Calquer les mécanismes de défense et de régénération mis en place par les plantes pour les décliner en soins. Une démarche qui allie observation, intuition et recherche high-tech, pour des résultats toujours plus performants.

On connaît l’anecdote qui a mené à l’invention du Velcro : regardant ses enfants en train de jouer avec de la bardane – la bien nommée  » plaque-madame  » – pour en voir les capitules s’accrocher à leurs vêtements, George de Mestral eut l’idée lumineuse de reproduire ce processus d’attache via de minuscules crochets agrippants pour en faire un des moyens de fermeture les plus courants aujourd’hui. Cette attitude, qui consiste à observer finement la nature et à s’en inspirer pour développer des systèmes à finalité industrielle dans des domaines très divers, c’est le biomimétisme. Une science qui a aussi permis de partir de la structure des feuilles de lotus, qui ont la particularité de rester sèches en milieu humide, pour mettre au point des peintures imperméables ou des vitres autonettoyantes destinées à recouvrir les gratte-ciel. Ou encore de réduire au maximum les nuisances sonores du Shinkansen, le train à grande vitesse japonais, en se basant sur le vol du hibou, particulièrement silencieux grâce à de petites plumes ciselées qui évitent de provoquer des tourbillons d’air.

Si copier les organismes vivants qui nous entourent, pour tenter d’en acquérir les talents, n’est pas neuf – les dessins de machines volantes imaginés par Léonard de Vinci calquaient déjà les ailes des oiseaux -, les années 2000 marquent encore une étape supplémentaire dans la démarche, à laquelle s’ajoute désormais une dimension presque philosophique. Janine M. Benyus et son ouvrage Biomimétisme : quand la nature inspire des innovations durables font alors grand bruit et sont très vite considérés comme des pierres d’angles dans la recherche allant en ce sens. A l’heure où l’on redécouvre l’ingéniosité, la complexité mais aussi la fragilité des écosystèmes de la planète, le parti pris consistant à promouvoir une révolution qui, contrairement à l’industrielle,  » ouvre une ère qui ne repose pas sur ce que nous pouvons prendre dans la nature, mais sur ce que nous pouvons en apprendre « , mantra de la biologiste américaine, trouve forcément écho.

C’est particulièrement vrai pour ce qui concerne les soins de beauté, préparés à l’origine dans les officines des apothicaires, en ligne directe avec la nature et ses vertus depuis la nuit des temps. Considérés il y a quelques années encore comme anti-glamour parce qu’injustement assimilés à des mixtures faites maison par des post-soixante-huitards en quête d’authenticité, les crèmes et autres sérums introduisant des extraits de plantes en s’inspirant de leurs qualités intrinsèques ont désormais plus que jamais le vent en poupe. Les chiffres de vente du secteur en témoignent. Ainsi, Clarins, pionnier en matière de  » beauté par les plantes « , le slogan lors de son lancement il y a soixante ans, est numéro un des marques de prestige en Europe. Pour évoquer les avancées que les beauty addicts doivent au biomimétisme, Marie-Hélène Lair, docteur en pharmacie, spécialiste en cosmétique et directrice de la communication de Clarins, est une experte de premier rang, passionnée et passionnante.

Comment expliquez-vous ce regain d’intérêt, depuis des années, pour les plantes dans le domaine de la beauté ?

Christian Courtin, le fondateur de Clarins, le déplorait lui-même :  » La nature, c’est considéré comme ringard.  » Je crois que le lancement de nos produits en Asie, où l’approche est totalement inverse et où, au contraire, on a conservé beaucoup d’admiration envers cette dernière, nous a poussés à réfléchir autrement et à valoriser ce formidable capital. La nature, c’est le plus grand laboratoire de recherche et de développement : 4 milliards d’années à trouver des solutions pour survivre, pour s’adapter en consommant le minimum d’énergie et de ressources, on a là de quoi s’inspirer longtemps ! Et quand le biomimétisme nous rappelle que les découvertes les plus high-tech viennent de là, ça fait du bien…

Face à l’immensité de cette terra incognita que sont les espèces végétales, comment décide-t-on d’explorer les qualités d’une variété plutôt qu’une autre ?

On travaille selon trois axes de réflexion : la forme, la fonction et l’écosystème pour voir comment la nature réussit à résoudre des problèmes. Si on prend par exemple le cas du tournesol, on part du constat que sa tige doit être à la fois solide pour supporter le poids de cette lourde fleur et souple pour permettre à celle-ci de se diriger vers le soleil. On a réussi à extraire de la tige des auxines, responsables du phénomène, qu’on a introduites dans notre Multi-Intensive Concentré Décolleté et Cou, puisque cette partie du corps doit elle aussi répondre à des exigences de souplesse et de mouvement. Idem pour l’harungana de Madagascar, qui intervient dans la formule également. C’est une des premières plantes qui va repousser après la déforestation suite aux incendies, fréquents dans cette région du monde. Une pionnière, qui va nourrir toutes les autres qui arriveront après et pousseront dans son ombre. Elle va capter l’énergie du soleil pour régénérer le sol. Une fois encore, on s’est  » bio-inspirés  » de cette capacité pour régénérer la peau et en améliorer la densité. Après, ces intuitions-là se sont révélées payantes, d’autres ne le sont pas. Il faut, comme toujours, procéder par essais et erreurs.

La pollution est aujourd’hui une préoccupation majeure. Les plantes ont-elles là aussi des leçons à nous donner ?

Bien sûr ! Si on pense à la lampsane, cette fleur jaune qui fleurit au bord des autoroutes, on se dit intuitivement qu’il y a quelque chose à exploiter de ce côté-là. C’est ce qu’ont fait nos labos, pour se rendre compte dès 1991 que l’extrait de ses feuilles contribue à protéger la peau du vieillissement en relançant ses défenses naturelles. On a ainsi pu développer un complexe anti-pollution, qui en est aujourd’hui à sa cinquième génération, toujours plus performant.

Autres sources de vieillissement liées à nos modes de vie modernes, le stress et le manque de sommeil…

Là encore, si on s’inscrit dans cette démarche de bioinspiration, on va partir de l’observation d’un écosystème pour tenter de transposer à la peau les solutions qui y ont été apportées. Lorsqu’on a voulu proposer un soin encore plus adapté aux millenials, ces trentenaires d’aujourd’hui, très actives et toujours occupées à plusieurs choses à la fois, on a commencé par étudier leurs modes de vie, qui ne sont plus les mêmes qu’en 88, lorsque la Multi-Active Jour a été lancée. Aujourd’hui, le sommeil de ces jeunes femmes est nettement plus haché et moins réparateur. La toute nouvelle reformulation de cette gamme introduit donc le pavot de Californie dans le soin de nuit, une fleur qui se referme pour se régénérer et aide ainsi à compenser les couchers tardifs ou les réveils nocturnes…

L’ORCHIDÉE DE GUERLAIN

Surtout ne vous fiez pas à son apparente fragilité : derrière ses pétales délicats se cache une battante capable de vivre plus de cent ans. Il n’en fallait pas plus pour intriguer les chercheurs des laboratoires Guerlain qui ne cessent de réinventer une crème anti-âge pur luxe qui bénéficie au fur et à mesure des dernières avancées issues de l’étude de cette fleur encore bien mystérieuse. Au sein de l’orchidarium piloté par le docteur Frédéric Bonté, plusieurs variétés sont minutieusement analysées – ici, fleurs, feuilles et tiges sont passées au crible jusqu’à la pointe des racines aériennes – et leurs propriétés tantôt de défense, tantôt d’agent énergisant ou hydratant, voire même leurs pouvoirs éclaircissants et apaisants, capitalisés dans la formule sans cesse optimalisée d’une crème qui fêtera en 2016 ses 10 ans. Des fleurs qui, avant d’arriver dans les serres protégées de Genève, sont cultivées mais aussi protégées et réimplantées en Chine dans une réserve naturelle de 444 ha située à plus de 1 600 m d’altitude.

Crème Orchidée Impériale de Guerlain, 422 euros les 50 ml.

LA FICOÏDE GLACIALE D’YVES ROCHER

Actif star de la gamme Sérum Végétal lancée en 2015 et complétée cette année, cette plante originaire des zones désertiques du sud de l’Afrique s’adapte aux conditions climatiques les plus extrêmes, ce qui lui a permis au fil des siècles de se propager jusqu’en Australie, sur le continent américain, sur le pourtour méditerranéen et même désormais à La Gacilly, en France, où elle fait l’objet d’une culture biologique avant d’être récoltée et transformée par les laboratoires Yves Rocher. Contrairement à la plupart des végétaux qui portent en moyenne deux séries de chromosomes, la ficoïde en possède jusqu’à 128. Un véritable jeu de cartes génétiques qui lui a donné les moyens de traverser le temps. L’extrait obtenu agirait positivement sur les fonctions de renouvellement, de régénération, de protection et de défense de la peau, retardant ainsi l’apparition des rides.

Sérum Ultra-Lissant, gamme Sérum Végétal d’Yves Rocher, 21 euros les 30 ml (disponible à partir de février prochain).

LE LONGOZA DE DIOR

C’est en 1992 déjà que les laboratoires Dior s’intéressent de plus près au longoza, une fleur au pouvoir d’auto-régénération exceptionnel poussant dans la forêt tropicale du sud-est de Madagascar. Utilisée pour ses vertus médicinales par la population de cette île riche en espèces endémiques, cette plante produit aussi des fruits rouge écarlate dont la couleur éclatante est synonyme de maturité. Récoltés une fois par an, ils contiennent une bonne vingtaine de graines précieuses. Les habitants d’un village entier se consacrent ainsi à l’identification des fruits mûrs – 500 kilos de graines environ – et à leur collecte pour Dior. Après un mois et demi de traitement, l’actif qui en découle deviendra l’ingrédient cosmétique star de la gamme entière de soins Capture Totale, dont la crème vient tout juste d’être reformulée afin d’intégrer les récentes découvertes du groupe sur l’existence d’un réservoir de cellules souches, au coeur du derme, capable de résister aux effets néfastes – et surtout vieillissant sur les traits – de la gravité.

Crème universelle Multi-Perfection Capture Totale de Dior, 173 euros les 60 ml (pot rechargeable).

LE GINKGO BILOBA DE SISLEY

En 1999, Sisley lance son premier soin global anti-âge, choisissant d’aborder le problème du vieillissement cutané dans sa globalité et plus seulement à travers le prisme des rides. La gamme Sisleÿa n’a cessé de s’étendre et propose désormais une lotion préparatoire comme on les formule en Corée, qui hydrate la peau afin de la rendre plus réceptive à l’arrivée des actifs anti-âge, certains d’entre eux étant d’ailleurs déjà contenus dans ce premier produit. Parmi eux, on retrouve notamment l’ingrédient phare de la franchise, à savoir l’extrait de Ginkgo Biloba, un arbre à la capacité de résistance légendaire. Situés à proximité de l’épicentre d’Hiroshima, six spécimens de celui que l’on surnomme parfois l’arbre aux quarante écus furent les premiers et seuls éléments vivants à redonner signe de vie en bourgeonnant au printemps 1946. Ses bienfaits sur la mémoire et l’humeur notamment, ainsi que ses vertus antioxydantes reconnues de longue date par la médecine traditionnelle asiatique, en font un candidat idéal pour la phyto-cosmétologie prônée par Sisley depuis sa création en 1976.

Lotion de Soin Essentielle Sisleÿa de Sisley, 122 euros les 150 ml.

LA VANILLA PLANIFOLIA DE CHANEL

Il y a dix ans, Chanel lançait ce qui allait devenir l’une de ses plus belles franchises anti-âge. Mais tout avait déjà commencé bien plus tôt, dès le début des années 2000, dans le nord de Madagascar. Intuitivement, la maison décide de s’intéresser aux pouvoirs qu’elle soupçonne exceptionnels d’une variété – parmi les 117 répertoriées dans le monde – de vanille. Pari gagnant puisque les polycétones cachés au coeur de ses gousses révèlent bientôt des propriétés de régénération exceptionnelle. Mais ce n’est qu’un début. En 2011, d’autres molécules, nichées ici dans les fleurs, démontrent leur action antioxydante et viennent s’ajouter à la formulation. Cette fois, c’est dans les gousses encore vertes que les chercheurs découvrent des molécules aussi essentielles qu’éphémères capables de stimuler la production d’une enzyme à haut potentiel anti-âge dans la peau. Trois bienfaits complémentaires reçus d’une même plante qui se retrouvent désormais dans la nouvelle version de la crème Sublimage, déclinée dans trois textures différentes.

La Crème Sublimage de Chanel,

310 euros les 50 ml.

PAR DELPHINE KINDERMANS ET ISABELLE WILLOT

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