Au pays des rêves
A quoi ressemble cette providentielle terre de tous les fantasmes ? Sorti tout récemment, l’ouvrage Dreamscapes and Artificial Architecture s’efforce d’apporter une réponse à cette question avec l’aide d’une nouvelle génération d’artistes, dont l’oeuvre, à l’intersection de l’art de bâtir, de la déco et de la technologie, matérialise nos utopies… ou nos angoisses dystopiques.
Les outils de rendu numérique permettent aujourd’hui aux architectes et créateurs de visualiser plus facilement leurs idées avant de se lancer ( lire aussi en page 42). Sous l’influence des réseaux sociaux, une nouvelle génération d’artistes s’est toutefois aussi approprié ces technologies pour repousser les limites de la créativité : dans un univers virtuel, tout est possible, des constructions chimériques aux paysages les plus fous en passant par les formes biscornues et les couleurs irréelles ! Publié aux éditions Gestalten, le beau livre Dreamscapes and Artificial Architecture (*) part à la découverte de ces mondes nouveaux et propose, au travers d’une sélection de créateurs en provenance d’un peu partout, un aperçu absolument fascinant de ce que ses auteurs appellent » le mouvement dreamscape » – une forme d’art où le concepteur donne libre cours à son imagination en utilisant des outils numériques pour apporter à la réalité des nuances inédites.
Au-delà de l’avènement et du perfectionnement croissant des programmes de dessin et de conception graphique, les réseaux sociaux ont joué un rôle non négligeable dans l’apparition de cette nouvelle forme d’art. Nous vivons en effet à une époque dominée par le visuel, où des algorithmes basés sur les likes et les partages réagissent instantanément à ce qui plaît ou non aux utilisateurs. Les tendances se propagent plus rapidement que jamais et, grâce aux nouvelles technologies, il est aussi plus facile de prendre le train en marche. Alors qu’il fallait encore, il y a quelques années à peine, réunir des objets et créer des décors de toutes pièces pour obtenir une ambiance donnée, il suffit aujourd’hui d’un écran d’ordinateur pour esquisser en quelques clics de souris des images où le réel est parfois indiscernable de l’imaginaire. Délivrés des contraintes du monde tangible, ces paysages oniriques sont un moyen idéal d’élargir le champ des possibles… Sans limites.
(*) Dreamscapes and Artificial Architecture, éditions Gestalten, 208 pages, sortie fin mai.
Alexis Christodoulou
Installé dans la ville du Cap en Afrique du Sud, Alexis Christodoulou se spécialise dans la création de scènes et de paysages extraordinairement détaillés. » Je m’efforce d’obtenir un résultat le plus clean possible pour donner au public l’envie de s’attarder « , explique-t-il. Inspirées de l’art et du design des années 60, ses oeuvres respirent le calme et la quiétude – ce sont, pour reprendre ses propres termes, des » sanctuaires numériques » où trouver un moment de paix, mais aussi une réaction aux visuels 3D criards de sa jeunesse, tirés de l’univers des dessins animés. Des scènes tout en sérénité qui démontrent que le numérique n’est pas forcément un monde de bruit et de fureur…
alexiscstudio.com
Antoni Tudisco
Directeur artistique et artiste 3D basé à Hambourg, Antoni Tudisco pimente l’univers numérique d’une pincée de street style en modifiant des personnages, visages ou parties du corps humain par les ajouts les plus fantasques. Entre bijoux dentaires dorés, émoticônes tatouées et peaux recouvertes d’une toison épaisse, la frontière s’estompe entre l’homme et l’animal, entre l’homme et l’objet. L’artiste est également grand fan de baskets et a eu l’occasion de collaborer avec des marques telles que Nike, Puma et Adidas. behance.net/antoni et surrealstud.io/
Cameron Burns
L’Américain Cameron Burns travaille comme animateur et crée aussi régulièrement des pochettes d’albums musicaux. Ses paysages fantasmagoriques en 3D sont moins des rêves que des cauchemars peuplés d’esprits, de tombes et de crânes qui leur confèrent une atmosphère particulièrement sombre, encore renforcée par la lumière de néons ou de phares qui génèrent une atmosphère quasi apocalyptique. Stranger Things n’est jamais bien loin…
captvart.com
Filip Hodas
Dans sa série Pop Culture Dystopia, le Tchèque Filip Hodas relooke en mode post-apocalyptique une kyrielle d’icônes de la culture pop, de Hello Kitty à Mickey en passant par le clown Ronald McDonald. Mieux connu sous son pseudonyme Hoodass, il se laisse guider par des films de science-fiction, des livres et des jeux vidéo dont les univers se retrouvent clairement dans les paysages désolés ultraréalistes de la série. Abandonnés et délabrés, les personnages cultes évoquent le lointain souvenir d’un monde à jamais perdu.
behance.net/filiphds
Charlotte Taylor
Chez la Londonienne Charlotte Taylor, la différence entre l’utopie et la réalité réside surtout dans les détails. Parfaitement réalistes avec leur petit air de Moyen-Orient et le côté épuré que leur confèrent les formes arrondies et leur palette de tons ocre, ses scènes sont pourtant complètement fictives. L’artiste collabore souvent avec d’autres sur ces projets oniriques, où elle voit surtout un moyen d’expérimenter et de fantasmer. Peu à peu, elle s’essaie toutefois aussi, sous la bannière de Dellostudio, à des espaces réels, créés en collaboration avec Oscar Piccolo. » La frontière entre le rendu virtuel et la réalité s’estompe. Les éléments surréalistes n’ont pas disparu, mais nous accordons davantage d’attention à l’habitabilité. Quelques infimes détails peuvent faire une énorme différence en termes de perception de l’espace. «
studiocharlottetaylor.com
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