L’architecte d’intérieur amstellodamois San Ming a beau se jouer des tendances et du star-système, dans la profession, il est une icône. Soumis régulièrement à une métamorphose radicale, son appartement, lui, vient d’être mué en galerie d’art.

Son sweet home, qui ressemble aujourd’hui moins que jamais à un logement, laisse d’emblée deviner que San Ming a une âme d’artiste. Tous les douze mois environ, il repense de fond en comble l’appartement qu’il occupe dans le sud de la capitale néerlandaise… Non sans avoir d’abord fait le vide à l’occasion d’une expo-vente où les acheteurs se disputent ses meubles et £uvres d’art, souvent des créations personnelles : car il ne se contente pas de réinventer complètement son intérieur, il conçoit et façonne aussi de ses mains une bonne partie des £uvres et objets qui composent son univers quotidien. Si l’événement ne manque jamais d’attirer nombre de personnalités, San Ming reste néanmoins assez peu connu du grand public, en dépit de plusieurs apparitions dans de célèbres revues de décoration intérieure nationales et internationales.

Dans sa nouvelle mise en scène, tableaux et sculptures semblent avoir pratiquement évincé les meubles : photographié en noir et blanc, l’appartement pourrait passer pour une galerie d’art des années 70. Avec ses sols d’une blancheur immaculée et ses murs sombres, il donne aujourd’hui l’impression d’arborer avec une feinte nonchalance un costume sur mesure. Et lorsque qu’on le compare aux photos de son look précédent, on est frappé par l’unité entre les deux concepts : l’homme transforme certes son cadre de vie du tout au tout, mais il reste clairement fidèle à un style…

D’origine chinoise mais élevé aux Pays-Bas, San Ming baigne depuis toujours dans le mouvement constructiviste qui a su séduire tant de designers, d’artistes peintres et d’architectes néerlandais au début du XXe siècle (on songe notamment à Theo van Doesburg, Piet Mondrian ou Gerrit Rietveld). L’influence de ce style à l’esthétique abstraite et aux lignes épurées ne s’est jamais démentie et demeure particulièrement perceptible dans le sud de la capitale néerlandaise, très riche en constructions modernistes, ce qui explique sans doute l’inclination du maître des lieux pour les compositions abstraites. Le choix des couleurs non plus n’est pas anodin : la prédominance du noir et du blanc, égayée çà et là d’une note plus vive, rappelle le jeu de clair-obscur qui caractérise de longue date la culture calviniste (une tradition qui se retrouve notamment dans les nombreuses façades presque entièrement noires du centre-ville d’Amsterdam). Sans forcément avoir l’air d’y toucher, cet intérieur s’inscrit donc bien dans une tradition locale…

San Ming apprécie toutefois aussi l’art africain, chinois ou japonais.  » Les intérieurs modernes, minimalistes sont trop sérieux pour moi, confie-t-il. Je ne suis pas un grand amateur de fioritures, mais je n’hésite pas non plus à placer un bel objet par-ci, par-là  » – comme ces vases colorés qui tranchent sur la sobriété ambiante. D’après lui, c’est d’ailleurs à tort que nombre d’Occidentaux associent l’esthétique asiatique au minimalisme : sous des dehors stylisés, la décoration y reste en réalité omniprésente.

S’il n’est pas un grand amateur de design, San Ming nourrit en revanche une profonde admiration pour l’art et l’architecture, avec une prédilection toute particulière pour les £uvres abstraites aussi bien très expressives que plus austères. Ses créations personnelles trahissent d’ailleurs les influences les plus diverses, au point que son accrochage actuel évoque presque un parcours dans les méandres de l’histoire de l’art, de Doesburg à Robert Motherwell en passant par Franz Kline, Hans Hartung et Bernar Venet. Entouré de tous ces opus, San Ming n’a plus vraiment besoin d’un salon – tout au plus d’un grand bureau – et même la lumière extérieure ne pénètre plus qu’avec parcimonie dans ce temple artistique à l’atmosphère vespérale…

PAR PIET SWIMBERGHE

DU NOIR ET DU BLANC, ÇÀ ET LÀ UNE NOTE PLUS VIVE.

UN BEL OBJET PAR-CI, PAR-LÀ.

UN JEU DE CLAIR-OBSCUR.

UNE PRÉDILECTION POUR LES îUVRES ABSTRAITES.

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