A Bali, on cajole avec ferveur les dieux et on apaise journellement les démons. On dit même qu’il pleut de l’eau bénite. Mais Bali c’est aussi un magnifique patrimoine naturel et humain aux rizières en terrasses dévalant les montagnes et aux mille et un temples devant lesquels défilent d’incessantes processions villageoises au son des musiques de gamelan.

I solée au milieu d’un archipel musulman, Bali est la seule des 13 000 îles indonésiennes qui soit restée hindouiste. Ici, un nombre infini de divinités et esprits plus ou moins maléfiques sont incessamment fêtés, nourris et divertis. Dans les rues des villes de Denpasar, Kuta ou Klungkung, sur le seuil des maisons, devant la porte d’une chambre d’hôtel, sur le tableau de bord d’un taxi, il n’est pas rare de voir quelques grains de riz et pétales d’hibiscus disposés sur une feuille de bananier ou de cocotier. Ces £uvres d’art éphémères sont censées apaiser les esprits malfaisants. Une autre image balinaise s’imprimera également dans l’esprit des visiteurs : les innombrables porteuses d’offrandes coiffées d’une pyramide effilée de fruits, gâteaux, poulets, fleurs, qui dans les campagnes vont au temple en une interminable procession. Des fleurs rouges sont offertes à Brahma, des bleues pour Vichnou et enfin des blanches pour Siwa. Bali compte pas moins de 20 000 temples censés honorer tous les 210 jours ses dieux et déesses…

Sur la route qui serpente parmi les rizières alimentées par des rivières canalisées en une multitude de rigoles, la voiture monte lentement. Provenant des hauteurs, l’eau guidée par des tuyaux de bambous irrigue les champs. Du village de Pesaban jusqu’au sommet de la crête, une symphonie de verts se marie aux nuances dorées du riz mûr. Dans ce paysage de toute beauté, des enfants cherchent des grenouilles ou des libellules, tandis que des hommes accroupis, se reposent après le travail, certains se baignant dans les rivières. La route suit la pente du Gunung Agung, la grande montagne au flanc de laquelle est accrochée le temple de Besakih. Cet immense complexe religieux composé de 170 sanctuaires, est l’endroit le plus sacré de l’île. Une longue allée pavée, bordée de boutiques de souvenirs, mène à une forêt de pagodes dont les toits noirs peuvent compter jusqu’à onze niveaux superposés. Made, notre guide et Ida Bagus Wijaya, fils d’un pedanda (grand prêtre balinais) nous escortent. Son frère aîné est brahmane.  » C’est la fonction qui crée la caste, nous affirme-t-il. Les noms en disent long sur la position sociale. Mes fils porteront toujours le titre de Ida Bagus tandis que mes filles porteront celui d’Ida Ayou.  » Cependant, loin des villages, les castes changent de sens. Les brahmanes partent à la ville, devenant ingénieurs, médecins, fonctionnaires. La vieille société balinaise, où, chaque paysan était musicien ou danseur tente pourtant de survivre. Modernité oblige, Ida Bagus Wijaya est devenu agent de voyage. Aidé de sa femme Rudi, il tente de faire découvrir un  » Bali côté terre, là où le temps s’écoule sans heurts ni bruits, où rien n’a changé « .

Pour entrer dans un temple, il faut impérativement ceindre un sarong, rectangle de tissu noué à la taille descendant jusqu’aux chevilles et sans lequel on ne saurait pénétrer dans un lieu saint. Un panneau mentionne d’ailleurs que l’accès du temple de Besakih est interdit à toute personne  » impure « .

Le temple principal s’élève sur sept étages. Des gamins rivalisent ici de vitesse pour gravir les marches menant à la porte s’ouvrant sur l’avant-cour du temple. Au seul temple de Besakih, cinquante-cinq fêtes religieuses sont ici programmées chaque année. C’est alors que les gamelans font vibrer l’air, les pyramides de fleurs et de fruits garnissant les autels et la joie des dieux rejaillissant sur tous les participants. Lors de ses manifestations, le temps semble s’être arrêté. On a l’impression de feuilleter un livre ancien aux pages très jaunies, où resurgissent les souvenirs d’une ancienne ville royale comme Klungkung (aujourd’hui petite cité active rebaptisée Semarapura), autrefois un des sièges les plus importants des gouvernements régionaux. Dans le  » puri « , le palais du raja de Klungkung, se sont établies les bases les plus pures de la musique balinaise. La cour de justice ou  » Kerta « , y est toujours célèbre pour son plafond orné de peintures relatant les tortures infligées dans l’au-delà aux pécheurs, telles ces femmes stériles condamnées à être éternellement tétées par d’énormes serpents…

LE LIMAGE DES DENTS ET LE MARIAGE

Aujourd’hui, c’est la fête chez Iwayan Kondra, professeur de psychologie à l’université de Singaraja. Sous le portail de la maison, ce sont de constantes allées et venues. Des femmes chargées d’offrandes entrent, des joueurs de gamelan s’accroupissent sur le sol. Six garçons et huit jeunes filles attendent dans une chambre, un peu anxieux car le  » sanghing « , prêtre-paysan, va limer leurs dents. Les jeunes filles vont devoir s’allonger deux par deux sur l’autel de cérémonie. Le prêtre commence par la plus âgée, Ayu, 21 ans. Vêtue d’une jupe de soie brodée de fils d’or, une large ceinture enserre sa taille jusqu’à la hauteur de sa poitrine. Sur sa tête elle a posé une tiare avec des fleurs. Dans sa paume ouverte, elle reçoit de l’eau bénite dont elle asperge son front, ses lèvres et son visage. Le prêtre lime canines et incisives qui doivent être parfaitement alignées. Entre chaque opération, la jeune fille grimace puis crache dans une noix de coco qui sera gardée à la maison ou jetée dans la rivière avec des offrandes. Débarrassée de ses dents pointues, apanage des démons, elle pourra enfin se marier sans problème… La cérémonie coûte cher. En bon père de famille et homme d’affaires avisé, Iwayan Kondra a décidé qu’à l’occasion de cette cérémonie de limage de dents, on procéderait également au mariage de son neveu.  » Le calendrier balinais indiquait que ce jour était favorable pour l’accomplissement de cette cérémonie « , précise-t-il. Vêtus de leurs plus beaux atours, les jeunes gens paraissent devant le prêtre, le pedanda, les yeux tournés vers l’Est. Ils s’assoient et se donnent mutuellement du riz à manger tandis que le prêtre, en robe blanche, récite des prières et invoque les ancêtres. Il asperge les jeunes gens d’eau bénite, agite sa sonnette d’argent et laisse tomber sur leurs têtes des pétales de fleurs et des grains de riz. Enfin, le prêtre leur dessine une marque sur le front pour les protéger du Mal. Le gamelan, l’orchestre du village, dont Iwayan Kondra est membre, est lui aussi de la fête. Les musiciens ont piqué une fleur d’hibiscus derrière l’oreille et noué un mouchoir jaune sur le front. Ils sont assis, jambes croisées derrière leur instrument constitué de lames de bronze fixées sur un résonateur en bois sculpté. Ils percutent les lames avec un maillet et jouent de toute leur force. D’autres frappent avec une mailloche des gongs en cuivre jaune suspendus à des cadres sculptés. Jeux de cloches de bronze, tambours, flûtes, cymbales à main construisent une polyrythmie complexe.

Tous les villageois sont aujourd’hui invités. Le gamelan déroule ses arabesques sans fin. La fête se poursuit par un repas constitué des offrandes offertes auparavant aux dieux. Elles leur sont ainsi reprises en bon et cordial échange. Les Balinais honorent

sur l’autel de cérémonie. Le prêtre commence par la plus âgée, Ayu, 21 ans. Vêtue d’une jupe de soie brodée de fils d’or, une large ceinture enserre sa taille jusqu’à la hauteur de sa poitrine. Sur sa tête elle a posé une tiare avec des fleurs. Dans sa paume ouverte, elle reçoit de l’eau bénite dont elle asperge son front, ses lèvres et son visage. Le prêtre lime canines et incisives qui doivent être parfaitement alignées. Entre chaque opération, la jeune fille grimace puis crache dans une noix de coco qui sera gardée à la maison ou jetée dans la rivière avec des offrandes. Débarrassée de ses dents pointues, apanage des démons, elle pourra enfin se marier sans problème… La cérémonie coûte cher. En bon père de famille et homme d’affaires avisé, Iwayan Kondra a décidé qu’à l’occasion de cette cérémonie de limage de dents, on procéderait également au mariage de son neveu.  » Le calendrier balinais indiquait que ce jour était favorable pour l’accomplissement de cette cérémonie « , précise-t-il. Vêtus de leurs plus beaux atours, les jeunes gens paraissent devant le prêtre, le pedanda, les yeux tournés vers l’Est. Ils s’assoient et se donnent mutuellement du riz à manger tandis que le prêtre, en robe blanche, récite des prières et invoque les ancêtres. Il asperge les jeunes gens d’eau bénite, agite sa sonnette d’argent et laisse tomber sur leurs têtes des pétales de fleurs et des grains de riz. Enfin, le prêtre leur dessine une marque sur le front pour les protéger du Mal. Le gamelan, l’orchestre du village, dont Iwayan Kondra est membre, est lui aussi de la fête. Les musiciens ont piqué une fleur d’hibiscus derrière l’oreille et noué un mouchoir jaune sur le front. Ils sont assis, jambes croisées derrière leur instrument constitué de lames de bronze fixées sur un résonateur en bois sculpté. Ils percutent les lames avec un maillet et jouent de toute leur force. D’autres frappent avec une mailloche des gongs en cuivre jaune suspendus à des cadres sculptés. Jeux de cloches de bronze, tambours, flûtes, cymbales à main construisent une polyrythmie complexe.

Tous les villageois sont aujourd’hui invités. Le gamelan déroule ses arabesques sans fin. La fête se poursuit par un repas constitué des offrandes offertes auparavant aux dieux. Elles leur sont ainsi reprises en bon et cordial échange. Les Balinais honorent Brahma, Vishnu et Shiva, divinités hindouistes de la création, auxquelles chaque village dédie trois temples. A quoi s’ajoutent plusieurs centaines d’autres dieux, de celui des mon tagnes à celui des mers, en passant par la déesse du riz et celle des semailles et des moissons. C’est pourquoi il est fréquent de rencontrer un même après-midi dans différents villages des cortèges colorés qui s’en vont en procession. Des hommes portent sur de hauts bambous des drapeaux blancs et jaunes en forme d’énormes faucilles, d’autres des ombrelles dorées à longs manches au-dessus d’un autel. Ils vont à la rivière pour la purification. Animée par les mantras, phrases sacrées, l’eau lave les offrandes. Elle est un don des dieux.

C’est aussi ce que disent – au centre de l’île – les habitants du village de Bédugul, au bord du lac Bratan. Noyé dans un voile de brume, le lac remplit la caldeira d’un volcan éteint. Ici on honore la déesse des eaux, Dewi Danu. Un temple, Ulu Danu, sur un petit promontoire au-dessus du lac, lui est dédié. Sur l’autel ont été déposées deux bananes, deux oranges, deux pièces de 50 rupiah (0,5 cents d’euro) et des pétales de fleurs. Les dieux ne changent pas et tant qu’ils régneront dans les temples et sur les fleuves, les montagnes et les champs, Bali sera en état de grâce.

Bali pratique en page 10.

Michèle Lasseur

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