Mazzorbo, île discrète au nord de la lagune de Venise, abrite Venissa, une des adresses gourmandes les plus courues de la Sérénissime. Rencontre avec Gianluca Bisol, le vigneron, et Paola Budel, la cuisinière, qui nous livre aussi ses recettes.

Si vous êtes déjà allé à Venise, l’envie vous a sans doute pris de pousser la découverte jusqu’à l’île de Burano et ses enfilades de maisons multicolores. En sortant du vaporetto qui vous y amène depuis la place San Marco, en tournant le dos au joli village de pêcheurs, vous apercevez le campanile effilé de l’île de Mazzorbo. Pour la rejoindre, il suffit de passer le pont piétonnier en bois, frontière ténue vers cette perle moins connue.

Le campanile de Santa Caterina, construite en l’an 783, détient la plus vieille cloche de la lagune (1318). Cet émouvant patrimoine fascinait Gianluca Bisol. Il y a trois ans, ce producteur réputé de prosecco du Veneto a remarqué, à côté de l’église, un terrain communal emmuré, une sorte de grand jardin de plus d’un hectare laissé en friche depuis vingt ans. On y cultivait autrefois des légumes qui poussaient en bordure d’un petit vignoble.

Gianluca décide aussitôt d’y créer une nouvelle vigne, du cépage dorona :  » celui que les Doges ont implanté sur les îles de la lagune, pour produire leur propre vin.  » Un tel projet ne peut être viable qu’en l’intégrant dans un contexte plus large, valorisant tourisme et gastronomie. C’est ainsi que naît Venissa et la collaboration avec Paola Budel. Également sommelière, cette chef italienne a travaillé dans de nombreuses maisons étoilées. Elle a aussi £uvré, à plusieurs reprises, avec Gualtiero Marchesi, le père de la nouvelle cuisine italienne, et a beaucoup exercé à l’étranger : Londres, Monaco, Tokyo, Hongkong, New York… Ce parcours lui a donné une base solide, tant dans la connaissance des ingrédients que dans la technique culinaire.

 » Nous disposons à Venissa d’une auberge de six chambres, et d’un restaurant aménagé dans une ancienne grange « , pointe Gianluca. Entouré de sa grande terrasse longeant le vignoble, le  » ristorante  » tire magnifiquement parti de la lumière. Sa façade principale est entièrement vitrée. À l’intérieur, une grande cloison, réalisée en verre et en acier Corten, sépare la salle de la cuisine.

Ce matin-là, Paola Budel a reçu une provision de minuscules artichauts violets. Ils lui ont été livrés par un des dix jardiniers amateurs qui cultivent le potager de Venissa.  » Ils sont tous pensionnés, précise la chef. Ils habitent juste à côté à Burano. Nous leur avons proposé d’exploiter ces petits lopins de terre, de cultiver les légumes pour leurs propres besoins et de nous en livrer contre rémunération. « 

Même si ces fournisseurs attitrés ne couvrent pas tous les besoins du restaurant, leur présence a une influence sur les menus et la cuisine de Paola, lui conférant une  » immédiateté « , terme qu’elle revendique. Pour elle, en effet, un plat, c’est  » faire parler deux ou trois produits à qui on apporte le minimum de transformation « .

Paola confesse une petite infidélité à son pays.  » Pour le pain et les viennoiseries, je me sens française. Tous les jours, Franco, mon mari, en confectionne plusieurs sortes. Pour nos hôtes, qui font le voyage jusqu’ici, nous souhaitons que chaque repas soit un bon souvenir. J’aime aussi qu’on prenne le temps pour le petit déjeuner, en profitant de la terrasse. « 

Recettes en pages 46 et 48.

Carnet d’adresses en page 72.

Par Jean-Pierre Gabriel

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