Pourquoi l’histoire de Susan Boyle accroche-t-elle à ce point le public ?

Pour deux raisons à mon avis. La première, c’est la surprise qu’elle provoque. Au milieu d’un paysage saturé de vedettes identiques ou de stars pour adolescentes produites à la chaîne, subitement, le public voit apparaître quelqu’un qui détonne. C’est incongru. Deuxièmement, je pense que c’est un événement médiatique très bien construit. Plusieurs éléments dans la conception de l’émission montrent que le buzz est bien scénarisé en amont : on la suit depuis les coulisses, c’est dramatisé. Par ailleurs, on connaît la puissance des éléments de rupture dans les médias. Voyez le célèbre épisode de Michel Daerden, interviewé ivre le soir des élections. Ce sont des micro-événements qui se propagent rapidement.

Au-delà de l’effet de surprise, la proximité du personnage avec le public n’explique-t-elle pas aussi le buzz ?

C’est ce qui fait le succès de la télé-réalité qui met en avant des gens ordinaires dans lesquels on peut se projeter. Avant, comme l’a observé le sociologue et philosophe français Edgar Morin ( NDLR : auteur de Les Stars, 1957 – Le Seuil), on idolâtrait les stars de Hollywood : celles que je ne serai jamais mais que j’aimerais un jour être. Aujourd’hui, on nous fait croire que tout le monde peut être une vedette. Mais c’est plus compliqué que ça, car il y a bien un casting dans ce type d’émission. Le message lancé aux spectateurs est ambigu.

L’histoire de Susan Boyle fait-elle appel à des grands récits bien installés dans l’imaginaire collectif ?

Bien entendu. C’est la bergère qui devient une princesse. C’est Cendrillon : le tâcheron obscur dont le prince découvre la beauté intérieure. Par magie, elle subit une transformation grâce à un élément magique qui est ici joué par la télévision. La télévision transforme la souillon en vedette internationale. Avec comme message sous-jacent : la télévision peut être magique. Ce qui renforce encore un peu plus le modèle de la télé-réalité. Du reste, ce qui est intéressant, c’est que malgré la modernité, les vieilles histoires fonctionnent toujours aussi bien. On s’émerveille devant la puissance d’Internet et les nouvelles technologies, mais les histoires qui passionnent le public restent les mêmes. Seul l’emballage change.

Propos recueillis pas Baudouin Galler

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