petit coup de vieux au grand Frédéric.

8. CRAQUER POUR LES PÂTISSERIES DE SLODKI SLONY

Anja Rubik, le top-modèle polonais, en a fait l’une de ses adresses favorites. Est-ce une raison suffisante pour se précipiter au salon de thé Slodki Slony ? A priori non, sauf que cette bonbonnière que l’on croirait décorée par Wes Anderson (Grand Budapest Hotel) recèle d’excellentissimes gâteaux imprégnés de la tradition d’Europe de l’Est. Outre les tortes au Baileys (!) et le strudel aux prunes, on décerne la palme aux crumbles aux cerises. Du fait maison de premier ordre, réalisé avec des fruits de saison. Reste à savoir comment un mannequin peut se goinfrer de pâte à choux et de meringue et rentrer dans une taille 32.

Slodki Slony, 45, rue Mokotowska.

9. SE METTRE AU VERT PARC LAZIENKI

Varsovie compte quatre-vingt-deux espaces verts. Partout et de toutes les tailles, les paysages arborés ne manquent pas. Où s’octroyer une pause nature ? Le jardin public Ogrod Krasinskich, à l’ouest de la vieille-ville, est apaisant. Mais pour une dose supérieure de chlorophylle, il faut opter pour le parc Lazienki – 72 hectares – dans le quartier des ambassades. Un vrai parcours santé qui commence par les orangeries, se poursuit par une vue sur les pavillons baroques du XVIIe siècle, et se termine par la faune locale : paons en roue libre et écureuils roux à peine plus farouches que ceux de Central Park.

www.sohofactory.pl/en

10. SE BALADER À SASKA KEPA

De l’autre côté de la Vistule, non loin du stade national, Saska Kepa offre un paysage urbain bien différent du reste de la ville. Ce village bordé de cafés avec terrasses cultive une douceur de vivre inhabituelle. Les habitants les plus nantis et les ambassadeurs en ont fait leur lieu de résidence préféré. Le caractère unique du quartier, rattaché à Varsovie en 1916 seulement, repose sur l’architecture moderniste présente le long de l’avenue Francuska et dans les rues adjacentes. Les villas d’avant-garde aux allures de maquette y ont poussé par dizaines dans les années 30, en particulier sur la rue Katowicka qui rassemble les plus beaux vestiges du genre. Un indispensable guide rédigé en polonais et en anglais (SAS. Ilustrowany atlas architektury Saskiej Kêpy) permet de tout savoir et de s’y retrouver aisément.

PAR ANTOINE MORENO

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