Carnet d’adresses en page 118.

Si certaines demeures sont une invitation à la détente, la Maison berbère, nichée dans la médina de Marrakech, est la sérénité incarnée. Dans la plus pure tradition des riyads û les habitations traditionnelles marocaines û cette belle demeure est organisée autour d’un patio gorgé d’orangers, de bananiers et d’oliviers plantés aux quatre coins d’un petit bassin central.  » Quatre  » jardins  » autour de l’eau : c’est la représentation même du paradis selon le Coran « , précise son architecte, le Belge Quentin Wilbaux, auteur d’une thèse de doctorat sur… l’urbanisme de Marrakech. La ville compte 30 000 riyads, une aubaine pour les esthètes.

La Maison berbère, un palais parmi d’autres ? Pas tout à fait. Celui-ci est niché dans l’une des plus vieilles ruelles de la ville où habitait ici même au xvie siècle, le célèbre astronome Ibin Banna… L’homme y occupait l’une des rares impasses alors pavée de Marrakech, signe d’un prestige certain, comme l’était la très vaste Maison berbère. Les siècles ont passé mais l’âme du riyad traditionnel a été préservé sous la houlette de Quentin Wilbaux, pionnier parmi les dénicheurs de  » dar  » (maison en arabe), qui effectua ses premiers repérages dans la médina dès le milieu des années 1980.  » A la différence de l’architecture du nord du Maroc, sous influence andalouse, le style marrakchie est davantage basé sur le dépouillement, souligne l’architecte. C’est cette simplicité que j’ai voulu conserver et restituer.  »

Voilà pourquoi la blancheur immaculée est l’image persistante que gardent les locataires qui ont le bonheur de séjourner dans les lieux. Au c£ur du patio, un quadrilatère de murs en plâtre peint à la chaux réverbère et adoucit la puissante lumière d’Afrique. Peu d’éléments secondaires pour venir en troubler la quié-tude. Tout juste remarque-t-on, sous les arcades qui longent les deux chambres, des plafonds à chevrons et, dans le salon principal ouvert sur la cour intérieure, un magnifique plafond en carène.  » Un travail ouvragé qui rappelle la coque d’un navire, réalisée en cèdre, le seul bois utilisé en menuiserie au Maroc avant le xixe siècle « , note Quentin Wilbaux. Le salon aux proportions majestueuses, haut de 5 mètres, est agrémenté d’arcs brisés et d’un âtre à la belle sobriété. Au-dessus du feu ouvert, un rectangle de tadelakt de couleur ambrée comporte le motif d’un tapis kilim ; un dessin à peine perceptible qui réaffirme le programme ornemental minimum. Dans cette pièce, les invités n’hésitent pas à goûter aux délicieux tajines de Najia, la cuisinière, avant de se prélasser sur les divans, allongés entre les coussins berbères… Pour la détente, ils peuvent aussi préférer les chaises longues tressées, disposées autour du bassin octogonal, les pieds nus posés sur le bejmat, petites briques de terre cuite qui recouvrent le patio.

L’étage, que l’on rejoint par un étroit escalier, permet de regagner les deux chambres, réduites à leur plus simple expression. L’une d’entre elles est pourvue d’un romantique balcon et d’une salle de bains pour le moins atypique. Quentin Wilbaux y a installé un lavabo monolithique en tadelakt dont les lignes acérées penchent du côté du modernisme tandis que l’ancien mur, mis à nu, révèle un incroyable décor de plâtre sculpté, hérité du xvie siècle. Arcs polylobés, palmettes, écoinçons en arabesque forment un décor flamboyant, comme une jolie contradiction avec la retenue qui fait de la Maison berbère un joyau épuré.

Antoine Moreno

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