Après la Femme, l’Homme… Bruno Pieters propose désormais des collections féminine et masculine. Le talentueux créateur belge fait sensation sur la planète fashion. Mais qui est-il vraiment ? En exclusivité pour Weekend, il vous invite au coeur même de son univers intime.

Anvers fourmille d’enseignes ultrafashion. Parmi tous les grands noms du look que décline la cité scaldienne : le talentueux Bruno Pieters. Ses coupes structurées, surpiquées de détails, ont fait de lui la coqueluche des défilés. On le compare déjà au mythique Saint Laurent. Leur ressemblance physique est d’ailleurs troublante…

Mais qui est vraiment Bruno Pieters ? Le créateur nous reçoit chez lui. Nichés sous les toits d’Anvers, son appartement offre une vue panoramique sur la vieille ville et sa sculpturale cathédrale. Tout de noir vêtu, notre hôte tranche avec cet intérieur immaculé. Son visage d’ange se fond dans ce paradis blanc. Hormis quelques touches insolites – une peau d’ours et un agneau empaillé -, il y règne ici une ambiance de pureté et de transparence. Ni tableaux, ni portes, ni rideaux. Grandes baies vitrées, sol en béton poli, mur en pierres brutes et quelques meubles raffinés composent l’espace. Inondé de lumière, ce pied-à-terre séduit par le minimalisme ambiant.

L’appartement est construit autour d’un petit jardin. Grâce à un subtil jeu de vitres, on peut s’installer au salon tout en regardant la chambre à coucher. Mais chut… top secret !  » Tant mon lieu de travail que mon domicile sont teintés de blanc, sourit Bruno Pieters, pelotonné dans le canapé, en forme de chenille géante. C’est comme une toile vierge sur laquelle je peux projeter mon imaginaire. Je choisis chacun des meubles avec soin. N’étant pas un adepte du style contemporain, je privilégie les brocantes et les pièces intemporelles.  »

Mais qui est vraiment Bruno Pieters ? Au fil de la conversation, le créateur se prête de bonne grâce au jeu des questions-réponses et ouvre, en exclusivité pour Weekend, son atelier, son home sweet home et son c£ur…

Sa collection Femme printemps-été 2007.  » Parmi mes muses, il y a Cocteau, Man Ray et Yves Klein « , confie Bruno Pieters. Yves Klein donne d’ailleurs le ton de la collection Femme printemps-été 2007.  » L’art ouvre l’horizon de ma pensée. Les monochromes de Klein sont si intenses, qu’ils sont porteurs d’émotion. Après des débuts romantiques, j’avais envie d’une féminité plus accessible. Cette saison possède une touche de fraîcheur futuriste et optimiste.  » L’argenté, le blanc, le noir, le célèbre bleu Klein, le ton sur ton, le plissé et la robe smoking dominent… Sans oublier les accessoires : bottines et escarpins.  » Pour compléter mes silhouettes, j’envisage des bijoux. J’ai déjà imaginé des pendentifs en forme d’enveloppe ou de miroir.  »

Son sens des détails. Chez Bruno Pieters, tout est dans les détails.  » L’habit fait le moine, dit-il. Aussi nos contemporaines désirent-elles exalter le succès. La Femme Bruno Pieters recherche un look personnel, qui la rend singulière et rehausse sa personnalité. Comme le prouve l’actrice espagnole Rosi de Palma – que j’adore – l’originalité et le charme sont gagnants !  » Touche-à-tout, le créateur nourrit son goût du cinéma à travers ses défilés soignés.  » Je les conçois comme une histoire. Il suffit d’un peu de magie pour faire rêver. Cela donne à mes collections une impulsion extraordinaire.  »

Sa première collection masculine. Cet art de la mise en scène resurgit dans les photographies que Bruno Pieters signe pour sa première collection masculine.  » Elles mettent l’accent sur le noir et blanc, l’ombre et la lumière « , souligne- t-il. Après avoir lancé une ligne exclusive pour une boutique de Tokyo, il a souhaité poursuivre l’aventure. Ses modèles ont un air de Fred Astaire, mais le créateur évoque aussitôt Jean Cocteau.  » J’adore ce personnage qui utilise la mode à son avantage. Ici, j’explore quelque chose de mystérieux et de poétique. L’élégance se pare de coupes innovantes et de détails intéressants.  » L’hiver 07-08 va de pair avec des matières confortables et des pièces essentielles (trench-coats, chemises).  » Même si mon Homme et ma Femme ont des vies indépendantes, ils peuvent parfaitement former un couple au raffinement personnalisé.  »

Son look perso. Beau et mystérieux, Bruno Pieters soigne son apparence. Cheveux bouclés, yeux gris derrière des lunettes noires, il privilégie l’élégance d’un total look nuit. Il porte une veste sur un pull en V et un chemisier – dont rejaillit un bout de cravate – avec un jeans gris foncé et des mocassins.  » Si je suis souvent en noir et bleu marine, c’est parce que ces deux couleurs sont faciles à combiner et qu’elles flattent le teint, explique-t-il. Alors qu’on se perd dans un mélange de couleurs, le monochrome avantage la silhouette et s’avère plus intéressant. J’aime qu’un vêtement ait une histoire…  »

Sa voie. Néerlandophone par son père et francophone par sa mère, Bruno Pieters est né à Bruges, en 1977. Plutôt introverti, il dessine depuis qu’il est enfant. Après une base classique, il fait ses humanités dans une école artistique.  » Cette expérience extraordinaire m’a permis de découvrir la peinture et la photographie « , s’enthousiasme-t-il. Et je m’adonne toujours à ces arts. Confiants, mes parents m’ont laissé une grande liberté. Toujours coquette, ma mère m’a transmis le goût de la mode et de l’esthétisme. J’ai grandi avec ses sacs Delvaux, et elle est ravie de ma collaboration avec cette maison.  »

C’est à l’Académie d’Anvers que Bruno Pieters trouve sa voie.  » Ma première collection était inspirée de Memling et de Bruges, rappelle-t-il en soulignant combien il chérit l’atmosphère particulière de cette ville d’art et de tourisme. Mais depuis, je préfère jongler avec des éléments modernes.  » Aujourd’hui, il se réjouit d’accompagner les élèves de dernière année de l’école de mode.  » Je pense pouvoir leur faire bénéficier de mon expérience et de ma créativité. Ce n’est pas tant l’école que la personnalité qui est importante. La mienne est passionnée, ambitieuse et persévérante.  »

Ses maîtres. Diplômé, Bruno Pieters est engagé à Paris comme assistant de Martin Margiela et de Christian Lacroix.  » Le premier m’a ouvert les yeux quant à la réalité concrète du métier.  » Avec le second, c’est un rêve…  » J’admirais déjà Lacroix quand j’étais enfant. Grâce à lui, j’ai découvert la haute couture et l’artisanat. C’est fantastique de le voir travailler. L’homme est pur, ouvert et amical. Nous sommes d’ailleurs toujours en contact.  » Après cette initiation, Bruno Pieters préfère revenir à Anvers.  » Ici, j’ai les pieds sur terre et je me concentre plus facilement sur mon boulot. Je n’envisage pas de rester indéfiniment en Europe. New York m’attire car cette ville est si vivante !  »

Son credo. Pour nous faire partager mieux encore sa passion de la mode, Bruno Pieters nous conduit dans son atelier, blanc lui aussi. Studieux et convivial, ce lieu de travail bruit autour des tissus et des machines à coudre.  » Alors que les Belges sont réputés pour leur déconstruction, j’aime construire une silhouette, martèle le créateur. Ma recherche de la perfection s’exprime dans des lignes pures. Cette rigueur est liée à mon côté flamand et mon éducation stricte. Mais mon style n’est pas minimaliste, car il y a un réel souci du détail.  »

Ses amis. Pour se déconnecter du boulot, Bruno s’entoure d’amis fidèles, rencontrés à l’Académie d’Anvers.  » Comme ils travaillent dans la mode, nous nous comprenons, se réjouit-il. Mes meilleurs copains sont des femmes, car elles sont une source constante d’inspiration. Même si je n’appelle pas souvent, on peut compter sur moi. Je suis à l’écoute des autres…  » Bruno Pieters partage aussi une grande complicité avec ses s£urs, Véronique et Frédérique. Cette dernière a longuement été son bras droit, avant de rejoindre le secteur culturel.  » Le regard des femmes de ma famille est très important car elles aiment être surprises par mes vêtements. Les femmes ont un côté créatif que j’admire. J’aime leur besoin de beauté et de nouveauté.  »

Ses coups de c£ur. Enfant, Bruno Pieters rêvait d’être cuisto, mais, aujourd’hui , il avoue franchement que ses talents culinaires sont limités.  » Depuis que j’ai arrêté de fumer, je mange sainement « , glisse-t-il. La simplicité lui sied bien.  » Je pars rarement en vacances parce que je m’ennuie rapidement. C’est dû à mon tempérament : j’ai toujours besoin d’être occupé.  » Cela ne l’empêche pas de voyager pour les affaires. Ses beaux livres démontrent qu’il est fasciné par d’autres cultures.  » Au Japon, les créateurs belges sont adulés comme des rock stars (rires) ! La mode constitue la seule détente des jeunes branchés. En quête de nouveautés, ils sont très audacieux.  » Le créateur se dit également marqué par une visite à Jérusalem.  » N’étant pas croyant, je ne m’attendais pas à être aussi touché par cette ville sainte, qui renferme l’Histoire. Ce sentiment magique m’a tellement imprégné, qu’il a inspiré ma collection de l’an dernier.  »

Ses loisirs. Une chanson envahit l’espace…  » Je possède énormément de CD, signale Bruno Pieters. La pop me détend : je suis un inconditionnel de Michael Jackson parce qu’il me donne envie de danser. Côté classique, je préfère Brahms et côté musique expérimentale, j’aime le Japonais Ryoji Ikeda.  » Et aussi…  » J’apprécie les grands photographes classiques, comme Richard Avedon ou George Platt Lynes, qui imagine une lumière dramatique. Le cinéma est pour moi une grande source d’inspiration. Plus que l’histoire, c’est l’atmosphère qui compte. Hitchcock, Antonioni et Scorsese sont des maîtres.  »

Son goût du défi. Toujours en quête de nouveaux défis, Bruno Pieters multiplie les expériences, en solo ou pour d’autres,  » afin de connaître sans cesse de nouveaux éléments « .  » J’ai une immense soif d’apprendre, s’enthousiasme-t-il. Je me perçois comme un débutant, qui n’en finit pas de s’instruire et d’avancer.  » Parce qu’il estime qu’il a beaucoup reçu, il souhaite donner quelque chose en retour. Aussi s’implique-t-il dans des événements caritatifs.  » Tout le monde a droit à une parcelle de chance.  » Le créateur ne doit toutefois pas tout à la providence. Il a pleinement contribué à faire briller sa bonne étoile.  » Exigeant, perfectionniste et persévérant, je fais désormais ce dont j’ai toujours rêvé. Je ne me perçois pas comme un couturier, mais comme un constructiviste, qui construit un habit avec un tissu. La beauté exhale un sentiment de pureté, d’honnêteté et d’intégrité.  »

Carnet d’adresses en page 166.

Kerenn Elkaïm

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