EDWINA EHRMAN, CURATRICE DE L’EXPO UNDRESSED : A BRIEF HISTORY OF UNDERWEAR, AU VICTORIA AND ALBERT MUSEUM, À LONDRES

Comment les sous-vêtements incarnent-ils les questions de genre, de sexe et de moralité qui traversent toute société ?

La lingerie (re)dessine les corps selon la silhouette à la mode du jour, mais elle reflète ou défie aussi les conventions à propos de ce corps et des parties qu’il est approprié de montrer ou d’accentuer. Par exemple, dans le passé, il était normal pour une femme vêtue d’une robe de bal de montrer sa poitrine, son décolleté et ses épaules, mais immoral d’attirer l’attention sur des détails anatomiques du bas du corps. Les maillots de bain et puis le string apparus dans les années 70 ont brisé ce tabou en mettant l’accent sur les fesses.

La lingerie a donc plusieurs rôles. Notamment de souligner les caractéristiques sexuelles des femmes. Quelles en sont les étapes clés dans l’histoire ?

L’évolution de la lingerie reflète l’impact des révolutions industrielles et technologiques des XIXe, XXe et XXIe siècles, le changement du rôle et du statut de la femme dans la société et l’assouplissement progressif des codes sociaux et moraux. C’est très clair dans l’histoire du soutien-gorge. Dès 1860, les créateurs ont commencé à développer des sous-vêtements qui soutenaient la poitrine de manière moins contraignante que le corset, mais ils ne sont devenus vraiment populaires qu’au début du XXe siècle. Les femmes alors commençaient à mener des vies plus actives et désiraient une alternative qui n’entrave pas leurs mouvements, n’affecte pas leur santé et ne déforme par la forme naturelle de leur corps. Quoi qu’il en soit, un soutien-gorge, tout comme un corset, est toujours pensé pour souligner le corps selon la mode, créant à la fois des stéréotypes féminins et permettant aussi leur émancipation. Dans les années 20, on  » effaçait  » les poitrines pour créer des silhouettes androgynes. En 1965, le No Bra de la styliste Rudi Gernreich dévoilait les seins, faisant ainsi écho au mouvement de libération sexuelle, mais seules les plus avant-gardistes l’ont porté sous leur blouse transparente. Trente ans plus tard, à la fin des années 90, les bretelles visibles des soutiens-gorge signalèrent le début de la fin d’un vieux tabou, estompant ainsi les frontières entre privé et public. Aujourd’hui, la lingerie portée au-dessus des vêtements, chez Prada, Alberta Ferretti ou Dries Van Noten, a perdu le pouvoir de choquer – elle est simplement devenue une tendance vestimentaire.

Effacer les frontières entre le privé et le public, est-ce un  » jeu  » contemporain ?

Beaucoup de créateurs explorent ces limites, et nous le montrons dans cette exposition, des collants Fig Leaf de Vivienne Westwood à la robe lingerie d’Elie Saab ou à celle de Liza Bruce portée par Kate Moss. Nous avons aussi choisi de présenter une paire de slips androgynes signés Acne Studios parce qu’ils disent beaucoup sur ce mouvement contemporain qui rejette les conventions sur le masculin et le féminin.

Undressed : A Brief History of Underwear, Victoria and Albert Museum, à Londres, sponsorisé par Agent Provocateur et Revlon. www.vam.ac.uk/undressed Du 16 avril au 12 mars 2017.

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