Mannequin d’un jour pour Weekend, Daan fait le point sur son look, sa vie et son nouvel album baptisé  » The Player « . Interview vérité.

Daan Stuyven est un caméléon, signe d’une astrologie personnelle mise au point, depuis quelques années déjà, par ce Flamand voyageur de 37 ans. Une bougeotte géographique qui l’a mené d’Anvers à Bruxelles, où il est désormais installé en face d’une voie ferrée. Une bougeotte musicale aussi, puisque son goût pour l’expérimentation n’a jamais démenti une nature profondément pop.

Daan a réussi quatre disques intéressants avec son ancien groupe Dead Man Ray, mais c’est en solo que cet angoissé rieur a fait un carton avec son troisième album perso,  » Victory « , sorti en 2004. Disque d’or, manne de concerts, cachets luxueux, début de pipolisation, Daan évite néanmoins de devenir un BV (bekende Vlaming) : contrairement aux exigences du star-system flamand, il reste discret sur sa vie privée et ne fréquente pas les plateaux télévisés sur-conviviaux du nord du pays.

Du côté francophone, il reste plus culte que popu. La musique de son nouvel album solo ( » The Player « , planifié pour la fin octobre) possède un double revers : commerciale, sucrée, mais aussi têtue, originale et transversale. Daan n’aime rien tant que de brouiller les pistes. Daan, joueur ?

Weekend Le Vif/L’Express : Certaines images de la session photo pour notre magazine te présentent pratiquement fringué comme un  » broker  » de la Bourse. On découvre le casual Daan…

Daan : C’est une sorte de thérapie. Lorsque je m’habillais très rock, j’étais comme un mouton déguisé en loup. C’est la raison pour laquelle je m’habille très net quand je me sens très sale à l’intérieur. Donc, c’est intéressant de passer par des vêtements associés aux gens qui font la Bourse, mais je crois qu’il y a des gens plus intéressants qu’eux. Cela dit, la session de mode, c’est une façon de ne pas se rouiller soi-même, de se dire que j’ai encore tout à découvrir. C’est cette idée-là qui rend un peu vivant…

A l’instant, de retour de la session, tu es habillé moyennement chic, cela veut-il dire que tu vas moyennement bien ?

Un peu. Mes sentiments sont plutôt cycliques : parfois les cycles durent une semaine ; parfois une heure. Pour l’instant, ils sont calibrés à deux-trois jours. Je peux me sentir bien pendant ce temps-là, puis je m’effondre. Je me remets pendant un ou deux jours et puis, il faut que je casse tout à nouveau.

As-tu été diagnostiqué maniaco-dépressif ? Non, mais hier, je me posais justement la question. On ne va pas parler de mon père, hein (rires) ? D’ailleurs, je ne parle plus de mes parents dans les interviews, tout au moins depuis qu’ils m’ont demandé de ne plus le faire ! Ils ont le réflexe normal : ils préfèrent parler d’eux, eux-mêmes !

Il me semble que la BO de ton enfance passée du côté de Leuven, c’était à la fois de la chanson française et le bruit de la forêt toute proche, non ?

J’entendais du Randy Newman, du Brassens, du Swingle Sisters que mes parents utilisaient comme berceuse. J’habitais dans un endroit très en retrait, je bricolais, je dessinais, j’écoutais la radio, de façon assez solitaire, bien que j’aie un frère et deux s£urs. Avec une grande différence d’âge : je suis le plus jeune.

De ton  » enfance sauvage « , tu as conservé le même principe de production dans ta musique, que tu exécutes plutôt seul en studio…

Dans une journée, il me faut être seul la moitié du temps pour pouvoir digérer l’autre moitié ! Sinon, je  » marche en dehors de mes chaussures « , comme on dit en flamand !

Tu es une sorte d’asocial qui se socialise !

Un asocial qui s’applique à se socialiser et qui cherche une sortie à la solitude pour qu’elle ait quand même une fonction sociale.

Les titres de ton nouvel album constituent pratiquement la déclinaison de ta biographie : tous ont le potentiel de te représenter !

Cette fois-ci, j’ai voulu faire de l’exorcisme en douze étapes : une chanson par étape. Dans le passé, j’ai souvent fait des caricatures de moi-même qui, au final, ne l’étaient plus du tout. Pendant un moment, j’ai dû faire des albums de lutte : je devais encore devenir musicien, le moment n’était pas à l’introspection, il fallait exister. Je n’ai plus ces priorités et donc je n’ai plus les mêmes besoins : j’ai envie de me regarder un peu. Sur ce disque, je règle davantage les choses avec moi-même. C’est peut-être pour cela que j’y ai travaillé si longtemps : toutes les excuses sont bonnes pour ne pas rentrer en thérapie (rires). Il y a des choses plus légères à faire, comme aller boire un verre à la terrasse d’un café ou faire un concert.

Le  » Vaurien  » du disque, c’est toi ou ton fils ?

Ce n’est pas mon fils, non (sourire). Je ne pourrais jamais dire du mal de mon fils. Le  » Vaurien  » c’est une partie de moi, il y a quelques années…

Sandrine Collard, la mère de ton fils – dont tu es séparé – est namuroise. Ta fiancée actuelle, Géraldine, est bruxelloise : qu’est-ce que les filles francophones ont de plus par rapport aux Flamandes ?

Je connais trop la langue flamande et les filles se démystifient en la parlant (rires). Je les comprends beaucoup trop vite et trop bien. Et puis, la langue française est plus suave, plus fleurie : elle fait rêver ! Je ne connais pas de Flamandes comme ça.

Dans ce disque, tu ne parles pas de ta  » near death experience  » survenue il y a deux ans et demi (NDLR : un problème de santé potentiellement mortel que Daan ne désire pas médiatiser) ?

Non, je n’ai jamais voulu médiatiser cela. C’est un accident de parcours et je crois qu’il y a des expériences plus fortes et inquiétantes que celles-là. Le côté positif, c’est que je n’ai pas envie de rester trop là-dessus… Dorénavant, je soigne le bonheur et la chance : je ne veux pas cultiver le côté accident. Cela a été un malentendu entre moi et mon ange gardien, on s’est mal compris.

Tu as essayé la véritable thérapie ?

Non, la meilleure thérapie que je connaisse est de faire suivre le plus de bonheur consécutif : chaque jour que tu vis comme cela est un jour de gagné !

Tu es graphiste de métier et d’ailleurs, tu t’occupes toujours du layout de tes pochettes. Pour toi, il ne semble pas y avoir de différence entre musique et image !

Dans ce qui me préoccupe, je ne fais pas de différence entre vidéo, photo et musique. Toutes participent à la fiction ou à la caricature que je fais de moi-même. D’ailleurs, lors de la session photo de Weekend, cela me frustrait de ne pas être derrière l’appareil pour faire le cadrage, la correction couleurs (rires)…

Tu n’as pas pété les plombs devant l’argent offert pour certaines de tes prestations, en Flandre particulièrement (NDLR : jusqu’à 20 000 euros le concert) ?

Non, parce que cela m’a pris dix ou quinze ans avant de gagner de l’argent. C’est monté tout doucement. Avant, c’était une bataille motivante pour convaincre les gens, ce l’est un peu moins aujourd’hui. Ce serait presque motivant de faire un mauvais disque pour pouvoir démontrer de nouveau que j’ai des capacités…

Face à ta consommation impressionnante de cigarettes, une question vient à l’esprit : le cancer du poumon ne te fait-il pas peur ?

J’aurais horreur de mourir de la même mort que Jacques Brel (rires). Je trouverais cela un peu cheap. C’est comme tous les gens qui apprennent qu’ils ont un cancer et décident de faire un voyage autour du monde. Je préfère penser qu’il faut tout de suite voir les choses un peu en grand et essayer tout ce qu’on n’a jamais fait auparavant. Qu’est-ce qui soulage de l’angoisse de la mort ? Les enfants, c’est pas mal : je n’ai aucun problème à comprendre que je fais partie d’une chaîne familiale qui continue. Avoir un fils change les priorités. Et puis, la musique est aussi un autre moyen de laisser quelque chose derrière soi.

Propos recueillis par Philippe Cornet l

CD  » The Player « , chez Pias à la fin

du mois d’octobre. Daan sera

en concert le 9 décembre prochain

à l’Ancienne Belgique (www.abconcerts.be)

et en tournée belge en 2007 (www.daan.be).

Philippe Cornet

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