Dans la jungle des villes, une nouvelle race d’hommes voit le jour. On les reconnaît à leur silhouette urbaine flanquée d’un sac en bandoulière. Totale décontraction et style maximum. A la demande de Weekend, six d’entre eux ont accepté de vider leur  » bag « . Un exercice aussi éclairant qu’amusant.

1. Mbo Mpenza 29 ans, footballeur (Royal Sporting Club d’Anderlecht).

Difficile de trouver un sportif plus sympa que Mbo Mpenza. Derrière son sourire un peu timide se cache une personnalité affable et attentionnée. Dans les tribunes désertes du stade Constant Vanden Stock, le footballeur exhibe son sac. Logiquement, on s’attend à le voir arborer un modèle sport. Pas de chance, Mbo aime surprendre : c’est un très stylé sac Louis Vuitton qui accompagne le joueur anderlechtois.  » La plupart des joueurs de foot ont effectivement des sacs au look sportif, concède-t-il. Si j’échappe à la règle, c’est grâce à mon épouse. C’est elle qui me les achète. J’en ai plusieurs, quelques Vuitton et un Prada.  » Porté en bandoulière, le modèle est un mélange réussi de minimalisme et de discrétion. Mbo Mpenza confesse toutefois avoir de son sac un usage fonctionnel et saisonnier :  » Je ne l’utilise qu’en été. Cela tient au fait que je déteste avoir des objets dans les poches de mes pantalons. En hiver, j’arrive à me débrouiller en fourrant tout dans ma veste.  » L’intérieur affiche le minimum : un portefeuille également griffé Louis Vuitton, un crayon Disney, un téléphone portable, des clés de voiture, quelques papiers et la télécommande de la porte du garage. On est impressionné par l’absence de superflu. Mbo Mpenza ne peut s’empêcher de sourire :  » Là aussi, ma femme s’en est mêlée ! Elle a fait le tri hier soir.  »

2. Antoine Pinto 53 ans, architecte, designer, décorateur, concepteur des restaurants Belga Queen, à Bruxelles et à Gand, et peintre à ses heures.

C’est dans sa spacieuse maison de la périphérie bruxelloise, entre sa fille et ses cinq chiens, qu’Antoine Pinto a choisi de déballer son sac. Pas n’importe quel sac : un Delvaux, modèle Student. Un petit bijou au cuir fin et aux attaches élégantes. Il ne s’en sépare jamais.  » Cela fait cinq ans que j’ai adopté le sac en bandoulière, précise le créateur. C’est un vrai instrument de travail. Je l’ai toujours sur moi. L’avantage, c’est qu’il me permet d’avoir les mains libres. C’est capital dans mon travail de pouvoir mesurer, prendre des photos en ayant tout sous la main. Cela me permet également de ne pas avoir à me soucier sans cesse de l’endroit où je l’ai déposé.  » A l’intérieur du sac se cache une foule d’objets qui témoignent de sa grande fonctionnalité : un portefeuille, un éventail ramené d’Espagne –  » j’ai souvent très chaud  » -, un carnet de notes, un mètre-ruban, un appareil photo numérique, un couteau Laguiole, un portemine, une palette de couleurs, un étui à cigares –  » je suis un fumeur de havanes  » -, des lunettes, une calculatrice, des gélules d’huile de lin –  » c’est bon pour tout  » – et, accessoire étonnant, un crochet.  » J’ai trouvé ça au Portugal, commente-t-il, cela me permet de suspendre mon sac à n’importe quelle table et de ne pas devoir le déposer par terre au restaurant.  »

3. Benjamin Schoos alias Miam Monster Miam, 28 ans, chanteur, producteur, illustrateur

Celui qu’on connaît davantage sous le nom de Miam Monster Miam semble survoler le temps maussade et la vie en général. Le moins qu’on puise dire, c’est que son sac est plutôt rock’n’roll. Il n’est pas sans évoquer les besaces du stock américain qui faisaient fureur au début des années 1980.  » Je le prends partout avec moi, confie l’artiste. C’est à la vie, à la mort. Comme Belmondo et son Yorkshire.  » Pour ajouter un peu de relief à ce modèle basique, le chanteur n’a pas hésité à le customiser : badges en tout genre et écussons rendant hommage à des groupes punk tels que les Crass ou les Ramones. A l’ouverture, le sac de Benjamin Schoos réserve des surprises, une nectarine ayant coulé sur l’ensemble des objets qui s’y trouvent ! Le fourre-tout vaut le détour. Outre le classique portefeuille –  » un Kipling que j’ai depuis mes 15 ans  » -, on trouve une palette de fond de teint –  » crucial pour ne pas briller en concert ou lors d’une émission de télé « . Totalement décalé,  » Les Nouveaux Jeux pour votre calculatrice de poche « , un petit livre trouvé sur une brocante qui  » permet d’écrire SOLEIL ou de faire des mots croisés avec une calculette « . En vrac, le chanteur exhibe un galet  » sentimental  » offert par sa compagne, un agenda dans le plus pur style Bollywood et un jeu de cartes RTBF qu’il utilise rarement. Le plus étonnant est sans doute un second jeu de cartes avec une série de mots imprimés tels que  » Souplesse « ,  » Patience « ,  » Amour « …  » C’est un truc très hippie que l’on m’a donné, avoue-t-il. Parfois quand je suis en studio et que je suis indécis, je tire une carte et le mot qui apparaît change parfois le cours des événements.  »

4. Nicolas Fransolet 44 ans, ex-Snul, réalisateur de pubs, photographe et producteur.

 » Comment font les hommes qui n’en ont pas ?  » lance d’emblée Nicolas Fransolet qui semble heureux de pouvoir enfin verbaliser son rapport au bag. Avec le sourire amusé et le tee-shirt  » Fuck Freud  » qu’il affiche, pas question de le coucher sur le divan pour en savoir plus. Dommage car il y aurait matière. Le lien au sac de cet esprit vif est double.  » Je l’emporte partout car j’en ai besoin, avoue-t-il. Je le trouve pratique mais également très ridicule. Avec sa bandoulière, on dirait un sac à main de femme. Du coup, pour le faire oublier, je le porte en le cachant derrière le dos.  » En accord avec ce refoulement assumé, Nicolas Fransolet a choisi un sac Muji acheté à Paris.  » Pas de chichis. Je voulais de la pure fonctionnalité : no logo, no nonsense ! J’aime le minimalisme des Japonais. Au départ, je l’ai offert à ma femme, mais un peu comme ces cadeaux intéressés que l’on fait aux autres parce qu’ils nous intéressent ! Après un certain laps de temps, je lui ai donc repris…  » Quand on ouvre son Muji, on trouve un carnet de notes, un portefeuille, un téléphone portable, des clés, un appareil photo –  » c’est sans doute à cause de lui que je trimballe un sac  » -, des médicaments contre le cholestérol, des lunettes solaires et Incense Avignon, une fragrance signée Comme des Garçons. Il suffit d’examiner le look de Nicolas Fransolet pour comprendre qu’il n’est pas du genre à s’en remettre au hasard.  » Ma femme est styliste, elle m’a formé.  »

5. Nicolas Woit 36 ans, créateur de mode.

C’est tout en douceur que Nicolas Woit ouvre les portes de son duplex dans lequel il a récemment emménagé. Pas de  » bling  » attitude, mais un bon goût omniprésent qui ne dépareille pas avec les créations de ce styliste très influencé par les années 1930 et 1940. Son sac, lui, rend hommage aux marques et aux griffes phares de l’univers de la mode. Il est signé Dries Van Noten :  » Je l’aime parce qu’il est sobre et fonctionnel, avoue le styliste. Je l’ai depuis un an, avant je possédais un sac en jeans Hermès.  » Nicolas Woit ouvre et commente les objets dont il ne se sépare pas : agenda Louis Vuitton, porte-document Natan, iPod dans une trousse signée Paul & Joe (sa griffe du moment), foulard Dior, portefeuille et porte-monnaie Comme des Garçons, pochette Vivienne Westwood, petit appareil photo numérique –  » pour retenir ce qui m’inspire  » -, porte-clés Louis Vuitton en version limitée, parapluie H&M en imprimé camouflage –  » pour les accessoires, ces Suédois sont vraiment forts  » -, lunettes Gucci, masque de nuit également H&M –  » je vais souvent en Asie, c’est pour l’avion  » – et petit sac griffé Miu Miu. Sans oublier, deux précieux tickets pour le concert de Madonna à Bercy –  » je suis fan « . Dernier détail stylistique important : Nicolas Woit ne porte jamais son sac en bandoulière car  » je n’aime pas la silhouette que cela fait, je préfère le tenir par les poignées « .

6. Michel Kacelenbogen 46 ans, directeur du théâtre bruxellois Le Public, metteur en scène et acteur.

Le rapport au sac qu’entretient Michel Kacelenbogen a quelque chose qui relève de la psychanalyse. Dans son grand bureau au-dessus du théâtre qu’il dirige, on le comprend vite. Au moins cinq modèles différents sont empilés contre un mur. Il prévient :  » Deux règles sont d’application, je me les fais toujours offrir et je ne les jette jamais.  » Le metteur en scène avoue changer régulièrement de modèle en fonction des personnes qu’il rencontre et des tâches qui l’attendent durant la journée.  » C’est un peu maladif , reconnaît-il, mais il faut que j’aie mon sac toujours près de moi, depuis mes 20 ans. Il a plus une fonction rassurante que rationnelle. J’y mets énormément d’objets, c’est comme un kit de survie que j’emporte partout avec moi.  » Quand on ouvre le sac de cet homme de théâtre, on est surpris par l’aspect hétéroclite de celui-ci : un exemplaire de la pièce  » Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran  » d’Eric-Emmanuel Schmitt, un autre de  » Bord de Mer  » de Véronique Olmi, un Laguiole, parfois un pique-nique, un carnet de notes, un ordinateur, des câbles informatiques, des documents, une lampe –  » on ne sait jamais  » -, un set de tournevis –  » le théâtre, c’est un texte et des tournevis  » -, des lunettes, un couteau suisse et des cd-rom avec des captations de pièces. Le tout pour un patchwork plutôt encombrant.  » Pire qu’un sac de femme « , conclut l’intéressé.

Michel Verlinden

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