A l’occasion de la sortie de Spectre, vingt-quatrième épisode des aventures du plus célèbre agent au service de Sa Majesté, on embarque pour un citytrip dans les pas de James Bond et de son créateur, Ian Fleming. Mission : sightseeing, adrénaline et shopping.

DAY 1

A peine sorti de l’Eurostar à la gare de King’s Cross St. Pancras, plongez au plus vite dans l’univers de votre espion favori en hélant un  » cab  » pour descendre vers Covent Garden, et plus précisément Wellington Street et le London Film Museum, qui accueille Bond in Motion. Soit la plus vaste collection de véhicules vus dans les films jamais rassemblée ; un régal absolu pour fans et nostalgiques, avec en guise d’entrée en matière une sélection de croquis et story-boards du génial Ken Adam, grand démiurge de l’imaginaire bondien. Comme il est de bon ton pour un garage de super-héros, fût-il agent anglais, les voitures sont au sous-sol. Et au bas de la cage d’escalier, accueilli par l’immense Rolls-Royce de Goldfinger, chacun comprend qu’il ne s’agit pas de simples moyens de transport mais d’éléments fondateurs d’une des plus grandes mythologies du cinéma.

L’expo exhibe évidemment le fidèle Walther PPK, quelques costumes, papiers d’identité et documents top secret, mais surtout de multiples engins, de préférence motorisés et modifiés par la section Q : hors-bord ou ULM, jet-ski ou jetpack, de belles américaines telles l’AMC Hornet de Vivre et laisser mourir, la Mustang des Diamants sont éternels et la Ford Cougar conduite par Diana Rigg ou la moto de la mémorable poursuite de Pierce Brosnan enchaîné à Michelle Yeoh. La période Roger Moore est ici largement représentée, avec le tuk-tuk, le crocodile factice et l’avion miniature d’Octopussy, la Citroën 2 CV jaune dans laquelle Moore fait des galipettes avec Carole Bouquet dans Rien que pour vos yeux, et la légendaire Lotus Esprit submersible. Le large contingent Aston Martin compte entre autres la V12 Vanquish de Meurs un autre jour, la Volante à skis de Timothy Dalton, pas mal de modèles amochés dont la DBS V12 qui réalisa sept tonneaux pour éviter Eva Green dans Casino Royale, et en vedette, la mythique DB5, apparue dans pas moins de six long-métrages en cinquante ans.

Après cette excellente introduction et tant qu’à se trouver en plein centre de Londres, on enchaîne avec une petite balade à l’affût des nombreux lieux de tournage locaux de la série. Le programme Bond de Brit Movie Tour prévoit des itinéraires à pied (2 h 30, 16 euros) ou en bus (3 heures, 36 euros), où, avec un peu de chance, un intarissable guide moustachu du nom de Stewart Kitchen-Reading vous distillera mille anecdotes en parcourant la capitale, de la Broadgate Tower, déguisée en gratte-ciel hongkongais dans Skyfall, aux entrées secrètes face aux halles victoriennes du Smithfield Market, sans oublier le quartier général du MI6 ; l’emblématique SIS Building, vu de Vauxhall Bridge, toujours debout après avoir été réduit en cendres par Javier Bardem à l’écran.

L’incollable Stewart vous fera peut-être également découvrir quelques musts du patrimoine architectural londonien, comme la Somerset House, transformée en Saint-Pétersbourg dans GoldenEye. Pour ceux qui voudraient pousser le concept à son paroxysme, il existe des formules VIP en Rolls-Royce, hélicoptère ou speedboat ; Brit Movie Tours propose même de vous arranger un rendez-vous avec une  » star  » – acteur, actrice ou membre de la production, le concept est très relatif et il vous en coûtera quand même jusqu’à 1 400 euros…

Afin de s’offrir un peu de repos avant la journée du lendemain, on quitte la frénésie de la métropole pour l’Oxfordshire et le splendide village de Woodstock, ses bâtisses en pierre de Cotswolds bordant le parc du palais de Blenheim (lire par ailleurs) et son Feathers Hotel, un établissement cossu, connu dans le monde entier pour la collection de son bar à gins, record Guinness en 2012, qui compte aujourd’hui près de 320 flacons. Le mixologiste local, virtuose venu de Roumanie, dérogera avec plaisir à sa passion pour le genévrier et vous enseignera les secrets d’un bon Vesper, solide cocktail inventé par James lui-même, ou du fameux vodka-martini, avec des ingrédients de premier choix. Et vous serez en excellente compagnie pour débattre des vertus du  » shaken, not stirred « , soit  » mélangé au shaker, pas à la cuillère  » comme l’exige double zéro-sept.

DAY 2

Bien que cela paraisse blasphématoire aujourd’hui, et qu’il ait fini par varier les plaisirs automobiles, au départ, James Bond conduit une Bentley Convertible 1933. Heureusement, le contexte de sortie des premiers films demandait une monture plus moderne et plus sportive, d’où l’entrée en scène de la mythique DB5, pour Goldfinger en 1964. Et si depuis lors, Bond aura commis quelques infidélités généralement condamnées – rappelez-vous ses flirts répétés avec Jaguar et BMW -, son seul grand amour reste peut-être Aston Martin. Née en 1914, la maison fondée par Lionel Martin exprime à merveille le raffinement british qui sied à l’agent, sans même parler de son caractère exclusif : durant son siècle d’existence, elle n’aura manufacturé que 70 000 véhicules ; à titre de comparaison, on fabrique autant de Porsche tous les six mois.

Au circuit de Millbrook, vous aurez donc le grand bonheur de sentir la légende ronronner sous vos doigts, au cours d’une journée qui verra un instructeur personnel vous initier au maniement de divers bolides au logo ailé. La nouvelle DB10 restera évidemment inaccessible – seuls dix exemplaires ont été conçus pour Spectre – mais les modèles disponibles vous permettront d’apprécier leur ligne racée, le confort de l’habitacle, l’odeur du cuir d’Ecosse, et surtout le rugissement du moteur à l’insertion de la clé de contact rebaptisée Emotion Control Unit, une véritable symphonie pour les amateurs de belle mécanique.

En débutant par la Rapide S, vous apprécierez la maniabilité des véhicules et le plaisir de conduite même au ralenti sur le City Course, avant d’attaquer le Bowl, anneau de vitesse dont l’inclinaison de la bande extérieure permet de rouler à plus de 200 km/h sans même tenir le volant. D’abord passager d’une Vanquish, vous en prendrez plein la vue quand votre chaperon s’installera à vos côtés pour une démonstration sur la Handling Ride – à 160 dans les virages sur piste mouillée, don’t try this at home – avant d’enfin prendre place au volant, pour une excitante balade sur le dénivelé sinueux d’Alpine Road, ses lacets, ses creux et ses bosses, et même un petit raidillon qui rappelle celui de Francorchamps. Que du bonheur, en attendant le meilleur, ou du moins le plus mémorable, le 1-mile straight, 1 600 mètres de ligne droite à enfoncer l’accélérateur de  » The Beast « , une V12 Vantage S de 565 chevaux, qui passe de 0 à 100 km/h en moins de 4 secondes et vous permettra de tutoyer les 300 km/h. Une expérience incroyable, susceptible de transformer le dernier des militants anti-bagnoles en amoureux de grosses cylindrées, une déferlante de sensations impossible à retranscrire sur papier.  » Petit  » bémol toutefois, une telle journée à Millbrook vous coûtera un peu plus de 1 600 euros, mais quand on aime, on ne compte pas ; après tout, on ne vit qu’une fois – enfin, deux si on s’appelle James Bond. Après cet appréciable rush d’adrénaline, retour à Londres. Situé en plein coeur de Mayfair, le Flemings Hotel semble tout indiqué.

DAY 3

Le Flemings Hotel n’a aucun lien avec l’auteur de 007, mais c’est dans le quartier de Mayfair qu’il vit le jour et passa une importante partie de sa vie. C’est également juste en face que Guy Burgess, membre du Cambridge Five et traître à la Nation en pleine Guerre Froide, fixa un mystérieux rendez-vous avant de disparaître pour l’URSS en 1951. Ayant médité tout ça pendant le breakfast, on va s’oxygéner dans Green Park, avant d’obliquer vers le quartier au nom prédestiné de St James, et d’autres lieux hantés par Ian Fleming. Des clubs pour gentlemans qu’il fréquenta, comme le Dukes, dont le Martini Bar de réputation mondiale aurait inspiré la ligne  » Shaken, not stirred « , ou le White’s, où il brillait aux jeux d’argent.

Un peu plus bas sur St James’s Street, on débute un parcours shopping thématique par deux vénérables maisons, respectivement fondées en 1676 et en 1866. Au numéro 6, le chapelier Lock Hatters, est responsable de l’une des signatures de 007, le Sandown trilby habilement lancé au sommet d’un portemanteau par Sean Connery et toujours disponible. Au numéro 9, le bottier John Lobb a, lui, réalisé les chaussures Luffield en cuir portées dans Casino Royale.

On remonte vers une autre institution, le fabricant de chemises Turnbull & Asser, fournisseur de la Cour et de tous les Bond depuis 1962, où les aficionados peuvent encore se procurer certains modèles – comptez près de 700 euros pour la chemise 100 % coton en turnbuline. En quittant la boutique de Jermyn Street, on se dirige vers Savile Row, référence mondiale du sur-mesure. Après un passage par Fortnum & Mason,  » le plus luxueux grand magasin du monde  » pour y faire provision de thés et shortbreads, en route pour Burlington Arcade et la boutique N. Peal. Ce spécialiste du cachemire de Mongolie fut choisi par la production car la couleur d’un de ses pulls correspondait au bleu des yeux de Daniel Craig. Après cette apparition dans Skyfall, EON Production refit appel à la maison pour Spectre et commanda un sweater torsadé et le mock turtle neck noir remarqué sur les affiches et dans la bande-annonce sortie en mars. Quinze minutes après sa première diffusion, le col roulé était épuisé sur le Web.

Et enfin, si c’est désormais l’Américain Tom Ford qui réalise les costumes de 007, vous pouvez tout de même aller du côté de Marylebone pour vous offrir le Conduit Suit prince-de-galles gris clair de Dr No, dont la coupe intemporelle ne traduit pas le demi-siècle d’existence. Pour le sur-mesure – à partir de 4 000 euros, contre 1 000 pour la version prêt-à-porter -, David Mason, héritier du tailleur original Anthony Sinclair, vous recevra en toute discrétion dans ses appartements du 34, Montagu Square, une maison où habitèrent successivement Ringo Starr, Paul McCartney, John Lennon et Jimi Hendrix. De la fenêtre, on aperçoit la lanterne du logement de Montagu Place, où vécut Ian Fleming après sa démobilisation.

Pour clore ce citytrip, retour à Covent Garden, où vous pourrez vous attabler chez Rules, le plus ancien restaurant de la capitale, prisé par le gotha depuis 1798, et particulièrement par des hommes de lettres tels que Charles Dickens. Une scène de Spectre y fut tournée. Devant une assiette de côtes d’agneau Herdwick, vous repenserez à George Lazenby. Sachant Sean Connery lassé du héros qui fit sa gloire, l’Australien étudia le personnage, alla chez le même barbier et le même tailleur que son idole, et réussit à s’imposer aux producteurs comme la seconde incarnation de 007 malgré sa méconnaissance du métier d’acteur. Désormais expert en jamesbonderies et sapé comme le plus classe des double-zéro, vous vous surprendrez à rêver de remplacer Daniel Craig.

PAR MATHIEU NGUYEN

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