On évoquait sa beauté plus souvent que son talent… Mais, aujourd’hui, Aure Atika explose dans  » La Faute à Voltaire « . Pour un nouveau départ?

Aure Atika aime convier ses amis au Costes, l’hôtel hyper-branché situé à deux pas de la place Vendôme, à Paris. Elle y donne aussi parfois des interviews, dont le ton a sensiblement changé depuis son dernier film en date. Dans  » La Faute à Voltaire « , évocation chaleureuse de l’univers des immigrés clandestins et des exclus de la société, l’actrice prouve, en effet, définitivement, qu’elle n’est pas seulement une belle plante destinée à pimenter les images de comédies faciles comme  » Bimboland  » ou  » La Vérité si je mens (1 et 2) « . Dans le rôle d’une barmaid tunisienne, amoureuse d’un compatriote en séjour illégal, et soignant les blessures d’un premier amour déçu (le père de son jeune enfant l’a quittée honteusement), Aure affiche un talent dont la reconnaissance devrait lui valoir (enfin) d’autres propositions artistiquement gratifiantes. Ses débuts sur scène, à la rentrée, dans une pièce où joueront aussi Danielle Darrieux et Dominique Lavanant, pourrait bien assurer la crédibilité d’une interprète jusqu’il y a peu considérée surtout pour ses qualités plastiques. Les cheveux courts, peu maquillée, naturelle et volontiers rieuse, Mademoiselle Atika nous a, en tout cas, semblé prête au nouveau départ qui s’annonce pour elle…

Weekend Le Vif/L’Express: On est heureux de vous voir dans ce rôle de Nassera de  » La Faute à Voltaire « ! Nous sommes bien loin des conventions de  » La Vérité si je mens 2 « …

Aure Atika: J’avais déjà endossé quelques rôles  » sérieux  » mais on m’avait moins remarquée. Il faut dire que Nassera est un beau personnage. Je me suis sentie très proche d’elle. Elle a cette sorte de rage permanente, de sauvagerie, qui m’habitait aussi quand j’avais moi-même 18-20 ans. J’avais cette difficulté à exprimer mes sentiments autrement que par une certaine violence. Nassera me ressemble par les origines, par ce côté oriental, plus brut, impulsif, méditerranéen. Aussi par les blessures qu’elle porte à l’intérieur. Dans la vie, je n’aime pas montrer mes blessures (ce ne sont pas les mêmes), mais au cinéma c’est différent: là, je suis heureuse de pouvoir le faire. Et ça surprend bien sûr ceux qui me voyaient définitivement dans des emplois conventionnels et lisses. J’ai des amis qui n’allaient jamais me voir dans les comédies commerciales, qui me reprochaient même de les tourner. Comme si une actrice avait toujours le choix!

Vous sentez-vous victime du cloisonnement, très présent en France, entre cinéma d’auteur et cinéma populaire?

Je me souviens d’un voyage organisé par Unifrance ( NDLR : l’organisme chargé de la promotion du cinéma français). Dans l’avion, on sentait comme deux camps: celui des comédies populaires comme  » Taxi  » ou  » Bimboland  » (que je représentais), et celui des vrais films ( rire)! En tant que membre supposé du premier groupe, j’étais forcément quelqu’un de superficiel, avec ma joie de vivre et mon envie de m’amuser. J’étais peut-être parano, parce qu’après on s’est un peu mélangés et plutôt bien entendus. Mais, pour le travail, le cloisonnement est bien présent. J’ai beau vouloir m’intéresser à certains rôles, ils ne sont pas pour moi. Il est vrai que les comédies que j’ai pu faire ne permettent pas de montrer l’étendue de son talent. Mon rôle dans  » La Vérité si je mens 2  » est assez limité, il relève de l’archétype.

Ce n’est pas non plus le film le plus féministe de l’histoire du cinéma…

Pas vraiment, non (rire)! Je ne renie rien mais j’en ai assez de me sentir frustrée. J’aimerais pouvoir aller de plus en plus vers le film d’auteur. Du moins, je l’espère. Inch’Allah!

L’image que les gens ont de vous devra évoluer…

Il serait temps! J’ai un site Web officiel, avec un forum. Et j’y réponds aux questions des fans. La plupart disent:  » Vous êtes super-belle et vous êtes une super-bonne actrice.  » Si un des deux éléments disparaît du discours, c’est toujours  » super-bonne actrice « . C’est assez énervant, en fait. Je suis franchement déçue. Les gens sont souvent sympas mais c’est toujours ma plastique qui les branche, pas vraiment mes talents dramatiques ( rire)! Je ne pensais pas être à ce point perçue comme une fille sexy et c’est tout. Je croyais qu’on voyait autre chose…

Avez-vous des souvenirs d’enfance liés au cinéma?

Je l’avais oublié, mais ma tante me disait, l’autre jour, que quand j’étais toute petite, je voulais déjà être  » acteuse « . Mon idole, c’était Charlie Chaplin. Je marchais comme lui, je faisais ses mimiques. Il y a toute la vie, toute l’humanité, dans les films de Charlot. J’avais deux regrets, étant gosse: de ne pas être la petite-fille de Chaplin, et que ma mère n’ait pas épousé Elvis Presley ( rire)! Une vraie cinéphile, ma mère. Elle m’emmenait, encore enfant, voir des films d’auteur comme ceux de Philippe Garrel…

Vous incarnez une immigrée dans  » La Faute à Voltaire « . Est-ce important, pour vous, d’être de quelque part?

Oui. De plus en plus. Quand on sait d’où on vient, on sait où on va.  » La Faute à Voltaire  » m’a aussi permis de revenir vers mes origines. Curieusement, si au début, quand je faisais des castings, on me disait que j’étais trop typée, maintenant on ne me le dit plus. Peut-être que les gens se le disent toujours entre eux et qu’ils ne m’appellent pas (rire)… Enfin, à cause de ces remarques, j’avais l’impression d’avoir un peu gommé mon côté oriental. Et je suis très intégrée à la vie parisienne. Mais j’ai ressenti, ces derniers temps, le désir de renouer avec tout ce passé familial et personnel, toute cette culture que j’aime.

Quels éléments de cette culture vous sont-ils les plus chers?

Eh bien, par exemple… faire la cuisine (rire)! La nourriture est une chose primordiale dans cette culture.  » T’as pas assez mangé. Allez, mange!  » Cela, je l’ai tant entendu, et je le dis moi-même. Il y a aussi une chaleur particulière, une sorte de générosité. Et du tempérament! On peut s’énerver très vite et puis se réconcilier dans le quart d’heure.

Les migrants, les déplacés, vivent de plus en plus nombreux dans nos villes…

Ils sont attirés vers ici, avec souvent un mirage dans les yeux. J’ai reçu l’autre jour une lettre d’un jeune Sénégalais qui parle de la France comme d’un pays de cocagne où on lui donnera directement un travail, de l’argent qui lui permettra d’aider sa mère, ses grands-parents, ses frères et soeurs. Alors que la réalité… Je vis dans le XVIIIe arrondissement de Paris, j’ai toujours fréquenté les quartiers populaires, j’adore Ménilmontant, Barbès… J’ai des amis immigrés. Mais le monde de ceux qui sont déjà installés et celui des nouveaux arrivants ne se rencontrent que sporadiquement. Moi qui évolue désormais, socialement parlant, dans un autre milieu, je réalise que l’échelle des valeurs n’y est pas la même, qu’il y a souvent plus d’authentique humanisme parmi les exclus. Je suis consciente, je ne suis pas militante. Même si je comprends certaines choses de par ma propre expérience. Comme l’importance de l’alphabétisation. C’est moi qui ai appris à lire à ma grand-mère. Dans mes cahiers d’écolière. C’était la seule manière pour elle de s’élever. Une femme marocaine, illettrée, en dehors de la cuisine, des enfants et de la télé, il n’y a pas grand-chose pour elle…

Propos recueillis par Louis Danvers

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